Pierre Gauthier a servi dans le Régiment de la Chaudière pendant la Deuxième Guerre mondiale et a participé au Jour J. Voir son témoignage complet ci-dessous et regardez notre interview de 2018 avec lui ici.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
J’ai joint le Régiment de la Chaudière, dans le deuxième bataillon du Régiment de la Chaudière, parce qu’il y avait déjà un groupe du régiment qui était rendu en Angleterre. Deux ou trois semaines après, ils nous ont envoyé outre-mer. Ils nous ont mis sur un train pour Halifax et ensuite sur un bateau pour aller en Angleterre. Les bateaux sont partis de Southampton le 5 juin [1944] et on a traversé la Manche dans ces bateaux-là. On était tous malades, we were all seasick. On avait le mal de mer. On n’était pas habitué de prendre des bateaux. Les marins qui travaillaient sur les bateaux riaient de nous autres. Dans la cale de ces bateaux-là, il n’y avait rien, pas de tables ou de chaises. On était debout sur des plaques d’acier. Il y avait du vomi partout, la senteur était épouvantable. Finalement, durant la nuit du 6 juin, ils ont installé des filets sur le bord du gros bateau. Big cargo nets, you know, big cables [des filets cargo, de gros cables]. On a descendu ces filets pour accéder à des petits bateaux, des LCI [Landing Craft, Infantry] qui nous amenaient au [lieu de] Débarquement. C’était dangereux, car les petits bateaux, les LCI, montaient et descendaient. Il fallait faire attention quand on sautait [dans l’eau]. On avait notre équipement sur le dos, on avait 35-40 livres sur le dos. On avait nos carabines, très important. Ça a été dur. J’avais 19 ans. Quand on a sorti des bateaux, ça a été une période très calme. It wasn’t time to tell jokes. [Ce n’était pas le temps de raconter des blagues]. On savait où on s’en allait. Ils nous ont dit avant d’embarquer sur les bateaux, «Vous vous en allez faire un exercice très sérieux. On s’attend à ce que vous perdiez la moitié de vos hommes. Si vous en perdez moins que la moitié, l’exercice sera un succès.» So, we were expecting to lose half the crew. So it was no time to tell jokes. [Alors, on s’attendait à perdre la moitié de l’équipe. Ce n’était pas le temps de raconter des blagues]. So when we were on those small boats, the LCIs, people were very quiet. [Quand on était sur ces petits bateaux, les LCI, tout le monde était silencieux]. On pouvait entendre les balles frapper le côté des bateaux en approchant la plage. On ne pouvait pas voir à l’extérieur du bateau, car les côtés sont hauts. On a su après que deux des cinq bateaux sur lesquels le Régiment de la Chaudière a débarqué avaient été coulés parce qu’ils avaient été frappés par l’artillerie allemande. Les gars ne se sont jamais rendus à la plage. Je me rappelle d’une chose à la plage, j’ai 85 ans et je me rappelle d’une chose : le padre [l’aumônier] du régiment, le Padre Huard - the regimental priest [le prêtre du régiment] - qui était avec nous autres. À ma droite sur la plage j’ai vu le padre à genoux dans le sable en train de donner les derniers sacrements à mes confrères. Ça m’est resté dans le cerveau pendant 66 ans, voir Padre Huard à genoux dans le sable. Nous étions un régiment fort catholique. Quand les choses se tranquillisaient, on disait notre chapelet. Avant de partir en exercice, le Padre Huard passait parmi nous et nous demandait, As-tu fait ta confession, toi? Est-ce tu es prêt? C’est important ça. Il n’y a pas beaucoup de gens qui réalisent que la religion a eu un grand effet sur les soldats. Le Régiment de la Chaudière était un régiment Canadien français de langue française, très fort catholique. Durant ces années-là, on avait de fortes croyances. Pas comme aujourd’hui. On allait à l’église tous les dimanches, etcetera. Ça avait une influence.