Transcription
Le 1er mai 1942, j’ai quitté Montréal pour me rendre à Toronto et joindre la réserve de personnel, qui était située dans le vieux Haverdal College de Toronto, qui, à l’époque, n’était pas dans un très bon quartier pour les jeunes femmes. Cependant, nous étions surveillées de très près et on m’a placée dans un escadron; j’étais très grande et maigre à l’époque. Et à ma grande déception, bien que j’aie surmonté tous les problèmes du début avec toutes les injections et tout ce que nous avions et que je ne me sois pas évanouie ou quoi que ce soit, cependant, au moment de recevoir mon uniforme, j’étais si mince et même mes pieds étaient étroits et tout le monde, toutes les autres de l’escadron, ont reçu leur uniforme et j’ai dû attendre. Tout a dû être confectionné pour moi, ce qui a été une très grande déception, car j’ai dû attendre quelques semaines de plus. Nous avons fait un voyage aux chutes Niagara et je me suis retrouvée en civil alors que les autres filles portaient très fièrement leur uniforme. Mais, j’ai enfin eu mon uniforme.
Une autre chose qui était, d’un autre côté, plutôt triste parce que nous faisions connaissance avec les jeunes hommes, qui étaient en fait des garçons, pendant la formation. Ils allaient devenir artilleurs, mitrailleurs de bord et bombardiers. Au début, nous étions très fières lorsqu’on nous assignait pour être là, le jour où ils recevaient leur diplôme. Lorsque nous avons appris ce qui se passait, nous avons essayé d’éviter ce jour, parce que nous savions que beaucoup d’entre eux, dans quelques mois, seraient outre-mer et seraient tués.
À ma grande consternation, et à mon propre étonnement, je ne m’en suis jamais remise, et c’est dans mon histoire, je pense que c’était une grosse erreur. J’ai été affecté à une maison de chambres chez une dame qui offrait des chambres pour se faire un peu d’argent, pas loin, et qui acceptait des pensionnaires, et malheureusement, on m’a mise dans une chambre avec une fille de Toronto qui était, et je ne veux pas avoir l’air hautaine, mais elle était une, ce que nous appelons une « SG », elle était affectée au service général. Elle était très inexpérimentée, elle n’avait pas de métier, et nous étions dans cette chambre, nous partagions un lit double, nous devions dormir ensemble. Et même si j’avais deux sœurs et que nous avions vécu la Grande Dépression, nous avions toujours nos propres lits. Certes, ma sœur aînée et moi partagions une chambre, mais je n’ai jamais partagé un lit avec qui que ce soit. Et j’ai trouvé cela très difficile, c’était très difficile de trouver le sommeil. J’étais, comme je l’ai mentionné, une fille très mince et elle, c’était une fille très grosse.
J’avais les cheveux assez longs, vous savez, jusqu’aux épaules et vous deviez les relever tout le temps. Et j’avais toujours des problèmes. Nous avions des inspections et on nous passait en revue tous les jours et une fois, l’officier du Service féminin responsable de la [base de l’ARC] Fingal a dit : « Sickles », elle a dit : « Tu vas avoir un après-midi de congé demain, tu vas prendre l’autobus et faire les 22 kilomètres jusqu’à St. Thomas, Ontario, la petite ville la plus proche. Et tu vas te faire couper les cheveux, que tu le veuilles ou non. » Elle a dit, « Je m’en fiche, je sais que tu les relèves avec des épingles, mais à la mi-journée, ils tombent, et elle a dit, c’est comme ça. » Donc, j’ai dû me faire couper les cheveux.
C’est une des choses que les gens ne réalisent pas, nos vies étaient bouleversées. Pas seulement loin de nos familles et tout ça, mais les choses que nous devions faire, vous savez, même à tel point que lorsque nous étions de garde, ce qui était, nous avions des quarts de 14 jours, lorsque le dimanche arrivait, beaucoup d’entre nous devaient aller à l’église. On ne choisissait pas, nous devions assister au service. Soit catholique soit protestant. Et les juifs, ils n’avaient pas d’église, ils n’étaient pas obligés d’assister au service, mais nous, nous y étions obligées. Mais, ça ne me dérangeait pas du tout, j’étais habituée à aller à l’église. Mais, il y avait beaucoup de choses dans les forces armées que les gens ignoraient.
Et aussi, vivre dans une pièce avec, nous avions nos casernes à [la base de l’ARC] Fingal, par exemple, il y avait 120 filles dans un bloc de casernes et il y avait 60 d’entre nous dans une grande pièce avec des couchettes doubles, toutes proches les unes des autres et tout ça. Il fallait apprendre à s’entendre avec les autres. C’est une chose que je trouve était formidable.