Je suis né à Springhill (Nouvelle Ecosse) le 28 avril 1922. Mon père a fait la Première Guerre mondiale et je me suis figuré que c’était tout simplement une bonne chose de faire ça. J’étais en train de parler avec un ami qui avait intégré le Corps médical militaire et il m’a dit qu’ils étaient en plein recrutement dans le Corps médical militaire, alors je suis allé à Halifax et ils m’ont dit après que j’ai passé l’examen –je pesais seulement 49,5 kilos, et j’étais dans la catégorie B - ils m’ont dit de me présenter à l’hôpital militaire rue Cogswell. Je leur ai dit, non, que ça ne m’intéressait pas d’aller dans un endroit qui n’allait pas bouger et que je voulais aller à l’hôpital militaire d’Aldershot, dont je pensais qu’il allait partir outre-mer. Et ils m’ont donné un billet et je suis allé à Aldershot et le 4 janvier 1941, je suis devenu le matricule F84526, soldat Robert Arnold Burden.
C’était un peu de la folie quand j’ai commencé là-bas au tout début car ils étaient juste en train de construire le nouvel hôpital et mon premier travail ça a été de prendre un, un râteau et une pelle et de nettoyer la sciure et les copeaux de bois dans la salle commune. Quand j’ai eu fini ça – nettoyer la salle commune – j’ai balayé le sol, frotter le sol, l’ai fait briller et je l’ai ciré et ensuite j’ai apporté les lits, on m’a appris comment faire un lit d’hôpital et quelques autres trucs de base et je suis devenu aide-soignant.
Il se peut que j’aie appris très rapidement car très vite on m’a confié la responsabilité de tous les aides-soignants. Ils avaient remarqué que j’avais fait ma terminale (12ème année) et de la comptabilité en partie double et aussi un an et demi de sténo et dactylo, alors ils m’ont envoyé dans la salle des rapports, qui ne comprenait comme employés qu’un major et un sergent à ce moment-là. Une lettre est arrivée de l’Hôpital général canadien N°7 à Delbert disant qu’ils voulaient un commis déjà formé de catégorie A, pour rejoindre leur unité et partir outre-mer immédiatement. Et j’avais pris du poids, donc je faisais 54 kilos, alors j’ai demandé au major de passer une visite médicale, il m’a dit : « Va voir un médecin militaire. » Quinze minutes plus tard j’étais de retour avec les papiers attestant de ma catégorie A. Il les a regardés et a dit que ce serait mieux si la prochaine fois que je passais une visite c’était avec un médecin qui n’était pas en permission.
Quoiqu’il en soit, il a dit qu’il était content de ça, alors j’ai fait passer mes papiers pour le transfert à l’hôpital N°7. Il m’a dit de les déchirer et de mettre deux galons, que je serai caporal. Il a dit que le sergent serait promu sergent d’état-major le mois suivant et à ce moment-là j’aurais droit à trois galons. Alors, j’aurais pu être sergent après seulement quelques mois passés dans l’armée mais j’ai refusé et j’ai été transféré à l’hôpital général canadien N°7. Et le 11 novembre 1941, on est parti en bateau pour l’Angleterre.
On est allés à Marston Green, qui se trouvait à mi-chemin entre Coventry et Birmingham ; c’était l’hôpital général canadien N°1 qui avait dirigé ça et on les a remplacés. On est restés dans ce coin pendant un an et demi à nous occuper du personnel du service canadien et aussi anglais et des civils blessés dans les bombardements. En 1942, on s’est aussi occupés d’une centaine de blessés du raid de Dieppe.
