Project Mémoire

Simon Goldenthal

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Simon Goldenthal
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Simon et Arthur Goldenthal en Angleterre, 1942-43.
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Simon Goldenthal en uniforme près de la rivière à Camp Borden, Ontario, 1940.
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1ère page d'une lettre d'actualité régimentaire.
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2ème page d'une lettre d'actualité régimentaire.
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3ème page d'une lettre d'actualité régimentaire.
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Je suis arrivé à terre en courant. Je pouvais voir le sable voler au contact des balles ; et j’ai simplement continué à courir comme un fou.

Mon travail de commis de paye consistait à taper des listes nominatives, ce sont les listes des noms de tout le monde, pour enregistrer les décès chaque jour. La paye devait s’arrêter à l’instant même où un homme était mort. Personne n’allait payer un sous supplémentaire s’ils n’y étaient pas obligés ; et au fond, je crois qu’ils ont crée ce poste juste pour moi parce qu’il n’y avait pas à ma connaissance l’équivalent dans aucun autre régiment.

Bon on m’avait mis à l’arrière du bateau. J’étais considéré comme un non-combattant, alors je devais être le dernier à quitter ces petits bateaux. Ça devait faire à peu près… On a commencé à avancer quand ils ont tous été en file, et ils ont commencé à avancer. Il n’a pas fallu longtemps avant que les allemands nous voient et les obus ont commencé à aller à terre. On n’avait pas encore essuyé de tirs légers parce qu’on était encore trop loin, mais on a finit par se rapprocher, et on pouvait alors entendre les balles siffler au dessus de nos têtes et les obus exploser autour de nous. En tout cas, on avançait et on se rapprochait de plus en plus, et on avait presque atteint la terre ferme. On s’est arrêtés, je crois qu’on était à trois ou cinq mètres de la terre. Tout le monde a sauté dans l’eau et gagné le rivage à pied. Ça a été à mon tour, j’ai sauté dans l’eau. J’avais de l’eau jusque là et j’ai dépassé deux corps qui flottaient dans l’eau. Je suis arrivé à terre en courant. Je pouvais voir le sable voler au contact des balles ; et j’ai simplement continué à courir comme un fou. J’ai atteint la digue et je me suis assis.

Maintenant je pouvais voir l’ensemble se dérouler comme un gigantesque paysage devant moi. Je pouvais voir des gars courir dans tous les sens, des gars qui hurlaient, des gars qui pleuraient. Un gars agitait une bible en l’air et appelait sa mère en criant. En tout cas, je me suis assis et il a fallu un moment avant que les tirs finissent par s’arrêter et que les allemands soient délogés d’une falaise, de la digue, et c’est là que mon travail a commencé. J’ai avancé et les corps étaient alignés sur un côté. Il y avait 63 corps alignés sur un côté. Le groupe d’inhumation enlevait la partie inférieure de leur plaque d’identité, ils les mettaient dans une boite et me les apportaient. Mon travail c’était de rentrer dans la liste nominative, le nom de la personne, bon les noms étaient déjà là je devais juste les cocher, et l’heure approximative du décès, et le lieu. Pendant que je faisais tout ça j’ai pris une plaque d’identité et c’était celle de l’homme qui me remplaçait comme commis de la compagnie. Il s’est fait tué à la minute où il a posé le pied sur la terre ferme. J’ai pensé à ce moment-là, grâce à Dieu et au Lieutenant Neil Gordon cela aurait pu tout aussi bien être moi, et c’est comme ça que je le percevais. Puis, après avoir fini mon travail, j’ai apporté le dossier terminé à, je le donnais aux autorités compétentes au bateau là où ils devaient l’avoir. Je suis retourné à la digue. Je me suis assis et j’ai commencé à pleurer. Je n’ai jamais autant pleuré de toute ma vie. Finalement le responsable de la paye est venu et m’a dit, c’est le moment pour nous de partir et ça a été tout pour le jour J.

J’y étais du 6 juin sur la plage, et le jour de la Victoire en Europe j’étais en Allemagne. J’ai traversé tout ça. Quand on est rentrés au Canada le 17 décembre 1945, on a débarqué à Halifax. Le 17 décembre on était à Toronto ; et on a remonté Bay Street. Le Toronto Telegram a publié un article qui disait que des 1200 hommes qui s’étaient engagés dans le Queen’s Own (Rifles of Canada) il n’en restait que douze des tout premiers qui rentraient ce jour-là. J’étais l’un des douze.