Project Mémoire

Robert William Bob Govan

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Robert Govan
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Robert Govan et ses camarades préparant le camion et l'armement pendant qu'ils stationnaient en Belgique pour un entrainement, 1945.
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Photo d'un anti-aircraft 3.7 et d'armes d'artillerie, sur lesquels Robert Govan a travaillé, installés ici près de Kleve, Allemagne, afin de couvrir le pont Bailey de 1720 pieds sur pontons traversant le Rhin enre Wessel et Emmerick, mars 1945.
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Robert Govan (au centre) au camp Bramshott, situé pres de Haslemere, Surrey, Royaume Uni, oú il a été paye 25 cents par heure pour ramasser et mettre en sac des pommes de terre, été 1942.
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Photo d'un ponton à une seule voie du pont Bailey traversant le Rhin entre Wessel et Emmerick en Allemagne. A 1720 pieds, il était le plus long pont Bailey à être construit pendant la Deuxième Guerre mondiale par l'Armée Royale Canadienne, mars 1945.
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Robert Govan (3e en partant de la droite) et des camarades entassant des munitions pour préparer une attaque, Dunkerque, France, 20 janvier 1945.
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Quand tout s’arrête et que les armes se taisent, vous cessez d’être des ennemis.

Quand je me suis engagé, je voulais aller dans l’artillerie, mais je n’ai pas rejoint le 2ème régiment d’artillerie antiaérienne lourde, et je suis allé en Angleterre. Etant sur… les bombes V1 se distinguaient très nettement parce que nous étions juste à l’extérieur, on n’avait pas de bâtiments, on n’avait pas d’abris, on n’avait rien, on était juste à environ sept kilomètres de Douvres en Angleterre. Et les anglais, ceux qui étaient sur les canons, ils étaient dans la 8ème armée et ces hommes-là ils étaient complètement épuisés. Ils ne servaient plus trop à grand-chose pour le service.

Quand vous étiez sur les canons dans Doodlebug Alley [NDT : au sud de Londres, sur le trajet des bombes V1 appelées « doodlebug » ], vous y passiez 24 heures d’une traite. Ils faisaient la relève toutes les 24 heures. Alors on allait là-bas parce que ces gars étaient complètement épuisés. C’était vraiment la principale raison de notre présence là-bas. Ils commençaient en général vers cinq heures et demie de l’après-midi. Et puis elles arrivaient entre six heures et huit heures à peu près. Pas très nombreuses pendant la nuit, seulement quelques unes pendant la nuit. C’était toutes des V1. Elles avaient un moteur avec une flamme qui sortait à l’arrière. Alors de nuit on pouvait très bien les voir. Bon, on n’était pas autorisés à aller dans les abris antiaériens. C’était pour les civils. Vous savez, ils avaient des tranchées creusées tout autour dans différentes villes et endroits où on était censés aller, mais on n’était pas censés aller dans les abris antiaériens où tous les civils se trouvaient.

Il fallait descendre la Manche pour aller en France, et ils tiraient sur l’Angleterre depuis le Cap Gris-nez en face, et aussi ils tiraient sur les bateaux quand on descendait la Manche jusqu’à ce qu’ils mettent tellement d’écrans de fumée, les alliés, qu’ils ne pouvaient plus voir où on était. Et ensuite on a débarqué avec des péniches de débarquement parce que les bateaux ne pouvaient pas approcher du rivage, mais vous savez, les combats étaient suffisamment loin à l’arrière alors quand nous avons débarqué, on n’a pas eu de problèmes.

Et ensuite on est monté jusqu’à Falaise. Puis de Falaise, bon, on est remontés dans des endroits comme Boulogne, Calais et je crois dans bien d’autres endroits comme ça en remontant le long de la côte ouest de la France. Bon, j’étais poseur de détonateur. Je plaçais les détonateurs sur les obus. Je préparais les obus pour qu’ils soient prêt pour les tirs et je posais les détonateurs sur les obus. Et aussi, quand je ne m’occupais pas des détonateurs, assez souvent je chargeais les canons. On tirait presque toutes les charges en l’air . On essayait de les faire exploser en l’air, juste au dessus du sol, un petit peu, comme ça elles se dispersaient. Et je mettais les détonateurs en place et je chargeais les canons, c’est à peu près tout, et je les entretenais. J’ai passé trois années sur un seul canon alors j’ai réussi à bien le connaître. Oh, le canon sur lequel j’étais c’était un canon QF 3,7. On disait juste un « 3,7 ».

Il avait un maximum de 22 kilomètres de portée. Et il y avait neuf hommes dans une équipe. Et on devait les enterrer tout le temps. Et si on était tout un régiment, de 24 canons, et vous savez, c’était les temps modernes, et on avait 275 pelles. Vous faites un trou pour votre canon, et ensuite vous creusiez votre tranchée étroite tout le long, et puis vous retourniez un petit peu en arrière et vous creusiez un trou pour dormir. Le trou dans lequel vous dormiez, vous essayiez de le recouvrir avec des planches et puis un peu de terre. En général il s’agissait d’une porte prise dans la maison d’un pauvre fermier qui couvrait le dessus. Et puis on mettait de la terre dessus et on dormait dedans.

Quelquefois la nuit, on faisait feu sur ce qu’on appelait un moment sur la cible. Comme ça l’infanterie pouvait essayer de dormir un peu. Notre ligne toute entière tirait juste un obus, puis vous attendiez une demi-heure environ et vous en tiriez un autre, juste pour les maintenir à cran, de l’autre côté, comme ça ils ne savaient jamais quand est-ce que vous alliez faire feu. Et vous tiriez à 30 kilomètres de portée, chaque canon, exactement au même moment.

C’est le tonnerre le plus bruyant que vous ayez jamais entendu. Et en fait, quand on les entendait s’arrêter, vous n’avez jamais entendu un tel silence, personne ne parlait, ils s’asseyaient tout simplement. Vous savez, la pression était grande et quand la pression tombait, et bien, vous vous asseyez tout simplement, vous ne parlez même pas entre vous. Et pendant deux jours après ça, on dormait parce qu’on était trop fatigués. Vous pouvez comprendre ça vous, pas de fête, rien du tout ? Là où on était, vous étiez juste tellement fatigué que vous vous endormiez. Quand ça s’arrête et que les canons se taisent, vous n’êtes plus des ennemis. Vous comprenez ce que je veux dire ? Quand on était, c’était tout la Wehrmacht, ce sont les gars dans l’armée de terre allemande qui voulaient juste être à la maison et qui ne voulaient pas être dans l’armée. Vous savez, ce  sont pas des fanatiques ou autre. Et ils commençaient à être fatigués. Ils étaient vraiment archi fatigués et sales et ils n’avaient presque rien à manger, les troupes allemandes. Et ils étaient dans un sale état. En fait, on se sentait presque désolés pour eux parce que comment est-ce que vous allez rentrer chez vous, vous êtes à 300 kilomètres de chez vous, il n’y a pas de moyen de transport, vous n’avez pas de salaire, vous n’avez pas de nourriture et nulle part où dormir. Et personne ne veut de vous.