Après le lycée et les cadets de la marine, je me suis porté volontaire dans la marine royale. C’était en juin 1944. Et j’ai été appelé le 19 septembre, de cette année-là. Et je suis monté à, de Birmingham à Skegness dans le Lincolnshire sur la côte est de l’Angleterre pour faire mes classes sur le Royal Arthur.
En fait je m’étais porté volontaire en tant que jeune matelot parce que j’avais fait la formation des cadets de la marine, mais quand je suis arrivé là-bas, ils ont dit : « Bon, on n’en prend plus, on ne forme plus de jeunes matelots. Vous avez le choix, vous pouvez soit rentrer chez vous ou bien rester et faire la formation pour les magasins. Alors c’est ce que j’ai fait. En fait, c’est scindé en deux parties, avec les magasins navals, ce qui voulait dire le matériel, vous savez, les écrous, les boulons, les trucs comme ça. Et puis bien-sûr, le ravitaillement, c’est à dire la nourriture, ce qui est plutôt vital. Vous devez avoir assez de nourriture là dedans pour l’équipage. Alors ça rendait les choses assez intéressantes. L’inconvénient pour les comptes de tout ça, parce qu’au Royaume-Uni, vous avez quatre colonnes de chiffres. Vous savez, si c’est le Canada ou les Etats-Unis, vous avez les dollars et les centimes. J’avais les livres sterling, les schillings, les pennies, et les fractions de pennies. Et c’était un peu une bête noire.
Comme il s’agissait de la marine on devait donner une ration de rhum à tout le monde chaque jour. Et ça retombait sur les gens des magasins de s’occuper de ça. D’habitude, avec le maître d’équipage ou un autre premier maître. Et c’était un autre truc assez difficile à comptabiliser et suivre de près parce que vous savez, bon, n’importe quel barman vous le dira il y a de la perte, des débordements et autre, et tout ça doit être comptabilisé. Dans mon souvenir tout était en fûts et j’avais une sorte d’instrument pour pomper le liquide et le mesurer dans des, j’avais un ensemble de gobelets en métal pour mesurer. Et puis évidemment, vous finissez en mesurant le petit verre, qui était la ration journalière de chacun. Mais quelqu’un venait pour tirer la, la ration de rhum pour le mess, vous savez. C’est ce dont je me souviens.
Pour ceux de grade inférieur, on devait ajouter de l’eau à leur ration et c’est, je crois là d’où vient le terme « grog ». Les officiers et les premiers maîtres avaient le droit d’avoir leur rhum sans eau. Et puis beaucoup d’entre eux, vous savez, avaient une flasque ou une autre sorte de contenant et ils avaient le droit de le garder. Ce n’était pas, les grades inférieurs n’avaient pas le droit de faire ça. Et j’étais au débarcadère de Devonport, alors je suis descendu, c’est juste à la sortie de Plymouth, alors j’y suis allé. Et là j’ai été choisi pour faire partie du contingent pour Ceylan, qui s’appelle aujourd’hui le Sri Lanka je crois, suis rentré chez moi en permission et j’ai attrapé la grippe de cette année-là peu importe laquelle c’était. Et je me suis retrouvé malade à terre et j’ai loupé le départ du contingent. Alors un médecin est venu me voir chez moi et a dit : « Vous n’êtes pas assez en forme pour voyager. » Alors quand je suis retourné à Devonport, j’ai été redirigé sur un autre contingent et j’ai terminé à Freetown dans la Sierra Leone.
Dans le port de Freetown, il y avait un navire de la marine marchande qui avait été mis en service. C’était le Philoctetes. Donc c’était un navire de ravitaillement, voyez, pour les vaisseaux de la marine royale qui travaillaient sur cette côte. Tout d’abord, j’étais dans un camp, juste un camp de passage. Et puis j’ai été sur, j’étais sur le Philoctetes, je travaillais comme assistant magasinier sur le Philoctetes. On est allé à terre une après-midi, avec plein de copains, on est allé nager d’un, depuis la plage, vous savez. Et c’est là que l’un d’entre eux a remarqué qu’un de mes yeux était enflé et qu’il a dit : « Dick, il va falloir qu’on te ramène au bateau. » Alors ils m’ont emmené et m’ont amené directement à l’infirmerie et, vous savez, il y a un infirmier de garde. Dans la marine, ils disaient « sick bay tiffy », TIFFY c’est un mot d’argot qui veut dire mécanicien. (NDT : sick bay veut dire infirmerie)
Quand vous êtes dans les tropiques, par exemple, un des trucs qu’on vous oblige à prendre c’est des comprimés de mépacrine. Et ils sont jaunes. Et après les avoir pris pendant plusieurs semaines, la couleur de la peau change, la pigmentation, et elle devient jaune. Et j’en avais eu pendant assez longtemps pour, pour que ma peau change de couleur. Alors, et ça doit vous protéger de la malaria. Et alors est-ce que j’ai été officiellement déclaré comme étant atteint de la malaria ou non, je n’en sais rien.
J’ai été de retour en Angleterre avant mon dix-huitième anniversaire. Ils m’ont envoyé à Ardrossan en Ecosse. Parce qu’il y avait toujours la guerre. Et à Ardrossan, c’était une base côtière pour les dragueurs de mines. Ils avaient converti la flotte de bateaux de pêche en dragueurs de mines. Donc on avait ce magasin de ravitaillement juste sur le port, le port de Ardrossan. Alors vous savez, ces chalutiers, qui avaient été transformés en dragueurs de mines, c’était des petits vaisseaux, ils ne pouvaient pas transporter plus d’un certain tonnage. Alors on tenait le magasin 24 heures sur 24. Et pendant la nuit, l’un d’entre nous dormait sur un lit de camp dans l’office à l’arrière, comme ça si un des dragueurs arrivait et que les hommes avaient faim et qu’il n’y avait pas de nourriture, un cuisinier pouvait venir à la porte, et, vous savez, nous réveiller, et on leur donnait assez de nourriture pour tenir jusqu’au lendemain.
Alors j’étais là à Ardrossan quand le Jour de la Victoire en Europe est arrivé. C’était incroyable. La foule se déversait dans les rues. On vivait dans une maison, en fait, dans la ville où se trouvait le logement pour les troupes, comme, vous savez. Et quelqu’un nous préparait nos repas là-bas et on avait une sorte de dortoir pour dormir. Mais je suis descendu en ville juste pour prendre un verre et j’ai été littéralement assailli par les gens. Et j’avais cet horrible truc à cause le la mépacrine, (rires) tout décoloré, vous savez. Mais ça ne faisait aucune différence. Les gens, vous savez, si vous portiez un uniforme, et même si vous faisiez la chose la plus banale qui soit, vous êtes un héros ou quelque chose comme ça. Mais c’était un sentiment merveilleux. Je veux dire, vous savez, les six années de guerre et tout à coup, c’est fini.
Vous savez, j’ai dit aux gens, je ne souhaiterais pas ça à mon pire ennemi, mais je ne voudrais avoir manqué ça pour rien au monde. Parce que ça vous donne une sorte de perception absolument incroyable de ce qui est réellement important.