Project Mémoire

Norman Harold Kirby

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Norm Kirby
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Cette photo montre le soldat Jagoe, le caporal Cook et le sergent Norm Kirby, tous du North Shore Regiment, à Gronigen (Hollande, 1945).
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Cette photo fut prise à la fin de février 1945. Elle montre des soldats de la compagnie C du North Shore Regiment. M. Kirby est assis à gauche du soldat tenant un magazine. Quelques minutes après que cette photo fut prise, cette section d'infanterie reçut l'ordre de faire mouvement vers Keppeln, où la plupart de ceux-ci furent tués ou blessés, se souvient M. Kirby.
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Le sergent Norm Kirby, alors commandant de peloton, célébrant avec des enfants dans la région de Groeningen (Hollande) en 1945.
Norm Kirby
Je n’ai jamais de regrets à propos d’y être allé, je ne regrette pas ce que j’ai fait et j’aurais, je ne sais pas, je n’arrive tout simplement pas à imaginer les choses autrement.

Et il y avait un gars qui travaillait dans la même usine que moi après la guerre, un gars qui s’appelait George Wilson, Gabby Wilson, qui était avec moi lors d’une attaque sur La Trésorerie (Normandie pendant l’été 1944). Gabby Wilson était caporal, et moi j’étais sur la mitrailleuse Bren. On l’avait nommé caporal suppléant pendant l’entraînement. (Ils ont servi tous les deux dans le North Shore Regiment.)

Lui et moi on était coincé dans un trou d’obus à côté de ces énormes forteresses qui tiraient de l’autre côté de la Manche, ces énormes canons qui pouvaient tirer sur l’Angleterre de l’autre côté de la Manche. Et notre travail c’était de les prendre. Bon, le Major Moore avait été prévenu qu’on subissait de très lourdes pertes et qu’il fallait que la compagnie se retire pour la nuit. Et la compagnie s’est retirée et nous a laissés dans ce trou de bombe, à 50, 70 mètres de l’entrée de cet énorme, monumental emplacement de canon. Et on était là tous les trois.

J’étais le mitrailleur Bren et j’avais un aide, un autre gars qui s’occupait des munitions et Gabby et on a installé la mitrailleuse sur le pourtour de cette chose. Et alors que les Allemands sortaient de leurs tranchées, en dehors de cette grande forteresse et essayaient d’arriver jusqu’à leurs canons antiaériens, j’ai réussi à les éliminer, l’un après l’autre et ils couraient tout le long et je les ai descendus et ils se sont écroulés et le groupe suivant s’est présenté et je les ai éliminés eux aussi. Et finalement deux ou trois d’entre eux ont réussi à arriver au canon antiaérien et ils l’ont braqué, juste sur nous et ils ont tiré dans les pieds et la Bren qui est partie en morceaux. Et puis au moment où il s’est mis à faire noir, le chargeur de la Bren, mon chargeur, a été tué. Avec Gabby on est repartis au quartier général de la compagnie. Gabby était dans tous ses états. Il était complètement démoli. Il n’a plus jamais été le même après ça. Il venait du nord de Vancouver (Colombie-Britannique) lui aussi, George Wilson.

Je suis rentré et le Major Moore a dit : « Où étais-tu? » Et j’ai dit : « Là-bas. » Il dit : « Tu as quitté ta position, retournes-y. » Je dis : « Je n’irai pas à moins d’avoir des gens qui viennent avec moi. Je ne vais pas là-bas tout seul. » J’ai dit : « Regardez Gabby là-bas, il est en train de pleurer et il a les yeux qui lui sortent de la tête. » Et Gabby n’a jamais plus touché un fusil ou quoi que ce soit, il a déserté deux fois et on l’a finalement condamné à la peine du piquet et tout ce qui s’en suit. Mais le Major Moore m’en a fait voir, mais en tout cas, il m’a laissé, vous savez, il ne m’a pas forcé à retourner là-bas, mais le lendemain, quand il a vu ce qui s’était passé il m’a promu caporal. Au fait, le lendemain, le Sergent George Hunt est venu me voir et m’a dit : « Norm, j’ai besoin de toi, de ta mitrailleuse Bren et d’un PIAT (lance-bombes antichar, une arme antichar anglaise) et il dit : “Je vais rentrer là-dedans et les faire sortir de là ces salauds.” Alors il m’a emmené et on est remontés presque jusqu’à l’endroit d’où on avait tiré avant, et il m’a fait tirer avec la Bren en disant : “Tu tires sans arrêt juste au dessus de ma tête.” C’était un grand gaillard, il a dit : “Je vais m’accroupir et entrer par cette porte et juste avant que j’arrive là-bas, je resterai sur le côté de la porte, tu prends le PIAT et tu tires deux coups sur cette entrée, c’était une entrée en coude. J’ai tiré avec le PIAT là dedans, j’ai tiré deux fois, ça a ricoché aux alentours, frappé la porte, fait sauter la porte, George Hunt est rentré là-dedans et est ressorti avec 200 Allemands au pas. Il a gagné la Médaille Militaire (décoration militaire décernée aux personnels non-officiers des armées anglaise et du Commonwealth pour leur bravoure au combat).