Mon travail à cette époque c’était de m’occuper de l’admission des blessés qui arrivaient. On est restés là de novembre 1941 jusqu’à l’invasion de Normandie. On a été le premier hôpital à être sur les lieues de l’invasion, le premier hôpital canadien à participer après le jour J. On avait besoin d’un espace assez grand pour accueillir un hôpital de 600 lits, et rien que des tentes. Ça fait 250 par unité, plus nos tentes et le bloc opératoire et la radio, le labo, les salles – tout était sous tente. On devait trouver un champ assez grand, déminé, avant de pouvoir nous installer. Quand on a emménagé, l’officier de débarquement a dit, partez de la plage aussi vite que possible mais n’allez sous aucun prétexte au delà de ces bandes blanches là-bas, c’était encore bourré de mines. Et on a remonté cette route en quelque sorte jusqu’en haut du terrain et on était en train de se rassembler là quand un Messerschmitt (ME-09) vient nous mitrailler juste au dessus de la cime des arbres et vous pouviez voir les éclairs qui sortaient de la mitrailleuse et du canon dans les ailes et ils arrivaient droit sur nous. Mais il volait tellement bas – et vous pouviez entendre le claquement des balles et ça alors qu’elles passaient au dessus de nos têtes – mais il était si bas que les balles arrivaient à l’horizontale au dessus de nous. Donc elles tombaient quelque part au delà de l’endroit où on se trouvait, personne n’a été blessé.
On s’est occupé des blessés comme ça jusqu’à la fin de la guerre. En fait on n’a jamais cessé d’opérer excepté pendant les temps très courts où on se déplaçait. En fait, une fois alors qu’on remontait en Allemagne, on s’est déplacés d’une cinquantaine de kilomètres mais on n’a jamais cessé d’opérer. Je restais à l’arrière avec une salle et ainsi de suite comme ça et le reste est monté et j’ai continué à admettre les patients dans la salle qui restait et le lendemain matin, j’ai pris le téléphone de campagne, à 8 heures, et j’ai réussi à les avoir et je leur ai donné les numéros d’admission parce qu’ils devaient être consécutifs. Et quand ils ont reçu ces numéros, ils ont ouvert et commencé à opérer et j’ai arrêté.
Au moment de la percée de la plage, après Caen, à Falaise Gap, dans le coin de l’aéroport de Carpiquet, quatre d’entre nous du bureau d’admission s’occupaient de 450 à 500 blessés par jour, chaque jour. Il y a un moment dont je me souviens, cinq jours et cinq nuits pendant lesquels le seul instant où j’ai quitté les admissions dans la tente c’est quand je suis allé aux toilettes ou cherché quelque chose à manger. Je ne suis pas retourné à ma tente pour changer de chaussettes ou me brosser les dents pendant cinq jours et cinq nuits. A Falaise Gap, on s’est occupé de beaucoup de gens de la division blindée polonaise. Pendant quelques jours, on n’a eu rien d’autre que des blessés polonais et puis après ça, ils ont mis les canons de 25 livres de l’artillerie en action, et puis les Tempest (avions britanniques) arrosaient les allemands et on a eu presque que des allemands pendant quelques temps.
A la fin de la guerre, quand on a traversé le Rhin, les canadiens sont partis sur la gauche et sont montés libérer la Hollande. Mais on a demandé à mon groupe d’aller avec les anglais et on est partis du côté des anglais, tout droit jusqu’à la mer du Nord. On est allés avec eux et on était juste à l’extérieur de Brême (Allemagne) quand la guerre s’est terminée. Juste avant la fin de la guerre, on s’est occupés de la libération d’un de ces camps de la mort. On les a transportés sur des brancards, deux par brancard, deux hommes adultes par brancard. Voyez, on mettait cinq personnes dans une ambulance. Au lieu d’en mettre cinq par ambulance on en mettait dix pour les redescendre, ils étaient en tellement mauvais état. Quand vous leur donniez une cigarette ils la mangeaient.
Sandbostel (Stalag XB, un camp de prisonniers de guerre où il y avait aussi des prisonniers politiques civils), n’était pas aussi grand que les autres mais il était en Allemagne même, pas très loin de Brême et il y avait des corps dans des wagons prêts à être envoyés à la crémation. Il n’y avait pas de fours crématoires ou quoi que ce soit là-bas. On s’est occupé d’eux sur place. On leur donnait un régime spécial toutes les trois heures, nuit et jour. Au bout de deux semaines, cinq d’entre eux prenaient le soleil, dehors dans la cour, et j’avais un appareil photo que j’ai toujours eu avec moi pendant la guerre. Et j’ai pris des photos de ces cinq hommes, j’ai pris cinq photos en fait de ces cinq survivants de ce camp.