Project Mémoire

Richard Sellen

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Richard Sellen
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Photo de Richard Sellen avec son équipage posant devant la partie arrière de leur appareil
Richard Sellen
L’un des fragments d’une bombe qui toucha le Lancaster “N” le 20 avril 1944, récupéré sur l’appareil de Richard Sellen. Le fragment traversa l’appareil, ce qui fit s’échapper l’essence, contraignant l’équipage à transférer l’essence vers les autres moteurs. Fragment de la bombe incendiaire retiré de l’aile de l’appareil de Richard Sellen
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Richard Sellen (à gauche) et son équipage posant devant leur appareil.
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Fragment d’une bombe volante V-1 qui s’écrasa à Londres non loin de l’endroit où demeurait Richard Sellen.
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Richard Sellen à Winnipeg en août 2011.
Vous faites basculer cette vieille carlingue comme ça et vous le faites revenir comme ça et vous descendez en piqué, et vous n’étiez pas censé dépasser les 750 km/h en piqué. Mais avec un Junker 88 qui vous poursuit, vous savez, vous courez le risque.
Je suppose que ce qui m’a fait, vous savez, vouloir aller dans l’armée de l’air c’était le fait qu’ils bombardaient Londres et différentes parties de l’Angleterre et c’est de là que mes parents étaient originaires. Et j’avais encore de la famille dans ces régions, vous savez. Alors ça m’énervait vraiment, vous savez. Alors c’est pour ça que je voulais aller dans l’armée de l’air. Je faisais des vols opérationnels. Je pouvais partir en raid le soir et rentrer et je ne veux pas dire que je n’avais pas peur du tout pendant le raid mais je rentrais, passais par le débriefing, prenais mon repas, me couchais et je me levais le lendemain matin prêt à repartir. Ça ne me tracassait pas d’avoir à repartir le jour suivant. Et je ne sais pas pourquoi, parce que nombre d’entre eux étaient vraiment inquiets à ce propos. Je participais à un raid sur Cologne [l'Allemagne] une nuit et un de nos propres bombardiers a largué 8 de celles-ci (des bombes) sur mon avion. C’était des bombes incendiaires. Celle-ci est allée se loger dans mon grand réservoir d’essence et a fait un trou dans le fond. La raison pour laquelle ça n’a pas brûlé c’est qu’il y avait une petite hélice de sécurité là dedans qui quand elle se baissait, l’hélice libérait le détonateur. Mais c’était tellement proche de moi, l’hélice n’a jamais eu le temps de tourner et de libérer le détonateur. Alors au lieu de brûler, ça a fait un trou dans le fond et je perdais de l’essence. Et vous aviez une quantité limitée de carburant pendant un raid parce qu’ils voulaient entreposer le plus de bombes possible. Alors j’ai dû abandonner ce raid vraiment, on a bombardé, on a avancé et on a bombardé, alors qu’on avait été touchés et qu’on était en feu, mais il me fallait un navigateur pour tracer une route pour aller en Angleterre dans l’aérodrome d’urgence le plus proche possible. Parce que je ne pouvais pas rester avec le bomber stream, il fallait que je vole de mon côté pour rentrer en Angleterre. Ce que j’ai fait. Nerveux mais je ne me faisais pas de souci pour ça, vous savez, je me suis levé le lendemain matin, prêt à repartir, vous savez. Je ne sais pas pourquoi je ne m’inquiétais pas alors que certains d’entre eux se sentaient vraiment trop désemparés pour pouvoir y retourner et quelques uns qui étaient complètement perturbés, vous savez, ils ne pouvaient plus continuer. (Ils) ont appelé là une absence de fibre morale ou quelque chose d’aussi ridicule que ça. On leur collait une étiquette comme ça vraiment, vous savez, je ne pense pas qu’ils auraient dû faire ça. On se faisait, oh, une peur bleue des collisions avec nos propres bombardiers, vous savez. À voler de nuit, sans lumières et voler à travers les nuages, très souvent et tout à coup il y a un gros mastodonte, vous savez. Qui ne fonce pas dire directement sur vous mais on avait des points de virage. L’idée derrière tout ça c’était de déstabiliser les allemands pour qu’ils ne sachent pas où on allait et où était notre cible. Et alors vous passez par ces points de virage et vous définissiez une nouvelle route. Et certains d’entre eux, ils tournaient un peu trop tôt et d’autres un peu trop tard, alors vous avez des gars qui vont comme ça à ces points de virage. C’était des endroits particulièrement dangereux. On avait, on a eu un gars qui a largué ses bombes sur Essen [l'Allemagne] une nuit et je suppose qu’il n’était pas préparé pour la perte de poids et il est remonté comme ça. Et il était là, juste devant nous et comment avons-nous réussi à éviter d’emporter ce mitrailleur de queue avec cet autre avion, je ne sais pas. Tellement près. Et on était à deux doigts cette fois-là, le plus proche que j’ai été d’entrer en collision. Et c’était bien réel cependant. Les allemands avaient l’habitude d’envoyer des bombes volantes sans pilotes à bord. Et ils mettaient juste assez d’essence dedans pour qu’elles arrivent au dessus de Londres et puis elles tombaient parce qu’elle n’avaient plus de carburant et elles explosaient. Ceci est un morceau d’une bombe volante qui a frappé l’immeuble juste à côté de là où je résidais une nuit. De fait, j’étais dans la baignoire quand c’est arrivé. Et quand le moteur s’est arrêté, j’ai sauté hors de la baignoire et me suis allongé sur le sol, sous le rebord, une de ces baignoires anciennes. Et quand elle a explosé, le verre de la fenêtre de la salle de bains a volé en éclats mais ça m’est passé par dessus et je n’ai pas été touché. Quand ces bombes nous ont atteints et qu’on était en feu, dans notre approche de cible, on était, le viseur de bombe était en train de me donner un point fixe sur les équipements de désignation de la cible parce qu’il y avait les Pathfinder qui passaient en premier et qui localisaient la fameuse cible qu’on devait bombarder dans la ville. Et ils les marquaient ces cibles, avec des fusées éclairantes de couleurs vives. Et on avait déjà entamé l’exécution de notre point fixe quand ce gars a largué les bombes sur nous. Et je ne sais pas comment il s’est débrouillé pour faire ça parce qu’elles n’étaient pas encore présentes sur leurs instruments de désignation de la cible, vous savez, ils ont dû les larguer en avance. Et donc on était en feu et alors qu’on était en feu, on a eu droit à une attaque de chasseurs en même temps. Alors on a dû faire une manœuvre d’évitement. Et les mitrailleurs annonçaient la manœuvre d’évitement, vous savez, et il vous disait de partir en tire-bouchon à droite ou à gauche, vous volez comme ça et ce gars arrivait vers vous comme ceci, vous voyez. Bon, quand ils ont dit tire-bouchon à droite, toutes ! Vous savez, vous y alliez. Vous faites basculer cette vieille carlingue comme ça et vous le faites revenir comme ça et vous descendez en piqué, et vous n’étiez pas censé dépasser les 750 km/h en piqué. Mais avec un Junker 88 qui vous poursuit, vous savez, vous courez le risque.