Project Mémoire

Orille Hogue

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

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Finalistes du régiment du Lac Supérieur, 1945. La plaque a été remise en reconnaissance de leurs efforts après le jeu à La Haye contre l'Artillerie canadienne.
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Médaille remise au régiment d'Orille Hogue en remerciement de leur rôle dans la libération du peuple et de la ville de Rosmallen, Pays-Bas.
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Billet pris du véhicule du comptable alllemand, qui était rempli de francs belges et français, de florins hollandais et de marks allemands. Le véhicule a été trouvé après la mise en déroute de l'armée allemande après la fermeture du trou de Falaise.
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Orille Hogue et Jim Isaac, amis et équipiers de jeu, en route vers la patinoire d'Amsterdam, Pays-Bas, 1945.
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Photo d'Orille Hogue aux Pays-Bas, à l'âge de 22 ans, en 1944. La photo a été prise sur "la demande de mes parents pour qu'ils voient que je n'ai pas perdu ma beauté".
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C’était pure folie, ça semblait totalement ridicule de se lancer à travers ces champs de blé calcinés pour attaquer un ennemi prêt à riposter, dissimulé dans des fossés et lourdement armé.
Je me suis engagé dans l’armée de terre et je suis parti pour l’Europe, j’étais opérateur radio. J’étais avec le corps des transmissions canadien. Et on m’a affecté au Lake Superior Regiment. De là, on m’a affecté à la Compagnie Charlie, avec laquelle j’ai été trois fois en tout et toujours avec le même groupe. Quoiqu’il en soit, mon travail c’était de tenir tout le monde informé par radio, et notre équipage, le Lake Superior, faisait partie de la 4ème division blindée et on était le soutien blindé. Chaque fois qu’une troupe de chars ou un escadron sortait, on allait avec eux. Alors c’était ça notre travail. Le 9 août 1944, la grande poussée, nom de code Opération Totalize. Ce grand plan d’action était destiné à nous faire aller au sud le plus vite possible pour faire la jonction avec les américains qui eux se dirigeaient vers le nord pour aller à Saint-Lô et fermer la seule route à l’est permettant la retraite de l’armée allemande. Si on arrivait à faire ça, on fermerait la poche de Falaise, c’est connu, le résultat de cette action pourrait réduire sans aucun doute le temps de la guerre, et peut-être y aurait-t-il 100 000 allemands pris au piège, l’effet de surprise c’était ça dont on rêvait. Une fois qu’on a eu commencé notre premier objectif c’était le village de Bretteville-le-Rabet, qui était au confluent des trois routes qui venaient de Falaise. En premier, notre compagnie B, c’était le Lake Superior Regiment, s’est greffé sur les chars du 22ème régiment blindé canadien. Ca s’est fait de jour, et au milieu de ces champs de blés tout brûlés tout le monde était exposé aux tirs. La poussée s’est enlisée et les chars se sont retirés, laissant la compagnie B exposée de tous les côtés. Comme nous, la compagnie Charlie, on était en réserve, on devait partir au secours de notre compagnie soeur qui avait des blessés dans les champs. Notre colonel, Marell, nous a ordonné de reprendre l’attaque. On allait abandonner nos véhicules, attraper nos fusils, munitions et une pelle et agir comme des hommes de l’infanterie pour la première fois. Ca allait être un vrai baptême du feu et ça paraissait impossible à réaliser. De la pure folie que cette course à travers ces champs de blé carbonisés pour attaquer l’ennemi qui se tenait prêt lui avec des emplacements de canons dissimulés et des tranchées tout ça semblait complètement ridicule. Une fois que tout le monde est en rang et que l’ordre est donné d’avancer, on se lève d’un bond et on avance d’une centaine de mètres environ et on entend : à terre et creusez. Dès qu’on a eu fini de creuser, l’ordre est arrivé : debout et en avant, et pendant tout ce temps les allemands nous ont lancé dessus tout et n’importe quoi, tout ce qui leur tombait sous la main, je pense. Artillerie lourde et artillerie légère, des mortiers et des moaning minnies [fusées allemandes tirées par les Nebelwerfers] et ça tombaient de tous les côtés. Après quatre ou cinq de ces sauts de puces, on avait couvert pas mal de terrain. Il arrive des trucs marrants par moments. Les bombardements ont diminués et hop nous voilà