L’Italie ensoleillée en hiver c’est sûr que ce n’est pas comme l’été italien parce qu’il arrive qu’il tombe des cordes là maintenant et dans une heure, il sera peut-être en train de neiger ; et les flocons de neige sont aussi gros que des soucoupes, et je vous le dis, ils sont pires que la pluie en fait. Et avec les voitures blindées, les routes et le fait que, très peu d’entre elles étaient pavées et la boue ça rendait la situation plutôt effrayante. Beaucoup des chemins de montagne qu’on devait emprunter, on avait perdu des voitures qui se retrouvaient sur le toit parce qu’elles étaient sorties de la route. Mais non, ce n’était pas toujours ensoleillé en Italie et on était l’infanterie. Ils venaient juste de nous transformer en infanterie parce qu’ils manquaient de personnel et ils disaient que ce genre de terrain ne convenait pas aux voitures blindées. Si ça avait été un peu plus dans la rase campagne, mais e n’était pas le cas, et on perdait trop de voitures parce que chaque virage était piégé ou ils avaient des canons qui les couvraient.
Donc c’était un petit peu différent pour nous. On n’avait jamais été formés pour l’infanterie en fait. C’était quelque chose qu’il nous fallait apprendre. Je crois qu’on s’est bien rattrapés parce que notre unité, Major Burke, j’ai été son opérateur pendant deux ans, on a été les premiers pour la capture de Ravenne quand on est arrivés là-bas et c’était un honneur en quelque sorte. Ça fait partie de l’histoire de notre unité et, en fait, dans le dernier numéro de Legion (revue) qui est sorti, il y avait, notre dernier épisode était là dedans, là où on avait les renforts, les « plugs » comme on les appelait, avaient perdu un escadron tout entier et il se trouvait que j’étais l’un d’entre eux.
Il y avait un carrefour, et il y avait une maison là-bas qui assurait le commandement de ces carrefours. Et c’était notre travail de prendre cette maison si possible. Ils avaient fait un travail de reconnaissance et avaient dit qu’il n’y avait que trois ou quatre mitrailleuses là-bas ; et on s’est dit, qu’on n’aurait pas de problèmes avec elles. Et c’était la nuit où ils ont voulu essayer quelque chose de nouveau. Ils avaient apporté un paquet de projecteurs ; et ils étaient derrière nous à 5 kilomètres environ. Ils étaient censés nous éclairer le chemin ; et il y avait ces canaux qu’on devait traverser. Les canaux, il y avait eu beaucoup d’eau et beaucoup de pluie, et ils faisaient 1,20m à 1,50m de profondeur. Et on devait en traverser deux et remonter sur les berges.
Bon, les allemands nous avaient vu venir à des kilomètres à la ronde. Et par dessus tout, quand on est arrivés là-bas et qu’il nous a fallu passer entre les deux canaux. Il y avait des fossés pour le drainage là dedans et il y avait environ 45 centimètres d’eau dedans ; alors on en a parcouru la moitié et, tout à coup, les tirs de mitrailleuse ont commencé. Et, bien sûr, tout le monde, vous essayez de vous cacher dans un trou si vous êtes dehors à découvert et tout le monde a plongé dans ces trous, les fossés de drainage évidemment. Y compris moi.
Mais ensuite j’ai regardé en l’air par hasard et je pouvais juste voir les gerbes d’eau qui descendaient dans la tranchée, tout droit, tout le long. J’ai crié aux gars de sortir de là, sortir de là parce qu’ils les avaient synchronisées. Et à ce moment-là, il était déjà trop tard pour beaucoup de gars, et on a découvert après coup que le Maréchal Kesserling était venu là avec tout son bataillon de mitrailleuses et qu’il y avait environ 35 mitrailleuses qui couvraient ce carrefour et cette maison. Il n’y avait pas grand-chose qu’on puisse faire, on était toujours en période d’entraînement.
