Au fond mon travail c’était de faire des signaux avec des lampes, soit une lampe de 25 centimètres soit un projecteur de 75 centimètres. C’était pour envoyer des signaux lumineux visibles d’un navire à l’autre ou du navire à une base côtière ou encore de la base côtière au navire. En général, vous faisiez ça quand vous étiez en compagnie d’un autre navire. Il y avait une grande rivalité entre – si vous faisiez ça avec la marine britannique ou si vous faisiez ça avec la marine américaine, parce que dans la marine britannique ils croyaient toujours être – parce qu’ils en étaient les inventeurs; 450 ans plus tôt ils faisaient déjà la même chose, pas avec des projecteurs, mais avec des drapeaux. Alors je pense qu’il y avait une grande rivalité avec la marine britannique et aussi avec la marine américaine. On essayait constamment de leur prouver qu’en fait on était les meilleurs et on était vraiment les meilleurs.
La seule chose qu’on ne faisait pas, on n’a jamais bombardé. Tout le reste, c’était pratiquement du pareil au même. Vous aviez un sentiment d’urgence identique. Comme on travaillait sur la côte ouest, on était toujours à proximité du 38e parallèle. Vous étiez toujours à – je ne suis pas certain qu’on était à portée de, en fait, mais les Nord-coréens avaient toujours le même – rien n’avait changé pour eux. Ils nous prenaient encore pour cible. Notre travail consistait essentiellement à vérifier que la sécurité dans les îles était assurée, on faisait cela régulièrement. On avait toujours une canonnière ou un dragueur de mines sud-coréen avec nous, je pense. Ils – si on avait besoin de se renseigner sur quelque chose, en général on passait l’information à la canonnière sud-coréenne. Et ce sont eux qui examinaient la situation. S’ils n’étaient pas satisfaits de ce qu’ils avaient vu, ils ramenaient leur canonnière jusqu’à notre navire. On avait un militaire sud-coréen à bord. Je ne sais pas vraiment s’il appartenant à l’armée de terre ou à la marine, mais c’était lui qui déterminait si ces gens semblaient légitimes ou non. Et c’est assez difficile d’en décider. Je ne sais pas sur quoi ils se basaient pour prendre la décision parce que ces gens, ils ne portaient pas d’uniformes, en général il s’agissait de pêcheurs. Dans certains cas, c’était même de pêcheurs nord-coréens qui s’étaient aventurés au large. Ces trucs étaient toujours faits – je pense que si c’était assez sérieux, quelqu’un d’autre prenait la décision, pas obligatoirement à ce niveau-là. Elle n’était pas prise à bord du NCSM Iroquois, sans doute pas non plus sur le Sud-coréen. Quelqu’un prenait la décision. Donc en général il s’agissait de gens perdus ou de réfugiés. La majorité d’entre eux étaient des réfugiés qui essayaient de s’échapper, des Nord-coréens. Parfois, on voyait un de ces gros trucs surgir et c’était une mine et ils mettaient la canonnière sud-coréenne dessus pour la détruire. On a fait beaucoup de travail de RP avec les gens là-bas. En fait, on déménageait les gens de – s’ils avaient des doutes à propos de leur sécurité, ils les emmenaient ailleurs, ils les faisaient partir. Ils appelaient le bateau coréen et ils les emmenaient ailleurs.
Au fond, c’était la même chose à l’exception des bombardements côtiers. Quand on ne faisait pas ça, on était généralement attachés au service des Américains et on faisait des manœuvres avec la marine américaine, en général un porte-avions. On assurait la protection ou alors on faisait des manœuvres avec eux.