repartis. Et puis : à plat ventre et creusez. Bon, j’ai vu mon copain allongé sur le dos et il me crie qu’il ne va pas se mettre à creuser parce que d’ici à ce qu’on ait fini on devra se relever et recommencer. En l’espace de quelques secondes voilà qu’il nous tombe dessus le plus gros tir de barrage que l’ennemi ait jamais envoyé. J’entends mon copain hurler pour avoir ma pelle. Je la lui lance, il creuse. Ca lui a donné une bonne leçon je crois. Il venait juste de finir de creuser quand on est repartis. On a bien ri. Il a fallu creuser à nouveau mais avec une seule pelle cette fois. Le sol était dur et très difficile à creuser. On en a fait la plus grande partie en un temps record. Il faisait très chaud et même si on faisait attention à ne pas gaspiller l’eau, on a été à court très rapidement. Entre toutes les cendres des champs de céréales carbonisés et la poussière due aux explosions d’obus, on souffrait en silence. Finalement, on a réussi à mettre les allemands en déroute et beaucoup d’entre eux se sont rendus. Notre compagnie avait perdu un certain nombre d’hommes quand on a enfin été délivrés. On savait qu’on avait accompli quelque chose d’important et on était fiers du résultat final de cette journée de labeur. Le 19 août 1944 au matin après la fermeture de la poche de falaise, il y avait encore de nombreuses troupes allemandes déterminée à se battre pour s’échapper vers l’est. Cette nuit-là, on était abrités par une ferme le long d’une clôture qui encerclait un verger de pommiers. On a monté la garde chacun son tour, pendant que les autres dormaient. On a fait ça toute la nuit, pendant deux heures et j’ai pris mon tour, ça nous a emmené jusqu’au matin. J’étais adossé à notre chenillette quand j’ai remarqué quelque chose de suspect. Tout ce que je pouvais voir dans le demi obscurité du jour qui se lève c’était du mouvement près d’un grand pommier au milieu du verger. Quelque chose bougeait. Au début j’ai cru que le fermier avait attaché un chien à l’arbre. Ca sortait tout doucement et ensuite ça retournait derrière l’arbre. J’ai réveillé l’équipe pour savoir si quelqu’un pouvait dire ce que c’était. Finalement notre sergent a crié : « Sortez de là avec les mains en l’air ! » Et on avait le doigt posé sur la gâchette. Et alors, effectivement, un gars s’est levé d’un bond et s’est mis à courir vers nous. C’était un soldat polonais qui s’était faufilé entre les lignes allemandes pour venir rapporter qu’une grande partie de l’armée polonaise s’était fait piéger par les allemands. Apparemment les allemands avaient ouvert leur ligne de front, et une fois que l’armée polonaise était passée, ils l’avaient refermée derrière eux. Après qu’il ait fait part de cette information, on l’a très vite répercutée au quartier général de la division. L’ordre a été donné au régiment et au reste de la 4ème division blindée de partir à toute vitesse pour essayer de leur porter secours. Le trajet a été dur, parce que les allemands se battaient férocement. On devait aller sans dormir pendant la nuit du 19 et on a avancé petit peu par petit peu, pendant toute la journée du 20, on a persévéré en y allant à tour de rôle pour essayer de percer les lignes allemandes. Après six à huit heures d’arrêt pendant la nuit du 20, on a recommencé à avancer avant le petit-déjeuner. On était à seulement un kilomètre et demi de ces soldats polonais qui se terraient. Ils étaient dans un grand cimetière entouré d’un haut mur de pierre. Finalement, en début d’après-midi, on était arrivé près de ces polonais en rade et on les a sortis de cette situation proche de la catastrophe. Il y avait des polonais et des allemands blessés dans cette enceinte et nos infirmiers militaires se sont occupés d’eux. Ces soldats n’avaient pas eu d’eau et de nourriture depuis deux jours. Ils n’avaient plus de munitions non plus. Alors ils avaient dû utiliser les canons et les munitions allemands pour maintenir les allemands à distance. La plupart d’entre eux pleuraient quand on leur a donné de l’eau et de la nourriture. Ils nous ont serrés dans leurs bras et quelques uns parlaient un petit peu anglais, ils nous ont remerciés encore et encore de les avoir sauvés. Ils étaient sûrs que les allemands allaient les tuer tous s’ils venaient à les capturer. Ca avait été une course contre la montre et ça nous avait juste pris tellement de temps, on pensait qu’on allait arriver trop tard. Cette histoire est l’illustration de toutes ces petites réussites sur la route pour l’Allemagne.