Vous partiez en avant, vous avanciez encore, vous avanciez toujours et on est entrés dans la maison et on n’était plus que treize sur les 60 du départ. Et on a tenu pendant, il était deux heures du matin ou quelque chose comme ça. Je sais que c’était une maison en pierre ; et je suis entré là-dedans avec ma radio et je pouvais entendre notre compagnie d’appui qui appelait. Je pouvais les entendre mais je ne pouvais rien envoyer. J’ai demandé à un ami à moi, en fait, il habitait à Brandon (Manitoba), il est mort il y a un an, M. Sitko. Je lui ai demandé de m’aider à faire courir un fil autour de la maison pour faire une antenne. Et puis j’ai découvert qu’il y avait deux trous de balles dans la partie du milieu de mon poste de radio qui était sur mon dos, c’est comme ça que j’ai été à deux doigts d’y passer, et que je ne pouvais pas envoyer de message.
Mais, en tout cas, je pouvais entendre le Capitaine Jack McNeil, il commandait l’escadron C (4th Princess Louise Dragoon Guard, Royal Canadian Armoured Corps). Je l’ai finalement entendu dire qu’il n’y avait pas moyen qu’il puisse traverser. La puissance de feu était tout simplement trop élevée. On a tenu jusqu’à deux heures du matin et ensuite on a dû se rendre. Nos munitions étaient épuisées. Bon, pas seulement ça, ils avaient apporté deux bazookas et ils essayaient de faire un trou dans le mur pour entrer. Et finalement, il y avait un officier allemand qui parlait anglais et qui nous a dit qu’on ferait mieux de se rendre ; et on était pratiquement à court de munitions. Il a dit, il va falloir que vous sortiez par la fenêtre, et on a dit non. On était des soldats, on entre par la porte et c’est aussi le même chemin qu’on prend pour sortir. Alors on est sortis par la porte et on n’était plus que 13 sur, il y avait, bon, cette nuit-là, il y avait, bon, cette nuit-là, il y a eu 33 tués en l’espace de dix minutes ou moins je dirais.
En 1996, avec ma femme nous, bon, ils avaient rempli tout un autocar pour aller là-bas, deux autocars en fait, et on a suivi notre route depuis la Sicile jusqu’en Italie et on a remonté l’Italie ; et on a été au cimetière à Villanova. Et voilà 33 des plus grands alignés côte à côte. En fait, le problème c’était, bon, ça n’a pas d’importance que ce soit un problème ou pas, la plupart de ces garçons, c’était leur premier combat. Ils faisaient partie des renforts et c’était vraiment triste. Je, même encore aujourd’hui, je peux encore entendre les balles frapper leurs corps dans ce satané puisard dans lequel on était, mais je suppose que c’est la vie. Moi, je pense que j’ai eu de la chance. Je m’en suis sorti. Quelques autres aussi, mais ça nous turlupine encore la nuit. Mais c’était l’expérience qui a fait de nous des prisonniers de guerre.
Et ils nous ont gardés en Italie pendant quatre ou cinq jours, et ensuite ils nous ont envoyés à, en passant par le col du Brenner (NDT : sépare l’Italie et l’Autriche), au Stalag VIIA à Moosburg. Pendant deux jours, on n’a rien eu à manger ni à boire dans le wagon de marchandises. Et c’était le jour de Noël et il y avait une vieille pompe dans le camp de prisonniers et on ne pouvait tout simplement plus attendre pour boire de l’eau. Et ça a été notre repas de Noël en 1944.
Les deux autres jours, l’armée de l’air américaine et l’armée de l’air britannique bombardaient Munich et puis on a eu plus de travail à faire pour nettoyer ça. Or, je pesais dans les 81 kilos à mon arrivée là-bas et 63 à la sortie. Bon on se nourrissait surtout de pain noir et de soupe au chou.
En fait, les soldats allemands eux-mêmes ou les gens, ils nous traitaient bien. Même ceux qui nous ont fait prisonniers étaient, c’était de bons soldats et ils nous traitaient comme il faut. La plupart de nos gardiens étaient des anciens combattants de l’armée allemande de la Première Guerre mondiale et ils étaient passés par là, et ils savaient comment c’était.
On était dans cette immense grange, c’est là qu’ils nous gardaient la nuit. Et je suis allé à la porte et j’ai regardé dehors ; et j’ai dit, Frank, il n’y a pas de gardes. Il a répondu, tu plaisantes ? Et on est sortis et on a regardé partout, il n’y avait pas de gardiens ; et puis tout à coup, on a entendu des tirs de mitrailleuse et ils ont des toits en shiste là-bas, c’est comme un toit plat en pierre. Et quelques unes s’envolaient de la maison et au coin est arrivé un char américain. Et ici les américains nous avaient rattrapés.