Roger Barrette a servi dans la Marine royale canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Nous autres, on s'occupait des bouilloires,
puis des engins. C’étaient des turbines. C’était dans le bas du bateau. On
avait des devoirs (tâches assignées) dans les bouilloires, dans les salles de
bouilloire, puis dans la salle où étaient les engins. Il fallait apprendre des
« readings » (instructions), puis tout ça pour être certains que tout
était correct. Dans les salles de bouilloire, on a les télécommandes. Alors,
quand ils voulaient avoir plus de vitesse, ils nous demandaient d’accélérer. Il
y avait des « readings » sur le tableau, le `Full Ahead` (en avant
toute).
Dans les bouilloires, on a des jets d’huile
qui vont dans les bouilloires, puis qui les chauffent. Maintenant ça, c’est du
feu. Alors, ça prenait des éventails. Ça prenait une pression assez forte pour
forcer ça, dans le `funnel` (entonnoir). Alors, il fallait tout le temps garder
une pression là-dedans. On avait beaucoup d'air qui entrait là. De l'air de
l'extérieur. On était assez bien, pourvu que ce ne fût pas trop froid à
l'extérieur ou trop chaud à l'extérieur. Puis, on est passés à travers le canal
de Suez, en revenant de la Corée. Puis, à ce moment-là, on pouvait seulement aller
en bas, dans les bouilloires et dans les moteurs pour une période de 20 minutes
parce qu'il faisait trop chaud. Puis, il fallait prendre des pilules de sel
parce qu’on perdait beaucoup de sel dans cette chaleur-là.
En hiver, d'après ce que je peux voir, nous
autres, on était tout le temps sur la mer. Puis, en hiver, c'est pas mal comme
notre hiver (au Canada). C'est assez froid. Puis, il y avait de la glace sur
l’eau, mais il y avait peut-être un pied de glace. Il n’y avait pas d’icebergs,
ou quoi que ce soit. Alors, c’était pas mal comme nos hivers.
Quand tu es en patrouille, le pire ennemi,
je pense, c’est la monotonie. La monotonie et la peur, en même temps. Parce
qu'au nord de la Corée, il y avait une base de sous-marins russe, à Vladivostok
(Russie). Puis, eux autres, le jeu, à ce moment-là, c’était qu'ils ne devaient
pas passer le 38e, soit descendre au sud du 38e parallèle.
Puis, nous, on ne devrait pas dépasser le 38e (vers le nord). Puis,
pour à peu près trois semaines, on faisait la patrouille, le long du 38e.
Puis, on savait qu'il y avait des sous-marins (ennemis) dans l'environnement.
Je pense qu'on était surtout sur la côte
est, mais à un moment donné, on nous a demandé d’aller sur la côte ouest. Nous
y sommes allés puis il y avait de gros navires américains. Je pense que c’étaient
des « battleships » (cuirassés) ou des « cruisers »
(croiseurs), tout ça. Puis, le (NCSM) Haida, c'est un bateau assez rapide. Je
pense qu'on pouvait faire 32 ou 33 nœuds, ce qui est l'équivalent de 40 milles
à l’heure (64 km/h), à peu près. Alors, on allait près des côtes puis on attirait
le feu (de l’ennemi). Puis là, on sortait aussi vite que possible parce que nos
canons tiraient à peu près 10 milles ou 12 milles (de portée). Mais les
`cruisers’ et les `battleships’, eux autres, c’était 20, puis 30 milles. Alors,
quand ils voyaient une flammèche, ils s'attaquaient à cette région-là, parce
que c'était là où les Coréens du Nord tiraient. Puis, je te dis qu'on décollait
de là! Les obus passaient par-dessus nous, puis ils se rendaient en Corée.
Mais je vais te parler d'une expérience que
j'ai eue, qui est personnelle. C’est quelque chose qui est arrivé après la
guerre de Corée. À un moment donné, ce que je regrettais un petit peu, c'est que,
nous autres, on ne sait pas ce qu’on est en train de faire, surtout dans
les engins, puis tout ça. On ne voit pas le bien qu'on peut faire. Un moment
donné, à Cornwall (Ontario), je rencontre un Américain, Bob Turner. Puis, c'était
lui qui était le responsable des jeux à Cornwall, puis tout ça. Puis, c'était
un noir. Puis, un moment donné, il commence à me dire qu'il était en Corée. Puis,
j'ai dit : « Oui, moi aussi. » Puis, lui il dit qu'il était dans
l'armée. Puis, il dit : « What ship were you on? » Puis là, j’ai
dit le Haida. Puis là, il m'a dit : « You guys saved my life. »
Ce qui était arrivé, c’est qu’il y avait
des réfugiés du Nord, qui étaient vraiment des Coréens du Nord, qui ont attaqué
les Américains. Puis là, nous autres, on s'adonnait à être dans la région, puis
ils ont commandé du feu. Quand tu apprends ça d'un individu et puis qu'il nous
dit : « Tu nous as sauvé la vie! » J'ai vu qu'on avait fait une contribution
à quelque chose.