Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Sheila Elizabeth Whitton était codeuse pour la Marine royale du Canada. Elle a été envoyée en Angleterre en préparation du jour J pour travailler sur des machines à crypter qui ont joué un rôle clé dans le succès des Alliés. Lisez et écoutez le témoignage de Sheila Whitton sur la perte de son mari pendant la guerre et sur la résilience dont elle a fait preuve.
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« J’étais codeuse. »
Transcription
J’étais codeuse. Nous avons principalement remplacé des civils qui s’occupaient des communications dans la Marine. Nous avons donc travaillé avec des civils pendant un bout de temps. Notre formation se faisait sur place, mais ce n’était pas difficile une fois qu’on avait compris comment utiliser les livres. Nous utilisions des livres de cryptage, de gros et lourds livres de cryptage, qui avaient un code de quatre lettres pour chaque mot. On cryptait un message en lettres et parfois en chiffres, mais principalement en lettres, lorsqu’on était à Halifax. Lorsque j’ai été envoyée en Europe, nous travaillions sur des machines à crypter avec des cylindres. C’était nouveau, et nous devions apprendre à nous en accommoder. Ça n’a pas été long. Nous ne savions rien à cette époque à propos de ces machines à crypter avec lesquelles nous travaillions – elles avaient la taille et la forme d’une machine à écrire relativement grosse, mais elles contenaient des cylindres qui tournaient à mesure que l’on écrivait. Si je ne me trompe pas, il y avait quatre cylindres dans chaque machine. Chaque jour, on avait des instructions à propos de comment les démarrer, comment les placer dans la machine. Ce code changeait chaque jour. On devait donc s’assurer de pouvoir décrypter le message pour la journée, sauf si on avait notre machine correctement programmée.
Lorsque je suis allée en Europe pour la première fois, il y avait 6 Wrens [Women's Royal Naval Service (la branche féminine de la Marine royale britannique)] qui y étaient allées pour être codeuses. À mesure que passaient les semaines, d’autres encore ont été envoyées. Nous étions envoyées simplement pour être présente pour le Jour-J. Nous ne formions jamais un très grand groupe, là-bas. Je ne me souviens pas combien nous étions exactement, mais je ne pense pas que nous étions plus de 21 ou 22 toutes réunies. Nous travaillions 24 heures sur 24 en rotation. En d’autres mots, on travaillait peut-être une semaine la journée, puis la semaine suivante, de l’après-midi à minuit, ou encore de minuit à 8 heures du matin. Nous étions assez laissées à nous-mêmes, sauf quand nous avions l’occasion de manger avec les Wrens britanniques. Nous étions un groupe tissé très serré. Nous devenions très proches des personnes qui travaillaient avec nous.
Bob a rejoint les Fusiliers de la Reine et a été envoyé à Brockville, pour sa formation, en 1941, et je suppose que... Et, peu après cela, en 1942, il a été envoyé en Europe. Il a donc été en Europe pendant deux ans – presque à la journée près – avant que j’y aille à mon tour. Nous sommes restés en contact en nous écrivant fréquemment, et nous étions – même si je n’étais pas pressée de le faire avant qu’il s’en aille en Europe – je savais très bien que lorsque j’irais en Angleterre, si on avait la chance de nous marier, et c’est ce qu’il voulait, je dirais oui. Nous sommes arrivés à la semaine de Pâques, en avril 1944, et les choses sont devenues assez silencieuses. Moins de deux jours plus tard, le matin de Pâques, il m’a téléphoné; il était à Londres. Nous avons donc passé la journée de Pâques ensemble, et nous avons décidé de nous marier, si nous le pouvions. Nous l’avons enfin fait. Bob est allé en permission, et moi aussi, à la fin de l’horaire de quatre semaines attitré aux Wrens – nous terminions toujours avec une semaine à travailler de minuit à huit heures du matin. Après nous être libérées de cette tâche, nous avions une longue fin de semaine de presque cinq jours. La Marine a dit que si je pouvais me marier durant ces cinq jours, je pourrais voyager où Bob se trouvait. C’est ce qui est arrivé. Le Padre des Fusiliers de la Reine nous a mariés.
Nous avons pu nous écrire pendant quelques semaines, puis, parce c’était un mois avant le Jour-J, le courrier s’est arrêté des deux côtés. En tant que Canadiens à Londres, après l’Invasion, nous ne pouvions pas avoir de nouvelles. Les nouvelles concernaient seulement les régiments britanniques. Si des Canadiens travaillaient aux côtés d’une unité britannique, ils disaient seulement « En bien, les Canadiens étaient à leurs côtés. » Il n’y avait rien de spécial à propos de ce que faisaient les Canadiens. C’est donc devenu très, très frustrant, parce que nous devions attendre des nouvelles de la maison pour savoir ce que faisaient nos hommes.
Toutes les lettres provenant des troupes en invasion étaient arrêtées, et mes lettres ne se sont pas rendues jusqu’à lui. Mes lettres de lui en Normandie n’avaient toujours pas été envoyées.
Je les ai reçues après avoir appris qu’il avait été tué.
Toute ma vie a été renversée et fracassée. La chose qui me faisait continuer était que je devais faire le travail. On se levait, le matin, on mettait l’uniforme et on faisait un travail qui était important. Je suis passée au travers des premiers mois, les pires. J’étais déterminée, à la fin de la guerre et avant de retourner à la maison, à aller en France, à voir les plages, à voir où se trouvait le premier cimetière canadien, à Beny-sur-Mer. Après le Jour de la Victoire en Europe, je me suis inscrite à mon officier de commandement pour avoir la permission d’aller en Normandie. C’était en mai. À la fin de juin, j’ai reçu la permission de voyager, et on m’a donné des papiers de voyage, mais j’étais toute seule. Je devais retrouver mon chemin toute seule, ce que j’ai fait, car ce n’était pas difficile. J’ai également reçu de l’aide d’un très gentil sergent que j’ai rencontré sur le traversier qui allait de Newhaven à Dieppe, où j’ai pris le train vers Paris. Ce gentilhomme, je suppose qu’il se demandait ce qu’une Wren faisait, toute seule, et il a dit qu’il allait prendre le train pour retourner à Caen le jour suivant, et que, si j’avais besoin d’aide – il n’y avait qu’un seul train qui allait de Paris à Caen –, il allait m’en donner.
La guerre ne m’a jamais quittée. C’était... ce n’est pas quelque chose que l’on met de côté, que l’on oublie ou que l’on essaie d’accepter. Cette guerre devait être menée. Je ressens toujours que c’est le cas. Dieu seul sait ce qui serait arrivé en Europe si Hitler avait continué son programme. L’invasion devait arriver, et la Libération devait arriver. Cependant, en regardant les choses de plus haut, ça n’a rien réglé. Je pense qu’il y a de meilleurs moyens de régler les problèmes qu’avec une guerre.
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