Project Mémoire

Paul Mimeault

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Paul Mimeault
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Photo de Paul imeault, prise à Rome en juillet 1944.
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Photo de Paul Mimeault, à son retour d'Europe en septembre 1945.
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Les médailles de Paul Mimeault témoigne d'un long service militaire. Depuis la gauche, les cinq premières sont celles pour son service durant la seconde guerre mondiale: La médaille de guerre 1939-1945, l'étoile d'Italie, l'étoile de la France et l'Allemagne, la médaille de la défense, la médaille canadienne du service volontaire, ensuite son service d'après guerre: La médaille du couronnement de la reine Elizabeth, 1953, médaille canadienne du maintien de la paix, la décoration des forces canadiennes pour service de plus de 12 ans, avec barette pour 10 ans de service additionel. Les deux dernieres sont des médailles commémoratives non-officielles pour la libération de l'Europe et la guerre de Corée.
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Le certificat de démobilisation de Paul Mimeault, daté au 27 juillet 1945.
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On était tellement fatigué et tellement épeuré, on ne savait plus où on s’en allait. La barbe longue, les yeux sortis de la tête. Ça a duré 30 jours, jour et nuit.

Ce n’est pas croyable ! J’ai été élevé près du fleuve St-Laurent. Je pensais que j’avais vu des vagues. Je n’avais rien vu. Ce n’était pas de vagues sur l’océan, c’était des montagnes. Sur l’Ile de France, on était 40 000 soldats à bord. Ils nous ont dit de mettre les bagages en arrière et on est parti pour le front. On est arrivé sur une montagne et il n’y avait pas de bois évidemment. Il y avait une grande vallée. Le soir le commandant est venu nous voir et nous dit, « Vous voyez là-bas c’est la Ligne Gothique. On part ce soir, on marche toute la nuit et demain matin on l’attaque. » Je me suis dit ça y est, dans quoi me suis-je embarqué moi-là! [La Ligne Gothique était la dernière ligne de fortifications défensives allemandes contre la progression des armées alliées en Italie, 1944.]

La Ligne Gothique avait 16 kilomètres de profondeur. Des barbelés et des mines et des pillbox [casemate], comme on appelait ça. C’était des structures enterrées avec des tourelles de chars. Ils nous avaient donné un certain temps pour traverser et on a pris un mois. On était tellement fatigué et tellement épeuré, on ne savait plus où on s’en allait. La barbe longue, les yeux sortis de la tête. Ça a duré 30 jours, jour et nuit. Ça a été vraiment dur. On a perdu beaucoup d’hommes. On est arrivé le matin vers 4 heures. On était supposé d’attaquer tout de suite le matin. Un bataillon s’est décidé à attaquer avant nous autres. Ils ont attaqué et on a entendu un bruit infernal. La compagnie qui était avant nous avait sauté sur des mines. Ils nous ont reculés. Ils voulaient envoyer l’aviation là-dessus, c’était trop fort. Tout le monde avait peur. Celui qui fait la guerre et qui n’a pas eu peur c’est parce qu’il n’était pas là. Il était quelque part en Angleterre. Parce que sur le champ de bataille; la peur, le froid, la faim, la pluie, c’est ça qu’on endure. On dort à la pige 10-15 minutes de temps en temps.

Le plus drôle, ce ne l’était pas vraiment. Quand les canons allemands tiraient, on dormait et quand ils arrêtaient, on se réveillait. Si les canons tiraient, les soldats allemands n’étaient pas là. Une fois qu’ils arrêtaient, les soldats allemands ressortaient et c’est là que c’était dangereux. Les balles venaient de là.

Une demi-heure après être arrivé, tout le monde creusait des petits trous. J’ai eu le temps de creuser un pied. On voulait se cacher. Je mettais la terre du côté des Allemands. On restait là de 4 heures du matin à 4 heures de l’après-midi. Les crampes nous pognaient. Aussitôt qu’on voulait grouiller un peu, une balle arrivait sur le bord du trou.

Moi quand je prenais un prisonnier, les mains en l’air évidemment. Il y en a qui pleuraient et d’autres qui parlaient de leur famille. Il y en a qui les faisaient courir. Mais pas moi. Une fois qu’ils étaient désarmés, il n’y avait plus de danger. Quand j’étais à l’hôpital en Italie, il y avait deux jeunes soldats, des prisonniers. Il y avait trois soldats, un caporal et deux soldats. Un d’eux m’a demandé si j’aimais ça la guerre. Je lui ai répondu que non. Il m’a dit, « Pourquoi es-tu venu ici alors ?» Je suis resté l’air bête. Je n’ai pas été capable de répondre. Un général, un haut-gradé Allemand m’a dit après la guerre, « Vous autres les Canadiens, on s’est battu contre vous autres. On a perdu. On est vos prisonniers, mais on vous aime ».