Les îles, dans la partie où on se trouvait, il y avait six ou sept îles qu’on patrouillait régulièrement. L’île où on se trouvait c’était Pengyang-do. Ils ont envoyé – à l’occasion, ils envoyaient un groupe à terre pour une raison quelconque. Je crois que j’y suis allé une fois pour le boulot, mais moi j’étais dans les communications. Ce qu’on a trouvé quand on est arrivés là-bas, il n’y avait pas grand-chose là-bas à part un village. Je n’allais jamais à terre, mais pour moi, c’était des réfugiés. Cette île était située sur le 38e parallèle, alors je suppose que tous les gens là-bas étaient des Nord-coréens qui essayaient désespérément de quitter la Corée du Nord. Non, ça devait être la Corée du Sud parce qu’il y avait une mission chrétienne là-bas. On se rendait à terre. On a été interloqués de trouver tous ces enfants qui vivaient dans des sortes de bunkers. Ce qu’on a fait quand on a réalisé qu’il y avait quelque chose qu’on pouvait faire, en général on faisait une collecte, on rassemblait un peu d’argent pour eux. Je me souviens avoir écrit chez moi et demandé à ma mère de m’envoyer des vêtements de bébé, sans lui donner tellement de précisions. Ils recevaient l’argent, en fait ils les achetaient et les donnaient aux gens qui dirigeaient la mission. Ce n’était pas grand-chose, mais on faisait ce qu’on pouvait parce qu’on était sur place.
On allait partir en patrouille en fait, et on était sur, je crois que c’était la mer Jaune. En tout cas, on était en route. On s’est heurtés à un typhon, pas tout la durée du typhon, mais une grande partie. Pendant deux jours, nous avons navigué à travers ce typhon. Ces navires, les destroyers de classe Tribal, ils étaient construits pour servir de plateformes de pièces et je pense que quand la mer est en furie comme ça, ils ont tendance à rouler. Vous ne voulez pas vous retrouver dans une position où vous êtes – si vous décidez de suivre le courant, d’accord, ce n’est pas ce que vous voulez faire. Vous voulez aller dans le même sens pour que tout se retrouve à l’aplomb du gaillard d’avant et comme ça vous pouvez contrôler le navire. En tout cas, je ne sais pas trop ce qui s’est passé. Je crois qu’on a essayé de changer de cap, peu importe, et on s’est pris un grand – je suppose qu’on l’a pris transversalement quand on virait. Il ne s’est rien passé sauf que c’est très difficile quand vous descendez et le navire part à bâbord.
Heureusement pour moi quand ce truc s’est produit, c’était au moment de mon quart sur la passerelle. Je crois que j’ai passé un jour et demi sur la passerelle. Même après de quart, je ne suis pas descendu parce que je n’allais jamais en bas. Je suis resté là ou sur le pont de signalisation et je dormais dans la cabine entre les deux ponts de signalisation. J’avais sans arrêt mon gilet de sauvetage sur le dos. Étais-je terrifié? Absolument. Absolument. Je ne sais pas trop si ce gilet était utile parce que tomber à l’eau dans ce genre de mer, ça n’allait rien changer. Cependant, on s’en est sortis, je crois que tout était devenu calme. Je pense que c’était tôt le matin. Je crois que je travaillais sur le pont de signalisation, à nettoyer, et vous entendiez toute cette effervescence et le navire a changé de cap tout à coup, et on a regardé au large et il y avait un – je ne sais pas s’il était Nord-coréen ou Sud-coréen, mais peu importe – il était là, au milieu de l’océan, sur une porte en bois. Son bateau de pêche avait sombré avec ceux qui étaient dessus. Je n’ai aucune idée de ce que c’était. Il était sur cette porte en fait, une porte en bois, qui flottait, et je suppose qu’un de guetteurs l’avait repéré. On est allés à sa rencontre et on l’a repêché. Il a été interrogé par l’officier qu’on avait à bord, l’officier coréen. Je n’ai aucune idée de ce qui lui est arrivé, cependant. Ce qu’on a fait, on a fait une collecte et on lui a remis l’argent. On lui a donné des vêtements. On lui a donné de la nourriture, et je suppose qu’on l’a amené soit sur une des îles ou dans une des canonnières coréennes.
M’engager dans la Marine
Sans doute la meilleure décision que j’aie jamais prise. Je ne l’ai su que 57 ans plus tard quand je suis retourné en Corée. J’étais complètement stupéfait en 2010. C’était incroyable. Le pays – c’est un pays dynamique. Les infrastructures sont comme – c’est génial! Je n’en revenais pas. Tout le monde là-bas, particulièrement vis-à-vis des Canadiens, que des remerciements.