Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Vous voyez à cette époque ce qui se passait dans l’armée, si vous alliez à l’école d’infanterie, il y avait trois régiments au Canada et seulement un bataillon par régiment. Vous pouviez aller dans le RCR (Royal Canadian Régiment), vous pouviez aller dans le Patricia (Princess Patricia Light Infantry) dans l’ouest ou les Van Doos (Royal 22e Régiment) au Québec. Évidemment, tous les gens de langue anglaise ou la majorité se tournaient vers le RCR ou le Patricia. Et je suis allé dans le RCR parce que c’était celui où je voulais aller.
Bon, je suppose que la chose qui me restera toujours, comme je l’ai dit, j’étais premier et troisième, alors j’étais sur la Colline 187 et les 2 et 3 mai (1953 ; combat entre une patrouille ennemie et les compagnies A et C du Royal Canadian Régiment) quand je me suis fait attaquer. J’étais dans le 8e peloton, Compagnie Charlie et le Lieutenant Banton était mon commandant de peloton, un gars d’Ottawa, qui était pharmacien mais s’était engagé dans l’infanterie, je ne sais pas pourquoi. J’avais une carabine américaine (Carabine M1, un fusil compact semi-automatique) parce que tous les officiers, il avait un pistolet 9 mm, et il a dit comme ça : « Est-ce que je peux prendre ta carabine ? » Il a dit : « Je veux sortir et faire une patrouille. » Il a dit : « Tu ne devrais pas venir. » En tout cas, je lui ai donné ma carabine, il m’a donné son petit pistolet et il a été le premier tué juste à l’extérieur de la ligne, le Lieutenant Doug Banton. Et j’étais là avec le petit pistolet. Mais en tout cas, c’est quelque chose qui m’est resté gravé dans la mémoire et c’est toujours présent et j’ai passé deux années d’enfer après la Corée avec de terribles cauchemars et on ne parlait pas de TSPT (trouble de stress post-traumatique ; grave trouble de l’anxiété qui peut se développer après des événements traumatisants) à l’époque. Et j’avais un beau-père, très cultivé, et il m’a aidé à passer le cap pendant cette mauvaise période tout simplement en me réveillant et en me parlant.
Les chinois avaient la terrible habitude de faire du boucan, en tapant sur des objets et jouant de la trompette. Alors il y avait une vague de gens avec des armes, qui fait tout ce boucan ce qui est un petit peu effrayant. Il fait sombre, n’est-ce pas, et puis les vagues de soldats arrivent et puis les bombardements commencent et pas mal de bombardements ce sont les vôtres. Ils savent qu’on est en train de se faire attaquer alors notre artillerie arrive et essaye de les repousser, n’est-ce pas. Et je dirais que l’attaque a duré une heure, une heure et demie à peu près et à ce moment-là il ne restait plus grand-chose de nos tranchées. Alors on est tous partis et on est retournés à ce qu’ils appelaient l’Echelon A après ça et bien, les autres compagnies ont pris notre relève. Alors comme je l’ai dit, c’était très effrayant.
Sur la (Colline) 187 ce soir-là, j’ai été blessé et on m’a emmené en hélicoptère et ils vous placent sur le côté d’un hélicoptère américain. Il y avait une espèce de lit. Et ils vous recouvrent avec de bonnes couvertures et tout ça pour que vous ayez bien chaud mais ce que je pense c’est que je ne vais peut-être pas mourir de mes blessures, mais c’est le froid qui va me tuer car ça gèle dans ce sacré hélicoptère, parce que vous êtes à l’air libre.
Et puis en tout cas, la partie amusante de l’histoire c’est que j’étais dans l’hôpital d’évacuation américain 121 à Yongdong-Po (Corée) et après que j’aille mieux, huit jours plus tard, neuf jours plus tard, une infirmière est venue, une gentille petite infirmière, Capitaine Southerner, et elle a dit : « Bon, a t-elle dit, ce serait bien de vous mettre quelque chose sur le dos. » Elle a dit : « Vous partez à Iwakuni (Japon) dans un camp de convalescence. » J’ai dit : « Je pars au Japon ? » Elle a dit : « Oui. » Alors j’ai enfilé des vêtements et ils m’ont emmené en ambulance à l’aérodrome de Soest (Séoul) et je suis prêt à monter à bord de ce Globemaster (avion cargo pour poids lourds) qui doit m’amener à Iwakuni, et voilà les bérets rouges anglais qui se pointent, la police militaire britannique, n’est-ce pas. Et ils étaient, on était une division du Commonwealth britannique. Alors ils sont venus et : « Avez-vous le soldat Verge ici ? Et ils (le personnel de l’hôpital) ont dit : « Oui » Ils ont dit : « Il ne peut pas partir, il n’est pas Américain. » Ils m’ont repris et je ne suis pas allé à Iwakuni et pour aggraver les choses, ils m’ont transféré de l’hôpital d’évacuation 121 de Yongdong-Po à l’hôpital militaire britannique à Soest (Séoul) et on ne vous traitait pas du tout de la même façon. Pas de jolies petites infirmières.
