Project Mémoire

Real Boulet

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Réal Boulet
Réal Boulet
Certificat de libération (démobilisation) de Réal Boulet, daté 18 octobre 1945, avec mention de réception de la médaille du service volontaire et service en Europe.
Réal Boulet
L'Institut Historica-Dominion
L'Institut Historica-Dominion
Réal Boulet à Saint-Jean-Port-Joli, Québec, en avril 2010.
L'Institut Historica-Dominion
J'ai écrasé sous la fatigue, je me suis endormi. Ils m'ont laissé pour mort. J'étais à l'autre bout du chemin quand je me suis réveillé et ils étaient partis.

J'étais le plus vieux d'une famille de 15 enfants, alors je me suis dit quand même qu'ils perdraient un gars dans la famille. Ma mère, quand elle était jeune, elle avait travaillé à l'hôpital Victoria à Québec. C'était le temps de l'autre guerre. Elle savait toutes les chansons contre les Allemands, alors on avait appris ça nous autres. Un bon coup, J'ai rencontré un de mes chums à Saint-Paul [de-Montmagny, Québec] et il m’a dit: on s'enrôle-tu? On avait vu ça au bureau de poste, une affiche qui disait enrolez-vous dans le régiment. Mon salaire dans ce temps là était de 40 piastres par mois à la beurrerie. Ce n'étaient pas des gros salaires dans les années de crise, encore 1939-1940.

En Normandie, ça a été le 6 juin que j'ai fait le Débarquement. Il y avait un mur en ciment de cinq pieds de haut avec trois pouces de barbelés par dessus. Et puis là, il y avait des ingénieurs du régiment qui avaient des tubes pleins de dynamite. Ils faisaient sauter ça pour qu'on puisse passer. On a réussi à passer. On a passé à côté de l'église. On avait une grosse montagne à monter quasiment. C'était notre objectif pour la journée. Il fallait être rendu là. On l'a monté tout en faisant la guerre. On a fait cinq, six miles. On a ramassé des Allemands, environ 45. On les cernaient. Rendu le soir, il nous ont placé les compagnies chaque bord du chemin avec des pelles, notre pelle pour pelleter de la gravelle on avait dans nos baggages. On avait commencé à creuser une petite tranchée et les chars d’assaut des Allemands ont fait une contre-attaque. Il y avait un nommé Roy, du régiment. Il avait monté avec une Jeep avec un petit canon. Il avait réussi à débarquer une quinzaine de chars d'assaut allemands qui s'en venaient. Il les a poigné et il était encore en train de viser pour en éliminer d'autres. Il a tué le général allemand qui était à la tête de cette attaque.

Nous autres on n’a pas tout vu ce qui ce passait. Ils ont fait des prisonniers un peu [du Régiment de] la Chaudière. Ils sont arrivés assez vite, quand les Allemands ont vu qu'avec pas grand chose ils avaient déja perdu une quinzaine de chars. Ils ont viré de bord et ils sont allés se cacher dans le bocage. Le lendemain, les avions de combat canadiens et anglais et sont arrivés et ils nous ont arrangé ça, cette gang là.

On était supposé aller attaquer la grosse ville de Caen. Le général [le maréchal Erwin Rommel] qui était en charge de tout cette armée là allemande, lui il avait de l'ouvrage aussi. Ensuite on est rentré et on a fait un sept, huit miles, et on est revenu par en arrière de Caen. On a pris l'aéroport. On avait réussi à prendre l'aéroport mais la ville de Caen, ils se sont dit qu'ils n'avaient pas le choix de tuer tous les Allemands dans la ville. Je m'en rapelle, c'était le soir et tout d'un coup il arrive un sept, huit [cents] avions bombardiers. Ils ont laché ça sur la ville de Caen. Un gros nuage de poussière. La ville était anéantie. Il restait rien qu'une église debout. Au bout d'une semaine, on est passé dans la ville de Caen et ça sentait mauvais. Il y avait 60 000 Français là [avant la bataille de Normandie]. Ils y ont passé avec les SS [Schutzstaffel]. C'est la guerre.

Un repos, je vais te dire franchement ça a été à Carpiquet, deux, trois jours avant. J'ai écrasé sous la fatigue, je me suis endormi. Ils m'ont laissé pour mort. J'étais à l'autre bord du chemin quand je me suis réveillé et ils étaient partis. Je les ai rejoint. C'était la prise de Carpiquet. Ça faisait déjà trois semaines. Quand on a pris Carpiquet, ils en ont parlé dans les journaux comment ça avait été dur à prendre, les Allemands étaient organisés pour nous recevoir.

Les Français était contents. En Normandie, j'ai passé environ à 50 miles des terres de mes ancêtres Normands, les Boulet. Les chutes d'eau étaient quasiment d'origine. On chantait la chanson, « J'irai revoir ma Normandie ! » On n’avait pas toujours le temps de parler avec eux autres. On était « drillés » [entraînés]; il fallait marcher de telle place à telle place. Quand on était sur le bord du chemin, on s'écrasait là et on dormait. Il y avait encore beaucoup de soldats allemands mais ils savaient que la guerre était finie. Il fallait rester sur les armes pareil pour contrôler ça, cette histoire là. Le régiment est resté au nord de l'Allemagne pour faire l'occupation. Puis moi, vu que ça faisait cinq ans que j'étais dans l'armée, ils m'ont envoyé au Canada voir mes parents.

Quand je suis arrivé, mes soeurs je ne les reconaissais plus, quasiment. Elles avaient grandi en cinq ans. On était quinze chez nous. Ils sont venus me chercher à la gare de Québec. Ça fait curieux de revoir ses parents. Mes parents n'étaient pas riches, ils avaient des lots à bois mais ils n'étaient pas riches. Avec 15 enfants, je leur envoyais la moitié de mon salaire. Mes 40 piastres. Il fallait que je les aide. J'étais le plus vieux. Ce repos là, ça a été tranquille, ça m'arrivait de pleurer à chaudes larmes, c'était les nerfs qui se raplombaient. Après ça, j'ai retourné au métier de bûcheron.

La paix, la paix, priez pour que ça arrive. Nous autres, on va tous les jours au rosaire pour la paix, pour ne pas que ça se reproduise une autre fois.