J’étais toujours avec l’hôpital général canadien n°2 et ils ont été affectés en Normandie pour être un hôpital de campagne. Il n’y avait pas de travail pour moi, alors ils m’ont laissé avec l’hôpital général n°8 qui est venu pour prendre leur place. Ils avaient leurs propres groupes de choses, alors on m’a envoyé à Adelshot (la base permanente de l’armée canadienne en Angleterre) comme main d’œuvre supplémentaire, au moment de la campagne de Normandie. Le nombre de morts et de blessés augmentait ; et les renforts disponibles commençaient à diminuer. Ils ont décidé qu’ils allaient commencer à rechercher des gens qui avaient eu l’entrainement de l’infanterie et des choses de ce genre, avec en tête l’idée qu’ils allaient les faire passer dans l’infanterie.
On a continué jusqu’à Gand (Belgique) à un endroit appelé la caserne Léopold, et c’était là-bas qu’ils gardaient les renforts. C’était très intéressant. Ils nous ont tout simplement fait sortir au pas et nous ont alignés dans le champ de manœuvres. Il devait y avoir, devait y avoir, oh on était 100 à 125 dans le contingent. Et ils nous ont mis, comme je l’ai dit, ils nous ont fait aller au pas jusqu’au champ des manœuvres ; et ils sont tout simplement descendus, et ils sont descendus, tellement de gens, et ils ont dit, tout le monde à partir d’ici, faites trois pas vers la gauche, ce qu’on a fait. Et puis ceux, ils sont allés à l’autre extrémité ; et ils ont dit, tout le monde à partir d’ici vers la droite, je pense que c’était, faites trois pas vers la droite. Et puis ils ont dit, bon, maintenant, vous les gens qui sont à cette extrémité vous allez dans le Lincoln et Welland (régiment) ; vous les gens du milieu vous allez dans les Algonquin (régiment) ; et vous les gens à l’autre bout vous allez dans les Argyll (Argyll and Sutherland Highlanders of Canada (Princess Louise’s)). Et c’est comme ça qu’on nous a, on n’a pas eu le choix de là où on voulait aller.
Je n’avais jamais entendu parler du régiment Lincoln et Welland. Je ne savais pas d’où ils venaient. J’ai très vite su, mais je n’avais jamais entendu parler d’eux avant et ils étaient dans la 4ème Division (blindée canadienne). Donc on était dans la 10ème Brigade d’infanterie et on nous a envoyé à, la ligne juste après qu’ils l’aient traversée, c’était juste après la bataille qu’ils ont faite pour l’île Walcheren et des choses de cette sorte.
Vers la fin du mois de mars, on est remonté jusqu’en Allemagne, et on a traversé le Rhin le dimanche de Pâques, qui était le 1er avril, si je me souviens bien. Et on est remontés sur la rive gauche du Rhin et on est retournés en Hollande. On se dirigeait vers un petit endroit appelé Delden, qui était sur le canal de Twente. Et c’était vers le 3 qu’ils nous ont amenés là. Et on est passé par un chemin détourné. Je ne suis pas sûr de l’endroit exact où ils sont allés, mais ils sont arrivés au canal et il y avait un canal à traverser cette nuit-là. Et ils nous ont mis dans un terrain de reboisement et les boches nous avaient repérés quand on montait, alors ils larguaient des mortiers au sommet des arbres. Et vous pouviez entendre les éclats siffler tout autour. Mais personne n’a été blessé, ou quoi que ce soit de ce genre.
Et cette nuit-là, pour faire court, on a avancé jusqu’au canal ; et on avait les berthons et on est arrivés de l’autre côté. La compagnie C s’est retrouvée au cœur de violents combats. On a eu des escarmouches, mais nous, ce n’était pas violent ni rien de tout ça. Et le lendemain matin, on était dans Delden. C’était intéressant : on descendait une rue, vous savez, on marchait au pas, bon, on se frayait un chemin, quand les gens sont sortis et ils nous regardaient ; et on a dit, nous sommes canadiens. Et bien, quand on a dit qu’on était canadiens, la ville toute entière s’est tout simplement lâchée. Ils ont compris qu’ils avaient été libérés. Et on a passé un moment de bonheur avec les gens. C’était là-bas où j’étais sorti et je m’étais baladé dans un des endroits ; et j’ai vu quelqu’un, alors je lui ai dit, y a-t-il des allemands dans le coin ? Et il a répondu, non. Et après coup j’ai pensé, c’était vraiment stupide de faire ça. Vous savez, me voici là, tout seul et si je croise des allemands, qu’est-ce que je vais faire ? Mais il a dit, non, il n’y avait personne alentour.
Et comme une sorte de compensation pour ça, 50 ans plus tard, nous sommes allés à, retour à Delden et à ce jour-là, quelqu’un m’avait pris en photo. Et ma femme l’avait découverte au milieu d’un tas de souvenirs de guerre qui étaient à l’hôtel de ville. Et elle a dit que c’était moi, et je l’ai regardée, et j’ai dit, et bien non, je ne pense pas que ce soit moi. Je l’ai regardée encore, et j’ai pensé, Dieu du ciel, c’est bien moi. Le gars qui l’avait prise était architecte. Il ne pouvait pas faire de l’architecture alors il a commencé à faire de la photo pour le plaisir ; et il faisait en quelque sorte le reportage photo historique. Comment il s’en est sorti, je ne sais pas, mais il a fait ça pendant l’occupation allemande. Et c’était très intéressant. Alors nous avons de bonnes relations avec cette petite ville.