Quand j’allais à l’école, particulièrement durant les fins de semaines, quand je n’étais pas obligé d’aller à l’école, quand j’entendais un avion, je regardais tout autour jusqu’à ce que je le trouve et je le suivais du regard jusqu’à ce qu’il ait disparu. Et à ce moment-là, je sentais juste, bigre, comme je serais heureux de pouvoir voler sur un de ces avions.
Quand j’ai été affecté à Skipton [Angleterre], le 424ème escadron, c’était le 30 mai 1944. Le 7 juin, le lendemain du jour J, on nous a demandé par l’intermédiaire des haut-parleurs de nous présenter au briefing. Nous étions un peu surpris parce que nous étions un équipage vert et les équipages verts ne partaient pas en opération. Mais on est quand-même descendus et l’officier chargé de l’information a dit, c’est un voyage très important pour vous. C’était un vol de largage de mines, ou, de jardinage comme ils disaient, à Lorient en France, ça se trouve sur la côte ouest de la France. Il y avait des U-bootes là-bas, qui faisaient le plein avec l’intention de sortir dans l’Atlantique et de remonter jusque dans la Manche, pour s’attaquer aux bateaux de ravitaillement qui faisaient la traversée pour les troupes. Il a fallu qu’on fasse ce voyage avec les portes des soutes à bombes ouvertes parce que les mines étaient trop grosses pour qu’on puisse fermer les portes.
On a fait ce vol et on devait utiliser un système radar GEE, qui est un instrument de navigateur. Mais quand on est arrivés dans la Manche, qu’on devait traverser, le GEE s’est détraqué et il n’était plus bon, alors le bombardier et le navigateur ont travaillé ensemble pour déterminer la trajectoire jusqu’à un point de visée sur la côte. Parce qu’éclairée par la lune, vous pouviez voir la côte européenne très distinctement. On a utilisé ça et puis on , bon, quand on est arrivés à ce point là, on a lâché les mines et on a pu fermer les portes de la soute après, ce que tout le monde a bien apprécié. Et moi tout particulièrement, qui pilotais cet avion.
Et on est retourné au briefing, à la base, et on y est allé pour un débriefing. Ils étaient surpris qu’on nous ait demandé de faire cette opération parce que seuls les équipages qui avaient 18 opérations ou plus à leur actif étaient programmés pour faire ce voyage-là. Alors nous était très contents de ça. Et plus tard, mon mécanicien de bord était à la bibliothèque à la recherche d’un livre à lire et il est tombé sur un livre écrit par un commandant de sous-marin allemand chevronné. Et en feuilletant le livre, il est tombé sur un chapitre à propos du port de Lorient. Et c’était le voyage qu’on avait fait. Alors il a découvert dans cette partie du livre que les u-bootes, ces u-bootes-là, avaient vraiment essayé de d’aller dans l’Atlantique pour remonter jusqu’à la Manche et l’un d’entre eux avait réussi à passer à travers les mines mais avait été détecté par une frégate anglaise et avait coulé. Tous les autres avaient été tellement endommagés dans le champ de mines, qu’ils sont retournés dans le port de Lorient et n’ont jamais retenté leur chance.
Et on a été contents de découvrir ça parce que c’est la seule fois où on a trouvé quelque chose au sujet d’un des voyages qu’on a fait.