Project Mémoire

Phil Le Breton

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Quand je venais d’arriver, je creusais une tranchée étroite ; elle était peu profonde, et je me serais retrouvé recouvert d’éclats d’obus sans doute. Mais bon sang, deux semaines plus tard, je descendais à deux mètres de profondeur et je sentais que ce n’

Je m’appelle Phil Le Bretton et j’ai débarqué à Juno Beach avec le Queen’s Own Rifles du Canada. L’assaut principal a eu lieu à 8h15 environ et ça, mais le reste d’entre nous qui était avec d’autres parties du bataillon et la manière dont ça se passe, en général plus vous êtes gradé dans l’état-major du bataillon, évidemment, on n’y est allés que deux heures plus tard.

On a passé un ou deux ans là-bas. On vivait et on dormait… C’est pour ça que j’étais avec le peloton des transmissions dont je parle. Il y en a eu un qui a été tué sur les plages. Après cinq jours, le 11, ça faisait cinq jours après, deux de plus ont été assassinés par les SS (la branche armée du parti nazi). Et j’étais dans l’unité de dépôt (unité de renforts) de ces deux là quand je suis parti sur le terrain. Et c’était triste.

Et puis les Sergents Tidy et Collins. J’ai eu beaucoup de peine en ce qui concerne Ted Tidy. Sa femme l’a pris tellement, tellement mal. Ils étaient profondément amoureux, je pense, et elle n’a tout simplement jamais accepté la mort de son mari. Lui et Collins étaient devant notre camions de transmissions. Ils étaient juste en train de jacasser et un obus les a eus. Bang et ils n’étaient plus là. Oui, c’est ce qui est arrivé. La tête de pont de Normandie, vous savez, elle était tellement étroite ; et les allemands, ils sont venus la nuit et ils ont bombardé. Leur champ de tir – ce n’était pas loin, huit kilomètres à l’intérieur des terres peut-être, vous savez, et ils envoyaient tout et n’importe quoi là-dedans. Bon, et certains jours ils le faisaient vraiment. Oui.

Le plus dur pour chacun d’eux c’était de, je, bon, je ne devrais pas dire ça. Ce n’était pas facile de passer du vaisseau mère à la péniche de débarquement. Ça rebondissait comme pas deux, c’était dur ; et ils avaient cet équipement, ils descendaient par des échelles de corde, et ils sont finalement montés dans les bateaux. Les compagnies A et B, et les compagnies qui étaient en tête, il n’y avait rien devant eux. Au fond, ils allaient au combat et notre compagnie B malheureusement à cause de la marée, ça les a déportés jusque devant un bunker allemand. Ça a occasionné de lourdes pertes avant qu’ils arrivent à le détruire.

J’ai passé mon vingt-troisième anniversaire à l’aéroport de Caen-Carpiquet. Et c’était un endroit très chaud. J’ai une médaille qu’on m’a donnée lors d’un voyage outre-mer. On l’appelait « L’enfer (de Carpiquet) », la (bataille de) Carpiquet ; c’est ça « l’enfer de Carpiquet ». Et oui. Ils nous pilonnnaient là-bas, et on est entrés dans un bunker allemand, Dieu merci pour ça. On était là pendant tout le restant du combat. Ils atteignaient le bunker lui-même et alors ça se remplissait de l’odeur et de la fumée de la cordite (poudre explosive) là dedans, jusqu’à ce que tout s’éclaircisse. Je ne suis plus sorti de là. On était deux, et ce qu’on a fait quand il a commencé à se faire tard et que les choses se sont calmées, un de nous a juste réparti les deux postes (radio), vous savez, juste augmenté un peu le son, et on a pu faire ça. C’était le jour d’après, le cinq, il ne fallait pas trop tarder à quitter le bunker parce qu’on avait été réunis. Ils étaient en train de faire remonter le reste du bataillon, alors certains d’entre nous ont dû sortir du bunker.

Donc, ce bunker avait deux couches de barres en fer sur le haut et de la terre, c’était du camouflage, et du gazon par dessus. Alors, en tout cas, j’étais devenu un petit peu plus avisé pour ce qui était de la bataille à ce moment-là parce que je savais, je savais à quoi ça pouvait servir ces choses là. Quand je venais d’arriver, je creusais une tranchée étroite ; elle était peu profonde, et je me serais retrouvé recouvert d’éclats d’obus sans doute. Mais bon sang, deux semaines plus tard, je descendais à deux mètres de profondeur et je sentais que ce n’était encore pas suffisant. Et vous vous mettiez juste derrière un mur et l’obus arrivait, et boum, plus de mur. Bigre, aucune protection ici.

On avait aussi notre fierté… Après deux semaines, le Corps canadien des transmissions, ils sont arrivés le jour J et ils sont restés pendant deux semaines. Ensuite ils partis. Ils disaient, c’est votre problème maintenant. Alors sans doute un jour plus tard à peu près, le Sergent Cornell, mon sergent, est venu me voir ; et il me dit, toi et Jack Perry (et Jack Perry était caporal), vous allez prendre le commandement. Jack, parce qu’il était caporal, assurerait le travail de jour, mais il a dit, que je le remplacerais à n’importe quel moment. Bon, Tidy avait été tué et puis il devait être sergent suppléant le 4 juillet. Alors il y avait une vacance de poste là. Alors ils ont promu Perry sergent. Et ils m’ont donné deux galons et m’ont donné son poste. Et ensuite j’ai été chef opérateur sur la chenillette Bren (véhicule blindé léger) pour le véhicule de commandement. Sur les véhicules de commandement il y avait le colonel, l’officier des transmissions, l’officier des renseignements, évidemment, le chauffeur et les signaleurs. Et d’un côté, la chenillette Bren a un moteur qui se trouve en bas au milieu et au dos en quelque sorte. D’un côté, il y a un endroit où vous pouvez vous asseoir et il y a l’autre côté où on avait notre poste de radio. D’un côté, il y avait la brigade, de l’autre côté c’était le poste (radio). J’ai travaillé côté brigade jusqu’à la bataille de, la Bataille de l’Escaut. C’était dans l’estuaire de l’Escaut en Belgique, la plus grosse partie, je crois.

J’ai servi jusqu’au bout dans chaque bataille et ceci de la Normandie en passant par les ports de la Manche et jusqu’à l’Escaut, la Bataille pour le Rhin, la libération de la Hollande, jusqu’au cinq, où ça a été officiellement terminé pour nous ; et j’ai été là-bas à l’exception d’une fois en février, et j’ai eu, je suis parti en permission en Angleterre. Ça m’a fait une coupure. Je suis revenu et ils m’ont laissé ; ils n’ont rien dit, ils m’ont juste laissé au quartier général. Finalement, après une semaine ou plus, j’ai dit, je crois qu’il est temps pour moi de retourner sur la ligne de front, de retourner sur la chenillette. Je l’ai fait et ne suis plus jamais parti.