Project Mémoire

Philip George Bissell (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Philip G. Bissell
Philip G. Bissell
Capitaine de corvette P. Bissell en charge de l'Exposition nationale canadienne, Toronto, Ontario, 1965.
Philip G. Bissell
Bibliothèque et Archives Canada
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40mm Boffin canon anti-aérien, NCSM Sioux. Bibliothèque et Archives Canada.
Bibliothèque et Archives Canada
Philip G. Bissell
Philip G. Bissell
Commandant P. Bissell à la fin de son service naval, 1977.
Philip G. Bissell
Australian War Memorial Collections Database
Australian War Memorial Collections Database
NCSM <em>Sioux</em> dans les eaux coréennes. Photo prise par Alan Wallace White, à bord du HMAS <em>Sydney III</em>, le porte-avions australien, quelque temps entre août 1951 et février 1952. Australian War Memorial Collections Database.
Australian War Memorial Collections Database
Notre premier tir a atteint l’usine en plein dans le mille, c’était là où ils assemblaient tous leurs trains. « Ouah ! » a-t-il dit, « Tir d’efficacité »

Après son premier voyage (NCSM Sioux), c’est là que je l’ai rejoint au début du mois de mai 1951. On a navigué, ça n’a pas pris longtemps, un arrêt à Hawaï et ensuite on est arrivés à Sasebo au Japon. Et alors voici ma première approche de la guerre de Corée. Notre officier d’artillerie navale, qui était responsable de moi et des autres, a été renvoyé au Canada et je ne sais pas si c’était pour des raisons personnelles ou ce qui était à l’origine de ça. Mais on m’a nommé officier d’artillerie navale à ce moment-là. Et j’ai ensuite eu sous ma responsabilité tous les gens et tous les canons à bord du Sioux, y compris les plus petits. J’étais aussi responsable de veiller à tout ce qui concernait le stockage des armes, toutes les munitions et de leur utilisation et du réapprovisionnement et des trucs comme ça.

On avait un radar spécial sur tous nos destroyers canadiens, appelé Sperry. Et c’était un radar particulièrement précis, à trois centimètres près le notre de radar, comparé à tous les autres radars, et même les navires britanniques. Mais en fait on avait ce, c’était presque comme une parfaite carte quand vous regardiez et on pouvait aller dans des eaux vraiment très dangereuses à cause des courants et de la profondeur de l’eau alors que les autres navires ne pouvaient pas. C’était trop dangereux.

Et chaque fois que vous, toute la journée, vous assuriez la protection d’un porte-avion. Ça pouvait être un anglais, un porte-avion américain, ou l’Australie avait un porte-avion tout neuf qui s’appelait le (NASM) Sydney. Peu importe quel était celui qui allait dans la mer Jaune, c’était, de jour notre travail c’était de protéger ce porte-avion avec nos canons. La menace des sous-marins a toujours été présente.

Mais comme on avait ce radar, dès que la nuit tombait, à cette période, tous les vols étaient interrompus, alors on nous envoyait bombarder la côte coréenne, l’endroit dépendait des ordres qu’on recevait. Mais on avait l’habitude de monter tout en haut de la Corée du Nord. Mais la plupart du temps c’était dans le sud, à essayer d’arrêter l’ennemi, c’est à dire les chinois et les nord-coréens, en faisant des sauts de puce d’une île à l’autre. Donc c’était une procédure standard. Et dès que l’aube se pointait, on quittait la zone de tir et on retournait dans la mer Jaune pour être avec le porte-avion.

Alors durant cette période, on a tiré 5700 coups de canons de 4,7 pouces. On avait deux canons à l’avant. Quand on est rentrés au Canada, je savais que nos tubes de canons étaient vraiment en mauvais état parce qu’on entendait, pendant tout la période où on a combattu avec nos canons de 4,7 pouces, les obus qui en sortaient faisait un certain bruit, un claquement, quand ils s’éloignaient dans les airs. Et quand on est rentrés au Canada, nos super canons de 4,7, 4,9 pouces en fait, tout neufs, ils nous tiraient dessus.

On a fait une expédition très réussie sur la côte Est pour bombarder, il y a un endroit qui s’appelait Wonsan. On devait jeter l’ancre parce qu’on allait tirer sur une cible à environ 15 kilomètres et c’était la première fois depuis que j’étais en Corée qu’on avait l’occasion d’avoir un avion observateur avec nous. J’ai fait faire aux gens de l’artillerie tout un tas de – je les ai rassemblés et j’ai dit : « Voici une chance unique de nous faire remarquer. » J’ai dit : « Je sais qu’on a tiré sur un paquet de trains mais cette fois c’est pour de bon, on va essayer de tout faire sauter, le grand centre ferroviaire appelé Wonsan. » Et alors ils ont tous, tout vérifier et j’ai dit : « Je veux tout le monde sur le qui-vive, parce je vais tout contrôler depuis le (Gun) Director (poste sur un navire qui contrôle tout l’armement du navire). » Et j’ai dit : « Je veux que tout le monde participe. »

