On est descendus en France. On était en France à Marseille, il y a un endroit qui s’appelle Istres tout près. Et là, on s’est envolés pour l’Italie, et ensuite l’Afrique du Nord, et de l’autre côté, on est allés en premier en Égypte et ensuite à un endroit qui s’appelait (Al) Habbaniyah en Irak et de là, on est allés jusqu’à Karachi au Pakistan. De là, on a traversé à bord d’un hydravion (Short S25) Sunderland (hydravion à aile fixe qui a la capacité de bombarder) jusqu’à Calcutta (Inde) et de là, on nous a envoyés, on est restés là-bas pendant quelque temps et on nous a envoyés à un endroit appelé Imphal (Inde), juste sur la frontière birmane. Et de là, on s’est envolés pour la Birmanie à bord d’un Dakota (Douglas C-47). On s’occupait du ravitaillement de la 14e Armée (britannique) qui était en train de chasser les Japonais de Birmanie.
Le premier chargement qu’on a transporté en Birmanie c’était des bombes, il y avait des bombes de 112 kilos par terre de chaque côté de l’appareil. Et quand on est arrivés là-bas, ils ont ouvert les portes de soute et les gars faisaient juste sortir les bombes, en les poussant pour les faire tomber, youp là! « Mais qu’est-ce qu’ils fabriquent? », vous savez? Vous vous seriez attendu à ce qu’il y en ait une qui explose à un moment donné, mais en fait on m’a dit qu’elles n’avaient pas de détonateurs donc ça allait. Alors ils ont continué à les éjecter, en les déchargeant de cette manière tout simplement, tout droit par terre.
On venait de monter dans l’avion, il avait déjà son chargement à bord, ils avaient des pistes faites avec de longues pièces en acier, pour faire les pistes. Et c’était difficile de décoller parce qu’ils étaient toujours surchargés. C’était une des choses qui nous faisait peur, et on transportait des bidons d’essence pour l’avion et toutes sortes de fournitures comme ça. Oh oui, un de nos appareils s’est envolé avec des bidons d’essence et il venait de décoller, il a complètement disparu et on ne l’a jamais retrouvé. Mais des morceaux de l’appareil ont refait surface sur le rivage un peu plus tard, alors ils ont su de quel avion il s’agissait. Il avait été porté disparu. Alors en tout cas, ils n’ont jamais retrouvé les gars qui avaient été tués et ils étaient cinq à bord. Des gars sympas, des gars vraiment gentils avec vous. On jouait aux cartes la nuit précédente et le lendemain, ils étaient morts, vous savez.
Et pendant la mousson là-bas on volait aussi, et on pilotait au milieu des nuages à peu près la moitié du temps là-bas. Et c’était assez effrayant parce que les avions volaient dans les deux sens, des centaines d’avions qui faisaient la navette et on risquait en permanence d’en percuter un, vous savez. Et plusieurs fois, ce n’est pas passé loin. Vous voyez un point à l’horizon, tout à coup, boum, il est juste à côté de vous et on avait une méthode pour dégager sur la droite et l’autre gars était censé dégager à droite lui aussi. Et on a survolé des rizières là-bas et on a vu des éléphants travailler dans la jungle là-bas et oh, tellement de choses.
Et on rentrait à la base et on est arrivés tout près de la base, on nous a dit : « Tournez en rond au-dessus de la mer, tournez au-dessus de la mer, il y a trop d’appareils par ici et trop dangereux, alors allez tourner en rond au-dessus de la mer. » Alors on est descendus et on a survolé à la limite de l’eau parce que les nuages descendent presque jusqu’à la surface. Et on a tourné et après un moment j’en ai eu marre et j’ai dit : « Bon, je vais remonter », alors je suis remonté, j’ai fait deux ou trois tours et tout à coup, il y a eu une percée dans les nuages. Et tout ce que je voyais c’était le bout de cette petite péninsule là-bas, au large de la côte birmane, vous pouvez la voir sur la carte.
Mais en tout cas, j’ai juste repéré ça et me voilà en descente. Les gars étaient en train d’enfiler leurs parachutes, ils s’apprêtaient à sauter et ils commençaient à paniquer alors je dis : « Tenez bon. » Alors, en tout cas, je me suis aligné le long de ce couloir et on volait dans l’obscurité totale et le vent soufflait et la pluie giclait sur le… La seule chose que vous pouviez voir c’était dehors sur le côté et dehors de l’autre côté. Il faisait de plus en plus sombre sur ce petit côté alors j’ai juste continué à voler le long de ce corridor parce que je savais où on était. Et juste après, les mâts des navires qui étaient dans le port, ils sont apparus et bon sang, les gars m’ont félicité en disant que j’étais un héros et tout le reste.
Quoi qu’il en soit, on vole juste en face de la base, on a reçu la permission d’atterrir et on est descendus. J’en étais très fier.