Project Mémoire

Ronald Andy Anderson

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

M. Anderson en formation au Canada en 1941.
M. Anderson en Angleterre en 1944.
M. Anderson (à gauche), il porte le sarrau d'un parachutiste allemand, le sien ayant été déchiré lors d'une explostion. après avoir traversé le Rhin en mars 1945 (Opération Varsity). Le parachutiste à ses côtés est Doc Hornock.
M. Anderson, 17 ans, Milice canadienne.
On pouvait voir l’ennemi groupé autour de la ferme et j’ai dit, on y est et alors on s’est tous relevés et on a couru comme des dératés, on tirait avec le fusil à la hanche et même les mitrailleuse Bren on les tenait sur la hanche, et on s’est éparpillés

La bataille des Ardennes

Tous mes hommes et tous les soldats du bataillon avaient un laissez-passer de dix jours pour Noël (1944). Et puis tout à coup, on me demande de récupérer tous les laissez-passer. Tous les laissez-passer sont annulés et la Marine nous a emmenés de l’autre côté en Belgique. C’était tout à fait inhabituel parce que personne du bataillon ou de la brigade n’est venu nous dire en quoi consistait la mission, quelle était notre tâche, à part de nous occuper de cette ligne sur Blueberry Hill. En face de nous il y avait des chars allemands qui nous défiaient. Et on n’avait pas du tout d’équipement antichar avec nous. Notre mission consistait à creuser, rester là et empêcher les allemands d’avancer plus avant en Belgique. C’était tout sur cette ligne.

Quand on a fait la traversée de la Manche à bord des barges, tout ce qu’on avait c’était l’uniforme et le matériel qu’on avait en juin en Normandie (1944). Donc nos uniformes de combat, les tenues de parachutistes, elles sont très légères, c’est juste de la toile. Et on n’avait pas de bottes d’hiver ou quoi que ce soit, pas de gants du tout. On n’avait que ce qu’on transportait. Et tout à coup, on était dans les Ardennes en Belgique (janvier et février 1945) avec de la neige, je veux dire, vraiment ça montait jusqu’aux genoux.

Mais les Ardennes ça s’est arrêté à un moment donné et ça a été un tel soulagement quand les ordres sont arrivés de sortir des tranchées et de passer à l’attaque (25 janvier 1945). À Rochefort (Belgique), on se rendait bien compte que les Allemands battaient en retraite. Ils se déplaçaient dans un mouvement de recul avec des armes légères. On n’y est pas encore, ils ont des chars avec eux mais les chars bougent eux aussi. Alors ce qu’on fait surtout c’est tirer au mortier, on bombarde en avant et on avance à la faveur de ces tirs pour prendre Rochefort. Ce que j’avais en tête à ce moment-là et je crois que je partageais ça avec beaucoup d’autres hommes, il faut qu’on soit victorieux vite fait bien fait à Rochefort parce que par dessus tout là-bas il y aura de quoi se loger. Il y aura des bâtiments et même sûrement du feu. Et pour la première fois, les mains chaudes. Et dans certains magasins, il y a quelque chose là-bas, dans certains bâtiments, on va trouver des gants et une paire de chaussettes pour se changer. Et alors c’est ce qui est arrivé. On est entrés dans Rochefort et on a repris la ville complètement, chassé les Allemands et ils ont battu en retraite.

Ceux qui restaient dans le village ceux qui n’étaient pas partis, c’était à la vie à la mort. Certains commandants ont dit, vous resterez pour défendre la ville jusqu’à ce que mort s’en suive, c’est tout. Alors ceux qui restaient, la plupart ont été tués. Il avait été envahi par l’armée allemande, les divisions Panzer la veille de Noël, parce que l’endroit était couvert de cadavres de soldats américains. Et je parle de centaines, des centaines de cadavres de soldats américains.

