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- MLA 8TH édition
- . "Richard Gilman ". l'Encyclopédie Canadienne, 03 août 2022, Historica Canada. development.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/mpsb-richard-gilman. Date consulté: 26 novembre 2024.
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- APA 6TH édition
- (2022). Richard Gilman . Dans l'Encyclopédie Canadienne. Repéré à https://development.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/mpsb-richard-gilman
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- CHICAGO 17TH édition
- . "Richard Gilman ." l'Encyclopédie Canadienne. Historica Canada. Article publié août 03, 2022; Dernière modification août 03, 2022.
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- TURABIAN 8TH édition
- l'Encyclopédie Canadienne, s.v. "Richard Gilman ," par , Date consulté: novembre 26, 2024, https://development.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/mpsb-richard-gilman
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Richard Gilman
Date de publication en ligne le 3 août 2022
Dernière modification le 3 août 2022
Cet compte est un extrait de la nouvelle de Richard Gilman « Le jour où j’ai failli disparaître. »
Je me souviens de ce jour, je volais seul, complètement perdu, dans l’obscurité d’une nuit de tempête, très loin au large et avec une radio hors d’usage. Je n’aurais certainement pas dû survivre. Je n’avais que 19 ans.
Le son strident du téléphone m’a pénétré l’esprit comme un couteau tranchant et m’a fait instantanément passer à l’action. Mes pieds ont dû toucher le sol à la deuxième sonnerie. La voix de notre opérateur confirma ma pire angoisse. « Oui mon lieutenant, oui mon lieutenant, deux avions, au-dessus de la base. » Or, il y avait une rangée étroite de balises du côté droit de la piste, alors qu’on s’alignait en formation serrée, tous les deux. J’ai mis plein gaz et alors que le nez piquait j’ai pu voir droit devant, et juste distinguer un feu arrière à l’extrémité de la piste.
Surveillant les cadrans d’un œil, j’ai tiré doucement sur le manche et avec une forte impression de puissance très familière dans mon dos, très vite je suis remonté en grimpant tout droit dans le nuage épais, complètement dépendant des instruments.
Il est apparu qu’un Junker allemand JU88, bombardier bimoteur avait été repéré et suivi au radar remontant au nord des côtes écossaises. J’ai été guidé dans sa direction et devait être à l’affût pour l’intercepter. Quelques minutes plus tard, le bandit, (c’était le nom de code pour désigner un avion ennemi), tournait vers l’est, à travers la mer du Nord, en direction de la Norvège apparemment, sans doute l’endroit d’où il était parti. L’armée de l’air avait un grand respect pour cet excellent avion allemand plein de ressources. Je changeai de cap dans la poursuite mais d’après les renseignements qui me parvenaient, il était clair que l’allemand était plus rapide que moi et qu’il arriverait sans doute à se poser à sa base bien avant que j’arrive à l’atteindre.
Un court instant plus tard, on entendit que deux Hurricane (chasseur monoplace anglais) plein sud avaient intercepté et descendu l’intrus dans la mer. Le nuage était toujours aussi épais et nous avons décidé de nous séparer alors mon numéro deux s’éloigna à bâbord et prit la direction de la maison. C’est à ce moment-là que la transmission cessa de fonctionner. Les quatre canaux de ma radio se sont tus, ils étaient morts complètement morts.
Après avoir essayé de la refaire marcher en lui tapant dessus, je compris avec un sentiment d’horreur que j’étais désormais tout seul sans la moindre visibilité et sans assistance possible de quelque source que ce soit pour m’aider à rentrer à la base. Plus j’y pensais, plus il devenait évident, compte tenu des circonstances, que non seulement j’étais dans une situation désespérée mais que ma survie devenait de plus en plus improbable. Évidemment là-bas il n’y avait aucune lumière, quelles qu’elles soient, en dessous, même si la nuit avait été claire. Le blackout de guerre était parfait et strictement suivi.
J’essayai de toutes mes forces de penser rationnellement mais il devenait extrêmement difficile de ne pas succomber à la panique. Je passais en revue toutes les possibilités. Un, je pouvais grimper plus haut et m’éjecter, en espérant réussir à atterrir sur la terre ferme quelque part. Mais il y avait à peu près la même chance de tomber dans l’eau quelque part sur le chemin de la Scandinavie, où personne n’irait jamais me chercher. Deux, je pourrais tout aussi bien tenter de faire un atterrissage en catastrophe, avec le train rentré évidemment, en utilisant mon altimètre pour me faire sortir des nuages à vitesse réduite et proche du sol. J’avais un petit projecteur très puissant logé à l’avant de l’aile droite. Mais du fait de l’énergie demandée, je ne pouvais l’utiliser que pendant quelques secondes en cas d’urgence. Et puis elle serait fichue. La possibilité de trouver un petit bout de terrain plat et clair dans cette soupe était pratiquement impossible, et de plus je volais au dessus d’une zone montagneuse.
