Project Mémoire

Russell Hugh Smitty Smith

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

R. Smith
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Justificatif du Département de chemin de fer de la guerre, provenant du livret militaire 422A, 10 décembre 1945. Département de la guerre - Corps de transports des États-Unis: Russell Smith a voyagé de Springfield (États-Unis) jusqu'à Camp Borden (Canada), le 8 mai 1943.
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Insignes régimentaires de calot et d'épaules portés par Russell Smith, Centre de Formation des Blindés,
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A.F.V. livre de poche de terrain, décrivant l'équipement ennemi. Ce livre était utilisé par Russell Smith dans un but d'entrainement.
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Trooper, mascotte du régiment, à Camp Borden, en 1940.
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Carte de voeux, décembre 1946. Camp Old Dean, près de Camberly Surrey, juste au dessus du Collège Royal Militaire de Sand hurst.
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Bon, on n’avait pas d’équipement par exemple. On défilait le lundi soir et on portait une épée!
J’avais 15 ans et je venait d’une famille nombreuse et les temps étaient très très durs. Il n’y avait pas de père ; mon beau-père était mort. Alors je travaillais. Il n’y avait rien à faire. Il n’y avait pas d’argent et rien à faire, et j’ai retrouvé mon copain Bob Kerrins, un soir et il était en uniforme. Et je lui ai demandé ce qu’il fabriquait et il m’a expliqué : il descendait le lundi, les lundis et mercredis, je crois, ou alors les mardis et jeudis, je ne me souviens plus. Mais tous les jeudis soirs ils allaient monter, ils montaient à cheval. Et j’ai pensé que c’était une bonne idée alors j’y suis allé et j’ai rejoint le régiment avec eux. Et après on s’est entraîné, je crois que c’était le lundi soir et puis le jeudi soir on allait à la ferme de Sunnybrook, là où se trouve l’hôpital Sunnybrook maintenant. La police avait une école d’équitation là-bas et nous aussi. Et on montait à cheval et on passait un bon moment à monter. Et c’est ce qui m’avait donné envie de faire ça. Mais j’ai pris goût à la vie à l’armée, j’aimais ça. Faire les exercices et la discipline et apprendre à être un soldat ça ne me dérangeait pas. Mais bien-sûr, c’était très vieille école, c’était encore comme en 1918 la vie à l’armée, vous savez. Ce n’était pas moderne du tout. Bon, on n’avait pas d’équipement par exemple. On défilait le lundi soir et on portait une épée ! On défilait avec une épée à la ceinture. Et on a appris à se servir d’une épée, à porter l’épée et toutes sortes de choses comme ça. Et on n’avait pas de véhicules blindés ou autre chose de ce genre. Et puis au fur et à mesure que les choses évoluaient on a fait de nous un régiment de motocyclistes et les choses ont commencé à bouger. Mais avant ça, tout notre entraînement avait été inspiré des méthodes utilisées pendant la Première Guerre mondiale, des méthodes datant de la guerre de 14/18. Bon, c’était à travers tout le Canada. On avait pas la moindre idée, il n’y avait pas de plan, bon, ils avaient des plans d’action mais on ne s’était jamais exercés. On avait pas la moindre idée sur la guerre ni sur la manière dont l’Allemagne était entrée en guerre en 1939. Leur manière de se déplacer, leur manière de combattre, c’était complètement nouveau, et on devait tout réapprendre depuis le début. Quand notre régiment a été appelé, on est parti monter la garde au canal Welland. Et on faisait juste les cent pas le long du canal avec nos vieux fusils à l’épaule et nos épées et il y avait une troupe d’hommes qui patrouillait à cheval le long du canal; pour le protéger d’éventuels saboteurs. Et on avait aussi mis un garde à l’aérodrome de Camp Borden ; on avait un escadron là-haut. Et on apprenait à marcher en cadence et à faire les manœuvres et à s’entraîner avec les fusils, et on apprenait aussi un peu à manier les mitraillettes. J’aimais les ça, j’étais bon dans le maniement des mitraillettes, et je suis devenu instructeur. On m’a promus caporal. A cette époque, j’étais instructeur en armes légères – pistolets, carabines, mitraillettes. Mais quelque chose comme une