Project Mémoire

Saul Rose

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Saul Rose
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à bord du navire rentrant au Canada. Saul Rose (au centre) avec Derek Fraser et Ed Zackson à ses côtés. Juin 1946.
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Photo prise après qu'il soit sorti de l'hôpital de l'Army Medical. Salerne, Italie. Août 1944.
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Après son engagement lors de ses Classes, 1943.
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Mac Giggin (à droite) North Nova Scotia Regiment, et Saul Rose (à gauche) The Governor General's Horse Guards. Rhuland Proudfoot (au centre) est avec ses deux grand-pères.
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Les médailles de Saul Rose.
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C’était ça le sentiment à ce moment-là, pendant ces années là, vous vouliez faire votre part, apporter votre concours pour gagner la guerre.
En fait j’avais 18 ans et demi quand je me suis engagé. Et j’ai décidé d’aller dans le Corps blindé. Je sentais vraiment que je voulais entrer dans l’action et m’engager. C’était ça le sentiment à ce moment-là, pendant ces années là, vous vouliez faire votre part, apporter votre concours pour gagner la guerre. Alors bon, les canadiens avaient une armée de volontaires principalement, ce n’est que plus tard pendant la guerre que la conscription a pris effet (la conscription pour le service outre-mer a commencée en novembre 1944). Quand on est descendus du navire, l’officier nous a tous rassemblés d’une manière plutôt joviale. Il a dit qu’il avait une annonce à faire, que je n’étais plus caporal, que désormais j’étais un soldat ordinaire et que ses supérieurs avaient stipulé que mes galons devaient être retirés de ma veste. J’étais tout simplement comme n’importe qui d’autre, un sous-officier. Alors évidemment pour moi il était au courant avant qu’on monte à bord. C’est ce que j’imagine mais les gars, donc d’autres gars sur le navire avaient de l’humour à ce sujet et ils m’ont aidé, ça les amusait de m’aider à enlever mes galons de ma veste. Mais comme je l’ai écrit, j’ai ressenti un courant sous-jacent d’antisémitisme parce qu’il savait que j’étais juif. Et je crois qu’il avait beaucoup de plaisir à me mettre mal à l’aise. On a repéré un char allemand à deux à trois cents mètres de là à peu près, sur une petite colline et il était évident que son canon était redoutable. Un canon de 88mm qui était plus puissant que tout ce qu’on avait de notre côté. Mais on a repéré ce canon dans une de nos incursions dans la zone où on opérait et tout à coup, on a eu une explosion et on pensait que ça venait d’un de ces chars allemands mais il s’est avéré que c’était une mine (antichar), notre char avait roulé sur une mine et elle a fait sauter la chenille de notre char. Et j’étais sur la radio et j’ai dit à notre chef d’escadron, notre commandant qu’on avait été touchés. Je crois que j’étais un émotif, un gamin du genre nerveux, et cela devait transparaître. Je ne suis pas arrivé à rester calme comme j’aurais dû l’être dans une situation pareille. Il faut que je vous dise cependant, mon expérience de la guerre c’était que les gens, la plupart des gens, des gamins comme moi, du même âge que moi, qui traversaient une expérience aussi traumatisante, on a finalement appris à supporter tout ça et très bien. Et il y avait d’autres gars dans notre régiment d’un autre genre, des vantards, des fanfarons, des brutes et ainsi de suite, la première fois qu’ils passaient par là, ils perdaient complètement les pédales. Et je sais que ne me suis jamais effondré, c’était une chose avec laquelle il fallait vivre. Cette expérience c’est quelque chose qui m’a secoué mais seulement pour un temps et je suis très vite retombé sur mes pieds et j’ai réussi à devenir un ancien combattant. Certaines personnes qui détenaient l’autorité avaient décidé qu’ils n’arriveraient pas à s’assurer la collaboration du service de santé de l’armée pour s’occuper de certains blessés. Et ils ont décidé de, pourquoi pas utiliser un de nos chars dans notre régiment et s’occuper des nôtres, au lieu de compter sur une autre partie de l’armée, on va s’occuper des nôtres en transformant l’un de nos chars en char de la Croix Rouge. En enlevant toute arme visible, certains des chars, en particulier ce char Stuart avait une mitrailleuse Browning, on a enlevé la mitrailleuse et enlevé tout ce qu’il y avait à l’arrière du char pour avoir de la place pour les brancards. Et on nous a fait suivre une formation ultra rapide sur l’art de s’occuper d’un blessé, comment faire un garrot et des choses comme ça. J’ai toujours une boule dans la gorge quand je pense à ça (Réveillon de Noël 1944) . Et on était juste, comme je l’ai écrit il me semble, on avait trouvé un bunker construit par les allemands, ce genre de trou camouflé dans le sol et on a réussi à se faufiler là-dedans en rampant, tous les trois. Et grâce aux colis de mon père, on avait quelques bonnes choses là-dedans et on a fait une petite fête de Noël. Et c’était quelque chose de vraiment spécial comme je l’ai mentionné, je pense quand j’ai écrit à propos du fait qu’on représentait trois religions différentes, catholique, protestante et juive et on a trinqué (avec des conserves de fruits) on n’avait pas de verres mais peu importe ce qu’on avait, en quelque sorte. Bon, boire tous les trois ensemble c’était quelque chose, vous savez. On ne savait pas bien sûr, quand on est sortis de ce bunker si on serait encore en vie le lendemain ou non mais en tout cas, c’était une soirée pour laquelle on était reconnaissants, le fait d’être en vie et de pouvoir le fêter de cette façon.