Alors, trois, j’ai pensé voler plus au large dans la mer, prudemment et assez loin pour être sûr qu’il s’agirait d’eau et non pas de rochers en dessous de moi. Puis je pensais que je remettrais le moteur au ralenti pour approcher de la côte écossaise en diagonale, à nouveau avec le cockpit ouvert, lunettes baissées, avec l’espoir de la dernière chance de repérer le flash produit par les vagues déferlant le long du rivage ou même un petit morceau aplati d’un promontoire. Il fallait que je me décide rapidement, car le carburant allait venir à manquer. Et il était bien possible que je dépasse carrément l’Écosse et me retrouve en plein milieu de l’Atlantique démonté vers l’ouest.
Or, à 480 km/heure et plus de 6000 pieds d’altitude, pour être sûr, il faudrait passer au dessus des pics rocheux. Cependant, j’étais en face soit des isthmes écossais, si vous regardez sur la carte, vous verrez deux isthmes, soixante-quinze kilomètres chacun de large pas plus, et ça ne me prendrait qu’une dizaine de minutes pas plus pour louper complètement cette partie des îles britanniques. Il me faudrait ralentir, quelque soit le cap choisi. Mais à présent, je fonctionnais dans un état de résignation glacée d’effroi. Sans m’appesantir dessus, je savais que j’approchais d’un crash inévitable.
En dépit de mes vêtements chauds, je baignais dans mon jus, et malgré tout devais prendre une décision. Des trois options, je décidai de choisir, avec un peu plus que du désespoir, la solution numéro trois. Je suis descendu jusqu’à la dangereuse altitude de 200 pieds. Soudain, l’obscurité devant mes yeux paraissait devenir encore plus obscure et une épine dorsale en granit vertigineuse est arrivée à toute vitesse à bâbord. Je me dirigeais droit sur d’énormes falaises rocheuses. Juste à temps, j’ai tiré sur le manche et une succession de formes sombres dentelées étincela du côté de mon fuselage. Je passai à peine au dessus des cimes de ce que j’ai appris plus tard être la rangée de pics de 240 mètres de hauteur de Duncansby (rochers coniques dans la mer au large de la tête de Duncansby, la partie la plus au nord de l’Écosse). Au moins je savais que je passais une ligne côtière en oblique désormais, mais où ?
Sans vraiment plus d’espoir, je pensai que je ferais mieux de suivre la côte si je parvenais à en sentir la présence toute proche. Et c’est à ce moment-là qu’un événement s’est produit qui s’est avéré être à la fois un miracle et ce qui m’a littéralement sauvé la vie. Bien en dessous de moi, une lumière unique toute faible perça l’obscurité et je reconnu un indicatif de plusieurs lettres en morse. Les signaux ont été répétés juste assez pour me permettre de prendre note dans mon calepin. Ce devait être un gardien de phare alerte qui les avait envoyés, un individu dont je n’ai jamais connu l’identité, que je n’ai jamais rencontré à mon grand regret. Or, chaque phare avait son propre code mais pour des raisons de sécurité évidentes, ne fonctionnaient pas pendant la guerre. Heureusement, j’avais ces codes sur ma carte, qui était enfoncée dans ma botte d’aviateur droite. Et tout en luttant pour piloter l’avion, quasiment sans instruments, j’ai juste réussi à trouver l’endroit avec l’aide de la lumière d’où cette merveilleuse petite lumière était venue. Le reste est tout à fait prévisible. J’ai pu d’après ce point déterminer un cap au compas. Le son de mon avion a fini par alerter le pilote de veille à ma destination, qui alluma ces ridicules et sympathiques fusées de paraffine en col de cygne sur le côté de la piste. J’ai fait un atterrissage épouvantable je pense, mais j’étais sain et sauf.
Mon numéro deux, dont la radio n’avait souffert d’aucun problème, pendant l’atterrissage, avait tranquillement siroté son chocolat chaud en se demandant où j’étais passé, et s’était préparé pour la nuit et un repos bien mérité. De retour dans mes quartiers finalement, j’ai enlevé ma combinaison de vol, jeté mes sous-vêtements trempés par terre et essoré ma tenue de combat bleue pour en extraire une certaine quantité de transpiration, liquide.
En me traînant, je m’allongeai dans mon lit et me suis endormi, nuit sans rêve, même pas ceux qui proviennent de l’extrême fatigue. Quand je me suis réveillé quelques heures plus tard, je savais que j’avais survécu à la plus terrible expérience de ma jeune existence. Et cela n’avait absolument rien à voir avec l’ennemi.