M. Robert Auger est un vétéran de la Guerre de Corée qui s'enrôla à l'automne de 1950. Ayant complété son entraînement, il fut déployé outre-mer avec le 1er Bataillon du Royal 22e Régiment en 1951-1952.
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Transcription
On a atterri à Séoul. C’est là que j’ai constaté les dégâts de la guerre, parce que quand on est arrivés à Séoul, ça venait d’être libéré par les Américains. Ils avaient repoussé les Chinois en Corée du Nord. Je dis les Chinois… en fait les Coréens du Nord, mais il y avait des Chinois aussi. Alors, j’ai constaté la misère que les civils avaient, à la suite de ça. Les maisons étaient toutes défaites, les vitres des trains étaient cassées. La population nous quêtait, nous demandait des affaires : des biscuits, des sandwichs, du chocolat. On donnait ce qu'on pouvait donner. Ça m'avait frappé beaucoup. Je donnais des biscuits aux petits enfants. On les tirait comme on tire aux oiseaux. Ce n'était pas des oiseaux qui sautaient sur les biscuits, mais c'étaient des êtres humains. Ça m'avait frappé. À l’âge de 20 ans, quand je voyais ça, parce que chez moi j’étais gâté, je trouvais ça épouvantable de voir la misère que les civils ont durant une guerre.
Alors, quand on est partis de Séoul, on a peut-être passé quelques jours dans un camp en approchant des lignes. Puis là, nous sommes allés remplacer le (2e) bataillon de la brigade spéciale du « 22 » (Le Royal 22e Régiment), sur les « lignes ». La première place que j’ai faite, si je me rappelle bien, c’est la (colline) 355. La 355, c'était plutôt tranquille. On n'avait pas de bombardement à tous les jours. On faisait des patrouilles, mais il n'y avait pas trop d'escarmouches. La vallée qui nous séparait d’avec la Corée du Nord, c’était l’Imjin River (la rivière Imjin). Puis, la vallée, pour dramatiser un peu, ils appelaient ça « la vallée de la mort ». C'était une vallée qui nous séparait du front chinois avec notre front à nous autres. Alors, après trois mois là-bas, on a eu un « R & R » (Rest & Recreation), une petite vacance d’une semaine à Tokyo. Après ça, on est revenus en Corée. Et là, on a fait une autre montagne qui était plus difficile. La 227, si je me rappelle bien.
Là, j’ai eu des aventures assez fortes. Beaucoup de bombardements. Beaucoup de rencontres durant des patrouilles avec les Chinois. Une, entre autres, que j'aimerais bien que les archives du « 22 » trouvent les noms. J'étais sur la patrouille d’un caporal qui s’appelait le caporal Ladouceur (le caporal Joseph Gaston Maurice Ladouceur, du 1er Bataillon du Royal 22e Régiment, mort au champ d’honneur le 6 septembre 1952). On ne l'a jamais retrouvé, lui. Ni sur les positions, ni comme prisonnier. Il n'a jamais été retrouvé. Le caporal Ladouceur. J'étais avec lui sur la patrouille. Justement, c'est moi qui étais avec ma Bren (fusil-mitrailleur britannique Bren). C'est moi qui couvrais pour finir (compléter le repli vers la position de départ)… parce que là, on s’est fait prendre par une patrouille chinoise. Et là, on s'est retirés dans nos positions le plus vite possible. Les bombardements chinois sont arrivés, les bombardements à nous autres sont arrivés. Alors, ça a été une nuit qui a été assez difficile avec une perte : le caporal Ladouceur.
Il faisait noir, puis on avait les faces barbouillées en noir, alors on ne voyait pas tellement. Mais, quand Ladouceur a parlé, je venais de vider (le chargeur de) ma Bren, moi. Puis, j’avais quelques grenades « 36 » (des grenades britanniques de type Mills, la version No. 36) que j’avais tirées aussi. Puis là, on a battu en retraite, on est rentrés dans nos positions. C'est là que Ladouceur a crié : « Attendez-moi! Attendez-moi! » Mais ça n'a pas fonctionné. Les Chinois étaient dessus. Parce que le bombardement avait commencé aussi. Parce que quand on s’est fait prendre au piège, on a commandé notre mortier de peloton qui nous tirait presque dessus. Puis, les Chinois, eux autres, ont ouvert le feu aussi, par les bombardements parce qu’ils voulaient se protéger pour leur retraite, eux autres aussi. Alors, ça avait été une nuit assez douloureuse.
Le soir, quand la « brunante » (crépuscule) approchait, on demandait… Le peloton dont je faisais partie par exemple, moi, j’étais dans la compagnie B (du 1er Bataillon du Royal 22e Régiment). Le peloton, je ne m'en souviens pas, mais les compagnies sont (constituées) par peloton. Alors, on demandait des volontaires. Puis souvent, je donnais mon nom pour être volontaire sur une patrouille. J'étais peureux. Puis, comme si je voulais combattre la peur, je donnais mon nom. Puis, j’ai été plusieurs fois sur des patrouilles, comme volontaire. S’il manquait de volontaires, à ce moment-là, le capitaine de la compagnie prenait les décisions pour dire un tel, un tel ou un tel pour essayer d'alterner. Parce que lors des patrouilles, on n’en rencontrait pas tout le temps (des soldats ennemis), mais quand on en rencontrait, c'est sûr que ça « brassait ». C'était plus impressionnant.
Au front, durant le 24 heures qu'on avait, si l'on s’était servis de nos armes durant la nuit, par exemple : on nettoyait les armes, on plaçait les « dugouts » (abris souterrains), les tranchées, on corrigeait certaines situations de nos abris, ce qu'on appelait les « dugouts », puis les tranchées aussi, où ce qu’on pouvait rélargir ou rallonger. Vérifier les barbelés, en avant des positions. La toilette du militaire sur le front était limitée. On se faisait la barbe quand on pouvait. Je me rappelle très bien qu'on avait pris un baril de 45 gallons qu'on remplissait d’eau. On prenait notre bain là-dedans, à l’occasion. On se plongeait là-dedans pour se laver un peu. La nourriture était bonne. C'était de la « C-Ration » (des rations militaires de type « C » préparées par l’armée américaine). On avait nos trois rations par jour, toujours sur le front. Puis aussi, on avait une bière le soir, à la fin de la journée. Puis, on avait une petite « shot » (gorgée) de rhum qu’on appréciait. On aimait ça.