Lewis, un reste de la Première Guerre mondiale, c’était ça la mitraillette. Et bien, il y avait une nouvelle mitraillette appelée la Bren. Elle venait de Tchécoslovaquie. Quand la guerre a éclaté, il ne devait pas y avoir plus de dix de ces mitraillettes dans tout le Canada, qu’on les utilisait seulement pour des démonstrations. Mais on n’était pas préparé pour la guerre, on n’avait pas la moindre idée de comment se battre dans une guerre moderne. Et on a appris, lentement mais sûrement, on a appris à faire ce qu’on avait à faire. Le régiment avait été formé à Camp Borden et nous étions un régiment blindé, un régiment de motocyclistes en premier, et ensuite on allait nous donner des mitraillettes. Alors ils m’ont envoyé dans ce centre de formation du corps de l’arme blindée pour apprendre le métier d’instructeur en armes lourdes et tanks et aussi armes légères et ainsi de suite. Je m’en suis très bien sorti là-bas parce que j’étais jeune et très intéressé. Ils avaient fait une demande pour m’avoir comme instructeur. Et c’est comme ça que ça c’est passé. Dans le fond, tout le monde acceptait très bien la discipline. Par exemple j’ai été simple caporal, caporal, sergent, sergent-chef et ensuite adjudant. Et vous apprenez au fil du temps jusqu’à quel point vous pouvez pousser les gens. Vous ne vous en prenez pas à quelqu’un délibérément juste pour qu’il réagisse. Mais quand vous faites certains exercices vous devez les mettre en colère. Vous devez les pousser à y mettre bien plus de force, et surtout après s’être entraînés pendant longtemps. Supposez qu’il s’agisse d’un combat à la baïonnette. Vous avez un fusil qui pèse aux environs de quatre kilos et il a une baïonnette au bout. Et vous êtes censé enfoncer cette baïonnette dans un mannequin de paille. Et vous êtes censé faire ça avec toute la force et la vigueur dont vous êtes capable. Bon, après avoir fait ça pendant deux ans, et vous ne vous intéressez pas particulièrement aux combats à la baïonnette et ça ne vous intéresse pas d’enfoncer une baïonnette dans le ventre d’un mannequin de paille. Vous l’avez fait et refait jusqu’à en avoir par-dessus la tête. Alors ce qu’on a c’est l’instructeur qui a une longue perche, d’environ 2 mètres de long. A un bout de la perche, il y a un anneau en métal attaché à la perche, un petit anneau de 7,5 cm de diamètre environ. A l’autre bout, il y a une grande protection en caoutchouc. Alors vous tenez cette longue perche en position et vous dites au soldat d’enfiler sa baïonnette dans le trou de l’anneau. Vous criez « Enfonce ! » et il enfonce son fusil dedans. Bon maintenant, vous faites ça deux ou trois fois et il n’y met pas assez de conviction, alors vous faites pivoter votre main et vous lui donnez une tape sur la tête avec le côté en caoutchouc. Bon, quand vous le faites une fois ce n’est pas grave. Si vous le faites deux fois, ce n’est pas trop grave. Mais la troisième ou la quatrième fois que vous le tapez, ça le met assez en colère après vous et là ça commence à marcher. Et il met toute sa rogne dans la baïonnette. Vous faites ce genre de choses. Ou alors vous criez beaucoup. Vous les faites courir, vous les pourchassez tout le temps. Mais le soir, vous les laissez tranquille, vous ne les approchez pas, vous restez à distance. Vous allez aux mêmes spectacles qu’eux, s’il y a une troupe de théâtre qui vient pour une soirée de divertissement, vous allez aux mêmes spectacles et ce genre de choses là mais vous ne mangez pas avec eux quand vous êtes un sergent. Si vous êtes caporal, ou caporal chef, vous le faites, mais quand vous avez le grade de sergent ou plus, vous avez vos propres quartiers. Alors vous les laissez tranquille cuver leur colère, vous savez. Mais c’est comme ça que vous travaillez ça, quelque chose comme ça. Vous vous retrouvez en train de les pourchasser, vous leur trouvez beaucoup de défauts. Vous trouvez un bouton défait ou un insigne sale ou un fusil qui est sale ou un pantalon pas repassé ou des chaussures qui ne brillent pas correctement, ou un peu de rouille sur la baïonnette ou un lit mal fait. Tous les jours, on passe tout en revue. On passe en revue vos affaires et on vous passe en revue et si vous n’êtes pas bien rasé le matin, vous avez de sérieux ennuis. Ce genre de choses.