Les Américains, ils avaient, une nuit, la deuxième nuit ou la troisième, j’étais encore en colère je suppose et l’infirmière est venue et a dit : « Est-ce que je peux vous apporter quelque chose ? » J’ai répondu : « Oui, de la tarte aux pommes et de la glace. » Je faisais le malin, n’est-ce pas. Je ne savais pas, elle m’a apporté de la tarte aux pommes et de la glace. Les Américains avaient une fabrique de glaces là-bas pour leurs soldats. On n’avait rien de pareil.
Deux gars avaient une petite section, comme ils disent un parapet dans la tranchée, la tranchée pouvait aller sur des kilomètres. Et puis vous aviez votre avant-poste et tellement de gens étaient sélectionnés pour les patrouilles. Et ils essayaient de ne pas prendre toujours les mêmes. Mais en fait vous étiez dans une tranchée du crépuscule, disons entre 5 et 6 heures du soir jusqu’à 4 ou 5 heures du matin. Vous ne pouviez pas fumer ou autre, parce que l’ennemi pouvait le voir. Vous restiez debout dans votre tranchée pendant 10 à 12 heures.
Un bunker est construit avec de la terre et tout le bois que vous arrivez à trouver et des sacs de sable. Il y avait beaucoup de rats de bunker, des gros rats. Alors ce n’était jamais très confortable, vous vous mettez dans votre sac de couchage et jetez la couverture par dessus. Et vous dormiez. Et pendant la journée, parce que vous étiez debout toute la nuit durant dans l’obscurité. Donc ce n’était pas agréable. Mais vous sortiez de temps à autres, vous savez. Ils avaient ce qu’ils appelaient un jour LOB, laissé hors de la bataille et pas tout le monde pouvait en profiter mais vous étiez sélectionné et vous retourniez à l’échelon B, qui n’était pas à côté. Et vous aviez droit à des vêtements propres et une douche, de la nourriture, vous savez. Alors c’était agréable. Vous aviez le LOB et puis comme je l’ai dit votre R et R (Repos et Récupération) et puis vous retourniez à la brigade et la réserve divisionnaire, donc vous n’êtes pas sur la ligne de front tout le temps. Mais vous passez beaucoup de temps sur la ligne de front.
Bon, il y avait différentes patrouilles, n’est-ce pas. Il y avait ce qu’ils appelaient les avant-postes, qui étaient devant vos lignes de peloton, deux hommes en général. Et puis vous aviez la patrouille de combat et la patrouille d’embuscades. Donc la patrouille de combat représentait cinq à sept hommes à peu près, au fond elle servait à trouver et engager l’ennemi à moins qu’il soit trop fort. Et votre patrouille d’écoute, qui était dans un avant-poste, seulement deux ou trois hommes et c’était juste pour observer avec attention les lignes devant nous, qui étaient les lignes chinoises et les lignes nord-coréennes. Alors ça voulait dire, si vous étiez dans une patrouille de combat ou d’embuscade, beaucoup de marche à pied et vous savez, et l’espoir que vous allez retournez à l’intérieur de votre ligne et revenir à l’intérieur de votre ligne et votre sergent major de compagnie vous attendait là-bas et vous donnait à boire la ration journalière du soldat, que vous ne receviez qu’en cas de combats ou d’exercices importants. Je suis un garçon, alors je prends le rhum, et le rapporte direct à mon sergent qui dit : « Qu’est-ce que tu fabrique Verge ? » J’ai répondu : « hé, hé sergent major, je n’ai jamais bu. »
On avait de la chance d’une certaine façon pour ceux d’entre nous qui étaient tellement jeunes, on avait de nombreux anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale qui s’étaient engagés dans les forces pour la Corée et ça aidait énormément parce qu’ils savaient, ils étaient déjà passés par là dans une autre guerre et ils nous guidaient en quelque sorte. Vous savez, on a combattu jusqu’à la fin. Et je ne suis pas certain que l’armistice, je crois que c’était en juillet (27 juillet 1953) mais je ne suis pas sûr, mais on a été attaqués en mai, vous savez, alors on a combattu vraiment jusqu’à la fin. Et ceux qui ont été faits prisonniers de guerre cette nuit-là, qui ont été relâchés, j’ai une photo chez moi, j’aurais dû l’apporter avec moi, des premiers canadiens relâchés du camp de prisonniers sur le pont de Panmunjom. Mais oui, les combats ont persistés, jusqu’à la fin. Alors on est rentrés chez nous et début novembre. Et une expérience qui m’est restée, c’est toujours là avec moi. Je suis l’ex-président des anciens combattants de Corée, Nouvelle-Écosse, je suis l’ex-président du Royal Canadian Régiment, Nouvelle-Écosse. Alors ça vous reste. Et c’est une relation que vous ne perdez jamais vraiment.