On était 40 à former ce qui était connu comme la troupe “K” du 69e Battery Force Regiment de la 3e division [Infanterie canadienne]. On a eu huit jours d’entraînement intensif à Clacton-on- Sea, [Angleterre] sur des Colts [révolvers] et des mitrailleuses de 20 mm. Elles tiraient 450 coups à la minute, des balles avec des projectiles hautement explosifs.
Nous avons manqué le débarquement du 6 juin [1944] en France mais les plages près de Caen étaient encore sous les tirs et il y avait encore une énorme artillerie au Havre, sur beaucoup de km. Notre transport de troupe [un cargo] le City of Vancouver a posé l’ancre au large de la côte et on est descendus avec des filets de débarquement sur des barges. Nos camions et nos pièces d’artillerie ont été mis à l’eau à l’aide de grues et ensuite on est allés vers le rivage.
Quand on a débarqué, on a roulé dans 1,50 m d’eau environ pendant les derniers 100 m. Une image qui reste très nette pour moi, c’est quand le cuirassé Rodney a tiré sur les chars allemands près de Caen. Ses canons de 40 cm valaient d’être vus et étaient précis. On se servait d’avions Miles-Auster pour repérer les cibles ennemies et déterminer la direction des tirs.
On n’est resté en action que quelques jours. Nos pertes étaient très légères mais la plupart de notre équipement était endommagé. Même nos gamelles étaient trouées à cause des bombes anti-personnelles larguées la nuit et des tirs d’artillerie et de mortier jour et nuit.
J’étais à nouveau été affecté à la 69e batterie [40mm] Bofors [canons]. Après la prise de Carpiquet et de Caen, on nous a dit d’avancer. Une unité de grenadiers des États-Unis a bombardé par erreur nos troupes à Colombelles, une banlieue de Caen. Peu après, pendant qu’on roulait, j’ai reconnu certains de mes camarades de Rosetown, [Saskatchewan] morts à côté de la route. C’était le premier de trois bombardements. Le 14 août, un énorme raid de Lancasters [avions bombardiers] a bombardé l’endroit où on était et a fait beaucoup de morts. J’ai aidé à enterrer seize membres d’une équipe de chars polonais tués à 100 m environ de notre viseur d’artillerie. Le jour suivant, un Spitfire [avion de chasse] et trois Thunderbolts [avions de chasse] ont bombardé un camion de munitions près de nous.
On a installé nos positions près de Falaise, dans ce qui est connu comme la poche de Falaise. On voyait les tirs des Américains de l’autre côté de la vallée. Ça a été un terrible massacre d’hommes, de chevaux et de machines.
Pendant qu’on était stationnés près de Groesbeek, [Hollande] on avait un petit abri là-bas, c’est là qu’on préparait notre nourriture. On dormait dans des petites tranchées de tir. J’étais dans l’abri, probablement en train d’écrire une lettre, quand j’ai entendu une petite secousse dehors. J’ai sorti ma tête et toute notre équipe de pièce était à l’extérieur du trou à canon au lieu d’être à leur canon. Je les ai appelé et j’ai demandé ce qui se passait. Ils m’ont dit ; « oh, il y a un obus de combat allumé là-dedans ». Comment l’obus n’a-t-il touché ni les gens ni l’artillerie, je ne le saurai jamais, mais c’est ainsi. Il était enfoui sur la moitié de la longueur du projectile (c’était un petit obus, hautement explosif) il était à moitié enfoui et n’avait pas détoné. Je ne voudrais pas me faire passer pour un grand héros ou quelque chose de ce genre mais j’étais le plus jeune de l’équipe de pièce et j’étais encore célibataire. Donc j’y suis allé et on pouvait voir la base de l’obus qui émergeait directement derrière le canon où tout le monde devait aller en vitesse en cas de raid aérien. Donc je me suis dit que quelqu’un devait le déplacer et le déplacer délicatement. J’ai réussi à le tenir et je l’ai fait bouger doucement pour le dégager. Comme le sol était gelé, c’était que du sable là-bas mais il était gelé, du sable mouillé. Je l’ai porté pour l’éloigner du canon et je l’ai jeté aussi loin que j’ai pu. Et ça c’est la fin de l’histoire. Je ne dis pas ça pour me faire passer pour un héros. J’ai fait ce que je devais faire.