L’appareil est arrivé à l’heure, j’ai donné l’ordre de tirer un fois, ce premier tir, pour savoir quoi, est-ce que la portée est bonne, et la direction, de la cible est juste. Résultat, notre premier tir a atteint l’usine en plein dans le mille, c’était là où ils assemblaient tous leurs trains. « Ouah ! » a-t-il dit (l’observateur dans l’appareil), « Tir d’efficacité » - donc ça voulait dire qu’il fallait tirer au moins 10 fois vite fait avec les 4,7 pouces, ce qui a bousillé un train qui se trouvait là et anéanti le reste du bâtiment. Et il a dit : « Bon » a-t-il dit, « Tu es pile dessus, rien, ne change rien. » Et je ne me souviens pas du nombre de coups qu’on a tiré là dedans mais, ça leur a causé pas mal de pertes parce que c’était le centre d’acheminement principal de tout leur armement militaire, aux nord-coréens. Alors c’était une opération très réussie.

C’était plus intéressant parce qu’on voyait le résultat directement, ce qui ne nous était jamais arrivé auparavant, parce qu’on n’avait jamais personne pour voir si on tirait sur quelque chose ou pas. On ne faisait que déranger les gens.

Une des choses c’était de, de fatiguer les chinois et les nord-coréens. On savait où ils étaient en gros et on faisait tonner les canons, à certaines distances, pour les empêcher de dormir. Et ça faisait une différence. Parfois on était le navire de tête pour de petites unités, des petits bateaux. Ils venaient nous rejoindre et on les guidait dans l’obscurité. Et quand ils approchaient de là où on voulait qu’ils se trouvent, on leur disait d’attendre là et on illuminait le ciel avec des obus éclairants et ils se trouvaient tout près des chinois qui essayaient de passer d’île en île à marée basse. Donc ils avaient un canon de 40 mm et dès que nos obus éclairants étaient lancés, ils arrivaient à les voir, alors ils leur tiraient dessus. Ça s’est produit environ quatre fois et à chaque fois on a placé un officier à bord qui faisait le relais radio en anglais.

Pendant qu’on travaillait là-bas, on a reçu une annonce de typhon et la manière dont ça s’est passé, on venait juste de rentrer d’une de nos patrouilles, où on tirait sur les gens, et c’était à la discrétion des commandants (de navires de guerre) de choisir s’ils préféraient quitter le port de Sasebo et partir au large, ou rester là. Mais une chose c’était que, c’était une grande base navale japonaise, où les navires de guerre et les porte-avions et vous savez, de grosses, grosses, bouées d’amarrage qui étaient extrêmement solides et pouvaient retenir n’importe quoi, même lors d’un typhon.

Cependant, le porte-avion qui était dans le port était, celui que j’ai mentionné tout à l’heure, l’australien, c’était le Sydney. Et le capitaine craignait de rester là-bas parce que ça risquait de les précipiter sur le rivage. Alors il avait, c’était son choix. Mais ils ne n’ont pas voulu le laisser sortir du port sans l’escorte d’un destroyer. Notre navire ami (le vaisseau allié en tandem Sioux pour l’escorte des porte-avions) était un navire, celui avec lequel on s’est le plus amusés, plus qu’avec n’importe quel autre. Pour arriver à garder ce navire contre le vent, il me fallait souvent faire du dix nœuds, mais ce n’était vraiment pas une bonne chose. Personne n’avait l’autorisation d’être sur le pont supérieur évidemment, parce qu’ils auraient été anéantis. Mais on avait pris le problème ou le début du – on avait des grenades sous-marines à l’arrière du bateau sur des rails, deux rails, les grenades sous-marines, elles étaient toutes sur la position de sécurité, heureusement. Et parce que, croyez-le ou non, il y a une porte à l’extrémité, comme si c’était un chemin de fer qui descend une colline et vous ouvrez la porte de devant, et elles sortent toutes en roulant. Mais c’était tellement fort, ça a détruit la porte du haut et elles sont toutes sorties à reculons, en amont, et on les a toutes semées dans l’océan. Heureusement, elles étaient sur la position de sécurité.

En même temps, le seul bateau à moteur qu’on avait a été écrasé et non seulement il avait été écrasé, mais les bossoirs qui les maintenaient eux aussi. L’autre bateau était complètement bousillé lui aussi ainsi que tous nos radeaux de sauvetage, tous, la totale. Le loch en métal (instrument qui mesure la vitesse d’un bateau) était tordu lui aussi. Même un de mes canons, il avait une pièce en métal qui servait de protection, ce qu’ils appelaient l’écran du canon, ça avait tordu ça aussi donc le canon pouvait être haussé parce qu’il n’avait pas d’espace du fait qu’il était courbé. Et il a complètement bousillé notre système de sonar, celui qui pend en dessous du navire, il avait détruit toutes sortes de choses.

Alors nous sommes retournés à Sasebo quand le vent s’est calmé. Le porte-avion à ce moment-là était tout neuf, je parle du Sydney, et une des vagues l’a soulevé et a tordu tout l’avant, la piste d’envol, sur le porte-avion, vous savez, et ça lui a donné la forme d’un gigantesque ski. C’était la fin pour eux et il a fallu qu’ils retournent à Sydney, en Australie.