J’avais 14 ans quand la guerre a commencé, je crois, et vous pensiez tout simplement, bon, quand je serai assez vieux, alors je partirai. Mon père a fait toute la Première Guerre mondiale et au moment du départ, il a dit, je déteste l’idée de te voir partir, mais ça me ferait honte si tu ne le faisais pas.
Bon, à la caserne de Fort Osborne à Winnipeg, c’était juste un endroit de passage jusqu’à ce qu’ils aient un groupe tout entier. Et ensuite je suis allé directement à Orillia en Ontario. Et ça c’était le camp d’entraînement de base pour le corps blindé royal canadien.
Vous ne rejoignez pas un régiment tant que vous n’êtes pas dans la zone de combat. En tant que remplacement ça marche comme ça. On avait confié à l’armée canadienne la mission de dégager la rive occidentale du Rhin. Au fur et à mesure qu’ils perdaient du monde, ils faisaient appel à nous, on était juste derrière alors, à Nimègue, mais alors on était tout près, prêt à apporter du renfort. Quand ils perdent un équipage de char, ils font appel à quelqu’un d’autre.
Mon travail c’était de maintenir le contact entre notre escadron et notre régiment, et l’infanterie avec qui on travaillait. Les radios ne marchaient pas sur les mêmes fréquences. Alors si l’infanterie avait besoin de quelque chose de notre part, ça arrivait jusqu’à moi, à l’état major de l’escadron, et ils avaient une des troupes de combat ou plus qui s’en occupait. Et si on voulait parler à l’infanterie, je devais prendre contact avec eux, alors. Un intermédiaire, en d’autres termes.
J’ai pris un appel une nuit aux alentours de minuit. L’escadron n’était pas prêt pour une action immédiate. Les chars entraient très rarement en contact avec l’ennemi de nuit, ils étaient trop vulnérables. Alors en général, on repartait en arrière un petit peu. Mais j’ai reçu un appel et j’en ai fait part à l’officier aux commandes de l’escadron, qu’ils voulaient se déplacer jusqu’à tel et tel endroit. On est arrivé là-bas vers 1 heure du matin. L’escadron tout entier est arrivé dans un petit pâturage, donc ils étaient très proches les uns des autres.
Rien ne s’est passé jusqu’au lever du jour et alors on dominait une vallée assez large, on était probablement à deux kilomètres de l’autre côté. Et un tir de mortier est arrivé. Et il a juste tiré cinq salves, ils étaient juste, il savait qu’on était là, il pouvait nous voir. Mais il n’avait pas l’endroit précis alors il a tiré cinq salves droit en face. Dix minutes plus tard, a fait la même chose. Et il a fait ça pendant une heure, juste pour nous maintenir à couvert. On ne pouvait pas sortir des chars, on n’osait pas, à part à un moment après que j’aie eu passé déjà 10 à 12 heures en service.
Alors vous êtes bien obligé de sortir pour obéir à l’appel de la nature. Et là j’ai pensé, bon, il vient juste de mettre ce truc au repos, il tire toutes les dix minutes, j’ai le temps de sauter hors du char, de me creuser un petit trou, de l’utiliser et de revenir. Je suis tellement bête que je n’ai pas réalisé qu’il pouvait me voir aussi. Alors à peine j’avais terminé de creuser ce trou qu’ils ont recommencé à tirer. Il y en a un qui est parti par là, et un autre qui est allé là, et le suivant c’était là où je me trouvais. Alors je suis allé m’aplatir sous un char. Mais quand vous faites ça, vous avez une combinaison de char sur le dos, vous avez des bretelles à votre tenue de combat et tout ça et elles vous pendent autour des genoux, qu’est-ce que vous faites ? (rire) Tout mon équipage me disait, viens dans le char. Je disais, comment pouvez-vous grimper dans un char avec votre pantalon descendu à la hauteur des genoux. (rire)
Parce que j’étais le radio pour l’escadron, quand on se tenait à l’arrière dans un endroit comme ça, si on avait un radio dans l’escadron, il y en avait un autre qui était là-bas. On mettait les écouteurs dans un casque et vous pouviez rester là et écouter la BBC. C’est comme ça qu’on a appris que la guerre était terminée. (rire)