Envahir l’Allemagne

Le parachutage du Rhin a été une opération magnifique (Opération VARSITY le 24 mars 1945). C’était si magnifiquement organisé, les objectifs étaient tous des attaques planifiées. On a tous jeté un coup d’œil aux plans d’attaques. Le parachutage, quand on a su qu’il allait se produire à 10 heures du matin avec un ciel clair et le soleil qui brillait. Et la brigade toute entière a été parachutée à un endroit juste un peu plus grand que deux terrains de foot. Donc le résultat c’était qu’une fois sur le sol et débarrassé de votre harnais, vous pouviez rassembler vos hommes très rapidement et courir sur une distance de 500 mètres pour atteindre le point d’attaque. Et c’est exactement comme ça que ça s’est passé. Ça s’est passé comme sur des roulettes.

J’entendais le crépitement des fusils et des mitrailleuses et en levant les yeux je voyais que la voilure était ouverte et c’est sûr, il y avait deux trous dedans, vous savez, des petits, rien de bien grave. La voilure ne se disloque pas. Mais évidemment des coups de feu provenaient de la zone de parachutage. En quelques secondes, vous touchez le sol. Vous regardez alentour et dites, bon sang, c’est exactement comme sur le plan d’attaque. On pouvait voir l’ennemi groupé autour de la ferme et j’ai dit, on y est et alors on s’est tous relevés et on a couru comme des dératés, on tirait avec le fusil à la hanche et même les mitrailleuse Bren on les tenait sur la hanche, et on s’est éparpillés sur toute la zone.

En quelques secondes vraiment, on a pris le contrôle de l’endroit. Les Allemands sont sortis et se sont rendus. Notre mission c’était de nous détacher du commandement américain et de partir dans une course effrénée avec la 6ème division aéroportée et de nous diriger vers la Baltique, et remonter jusqu’à un endroit appelé Wismar (Allemagne), au nord de Hambourg, pour établir un point, une ligne de défense pour empêcher les russes d’avancer plus à l’ouest. Et du jour où on a commencé à quitter l’Elbe en remontant on est passés village après village et ville après ville, les Allemands se rendaient, en mettant des taies d’oreiller et des nappes blanches aux fenêtres.

Bon, on a passé quelques jours palpitants à partir du 3 mai (1945) à peu près quand on a fait cette avancée avec les chars jusqu’à Wismar. On savait qu’il fallait qu’on contienne tout ça. Nos ordres c’était tout simplement de sortir du périmètre, établir des barrages routiers aux différentes entrées de la ville pour les Russes qui allaient arriver sous peu, s’ils n’étaient pas déjà là. On était complètement inondés de civils qui prenaient la fuite, en pleurs avec leurs bébés dans les bras et ils étaient complètement en état de choc. Et nous on les canalisait.

Et puis on avait aussi l’armée allemande, tous grades confondus. Ils veulent se rendre aux alliés, aux Anglais et aux Américains. Mais pas aux Russes. Ils fuient tous les Russes. Le problème c’était que nombre d’officiers allemands, colonels et au-dessus, ils se présentaient et disaient : « Non, non, les règles de Genève, on se rend à un officier de grade équivalent. » Que diable, on n’avait pas d’officier avec un grade équivalent, alors on a promu un des gars qui venait du Saskatchewan et on lui a donné un casque et on a marqué sur le casque, c’était un aigle et il était colonel. Et il s’appelait Diock. Bon, les officiers ne savaient pas que Diock n’était qu’un simple soldat, mais il fallait bien qu’on fasse quelque chose pour faire bouger les choses.

Mais dans les trois jours, l’armée russe est arrivée. Les Russes voulaient libre accès à Wismar, alors on a été très clairs, vous n’allez pas plus loin, un point c’est tout. Le brigadier (Brigadier James Hill) m’avait dit dès le début la guerre, qu’il savait qu’on allait être dans la dernière ligne droite pour mettre fin à la guerre. Et il voulait que l’honneur en revienne aux Canadiens.