Pour en revenir à Gabby, il travaillait dans la même usine, on travaillait tous les deux à la scierie juste après la guerre et je l’ai vu et je suis allé à sa rencontre et j’ai dit, salut. Et il m’a regardé et il ne me parlait pas et même si on travaillait dans la même… il ne m’a jamais plus regardé. Alors je ne sais pas. Je me suis souvent demandé ce qui s’était passé.

Je ne sais pas s’il y a eu un rapport à l’état-major ou pas, mais le sergent Hunt, il était caporal à ce moment-là ensuite il s’est vu décerner, George Mervin Hunt, on lui a décerné la Médaille militaire et en regardant dans le, dans la section des récompenses, il a reçu la Médaille militaire pour cet épisode précisément, le 1er décembre 1945.

‘Messieurs, ce 26 février 1945, le North Shore Regiment reçut l’ordre d’attaquer et de capturer la ville allemande de Keppeln. Après que deux compagnies aient été prises d’assaut, le Peloton n° 2 de la Compagnie A du North Shore, reçut l’ordre d’attaquer montés sur les blindés. Lors de cette attaque, les Allemands interposèrent dix chars, obligeant nos blindés à se déployer et à s’engager dans une bataille de chars avec le Peloton n° 2 dessus. Ces manœuvres causèrent de très lourdes pertes et démantelèrent terriblement le peloton.

Le Caporal Kirby rassembla six hommes et attaqua la fortification ennemie. Ses pertes furent extrêmement élevées et après avoir perdu quatre hommes, y compris son mitrailleur Bren, il s’empara de la mitrailleuse de l’ennemi et prit la position en faisant plusieurs prisonniers de guerre, y compris le commandant de la garnison. À notre avis, le Caporal Kirby effectua un travail qui dépassait très largement le cadre de ses fonctions et en tant que caporal, agissant ainsi au mépris de sa sécurité personnelle, inspira à ses hommes une conduite exemplaire. Pour ces raisons nous recommandons le sous-officier ci-dessus mentionné pour la Médaille Militaire.

Signé par le Major Goreman, le Capitaine Nutter, le Sergent-Major de la compagnie Hunt, récipiendaire de la Médaille Militaire.’

J’ajouterai seulement que le Sergent John Alexander Tree était avec moi et a été récompensé de la Médaille Militaire en même temps que moi. Alors voilà, c’est ce dont je parlais parce que je n’ai pas pu me présenter à la…, on m’avait réexpédié pour partir dans le Pacifique (M. Kirby s’est porté volontaire en 1945 pour faire la campagne du Pacifique), j’ai raté la cérémonie au Palais de Buckingham et n’ai pas reçu ma médaille.

Oh, je crois que oui et ceux à qui j’ai parlé, on a tous accepté ça du point de vue psychologique et la plupart de ceux avec qui j’en ai parlé ne changeraient rien même s’ils en avaient la possibilité. Je n’ai jamais de regrets à propos d’y être allé, je ne regrette pas ce que j’ai fait et j’aurais, je ne sais pas, je n’arrive tout simplement pas à imaginer les choses autrement. Et je crois que la majorité des gars que je connais sont dans le même cas. Sans regret.

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