J’avais pris des cours d’opérateur radio, et on était amis avec un gars du nom de Murtha. Je devais aller dans un régiment canadien français. Murtha, il devait aller avec un autre régiment ; et on a parlé à l’officier et on a fait transférer Murtha. Alors tous les deux on est allés, et on a rencontré deux autres gars. Alors en fait ça faisait quatre opérateurs radio de langue anglaise et un, ce qu’on appelait action, observation, il était l’adjoint de l’officier. Celui qu’on avait c’était Brace et il bégayait. L’homme le plus intelligent que j’aie jamais rencontré ; et sûrement plus intelligent que l’officier.
J’étais très fier de l’armée canadienne ; je peux vous le dire, comparée disons aux américains avec qui on avait un tout petit peu affaire, et à l’anglaise. Non pas qu’elles étaient pires ou meilleures, mais ils avaient l’air de se tenir les coudes dans l’armée canadienne. Tout le monde surveillait les arrières des autres, on pourrait dire. C’est quelque chose que j’ai toujours, comme nous quatre on travaillait ensemble et on faisait toujours attention les uns aux autres – Watmore, Murtha, Keenan et Grant.
Avec Murtha on avait l’habitude de faire équipe très souvent. Il nous emmenait au poste d’observation ou à l’OOA, c’est un officier observateur avancé, quand on était avec la division blindée. Il en laissait deux à l’arrière et il en prenait deux. Et la raison c’était, et je suis désolé de vous dire ceci, parce que c’était trop chaud. Il pensait qu’on ne serait pas capable de subir ça tout le temps. Et il avait raison. Alors on prenait, disons Murtha et moi-même on y allait. La fois suivante c’était Keenan et Watmore qui y allaient ou quelle que soit la combinaison des quatre, à un poste d’observation, c’était un peu comme jouer à cache-cache. Vous deviez essayer de vous cacher et de voir ce qu’ils faisaient, et vous attiriez le feu sur eux. Et ils essayaient de faire la même chose sur nous. Par exemple, si vous étiez dans un bâtiment et au premier étage, qui donnait sur, à essayer de trouver où se trouvaient les allemands, vous n’alliez pas directement à la fenêtre parce que vous restiez en arrière, oh, à un mètres cinquante, deux mètres environ, comme ça ils ne pouvaient pas vous voir. La raison c’était que si vous étiez tout près, ils pouvaient vous voir et allaient vous pilonner. Pas seulement vous, mais tous ceux qui étaient alentour parce qu’il pouvait y avoir six ou sept groupes de chez nous qui venaient de différents régiments, tout près les uns des autres.
On a fait un prisonnier. Pour nous, c’était un vieil homme. Bon, je veux dire que j’avais 19 ou 20 ans, et il en avait 35 ou à peu près. On lui a fait éplucher les patates jusqu’à ce qu’on puisse le ramener au camp de prisonniers. Il a vu un journal qui trainait par là, un journal de l’armée qui disait où on se trouvait et là où il se passait des choses, et il nous a demandé par signes s’il pouvait le regarder. Et on a répondu, bien sûr, et il a commencé à pleurer. Et en utilisant un petit peu d’anglais et ainsi de suite, sa femme était du côté russe qui avait été pris par les russes et il avait peur pour elle. Je me sentais désolé pour ce gars-là, le seul allemand que j’ai plaint durant la guerre.
Mais il avait été jusqu’en Russie et il en était revenu, et il savait ce qui s’y passait. Je le plaignais vraiment, en fait. Et ne pensez pas que tout ceci était complètement mauvais. Il y avait aussi de bons moments. Et ce que j’entends par bons moments, vous vous payez une bonne rigolade pour quelque chose. Et je vais vous en raconter une.
On était en Allemagne et on était avec une chenillette. On est rentrés dans un bâtiment. Je ne sais pas ce que c’était, un bâtiment en béton, pour éviter des chars allemands qui étaient par là ; et on a sauté hors du véhicule et on s’est dirigés vers le sous-sol. Et puis il y a cette voix qui dit, hé Grant ; et j’ai levé la tête et c’était un gars de chez moi, avec le Essex Scottish (régiment). Il était en train de faire sauter une côtelette de porc (rire) sur le feu, vous savez, un petit feu. Il a dit, tiens moi ça une minute, s’il te plait. J’ai répondu, ouais, d’accord, qu’est-ce que tu veux ? Il a répondu, ne t’en fais pas. Alors j’ai tenu la côtelette, j’ai fait griller pendant qu’il descendait dans le sous-sol. Il était descendu pour aller chercher son casque. Il ne l’avait pas avec lui.
Et puis, dans le même coin, avec Murtha on revenait de, on appelait ça le chow wagon, le camion qui nous apportait la nourriture quand ils pouvaient. On avait nos gamelles, on avait notre nourriture et les allemands ont commencé à nous bombarder et Murtha, il a plongé à travers le trou dans cette grange et c’est incroyable que cette grange ne se soit pas écroulée. Je n’ai jamais entendu autant de grondements de toute ma vie. Il a plongé dans une porcherie avec sa nourriture. (rire) Ça n’a pas l’air drôle, mais si vous aviez pu le voir. (rire) En tout cas il est sorti et il a nettoyé ses gamelles et tout le reste, et il y est retourné et il a eu un peu de nourriture en plus. (rire) Il n’a pas pu faire oublier ça pendant un moment.
Bon, je est rentré au Canada en novembre. Ils nous avaient fait détruire des abris anti bombes qui se trouvaient au milieu de la route et différentes choses comme ça, juste pour nous garder occupés jusqu’à notre retour. Je peux vous dire le jour où je suis arrivé à la maison, c’était le 20 novembre. Bon j’étais vraiment un homme heureux. J’étais sorti avec une fille qui a fini par devenir ma femme ; et c’est le premier endroit où je suis allé quand je suis rentré.