Bon, on a quitté Sussex, Nouveau-Brunswick et on est partis à Halifax ; et la 3ème division (d’infanterie) toute entière partait outre-mer, ce qui faisait environ 40 000 soldats répartis sur cinq paquebots. J’étais sur le (NSM) Duchess of York. On avait le navire de guerre (NSM) Malaya et des destroyers (vaisseaux d’escorte lourdement armés), et des corvettes (vaisseaux d’escorte légèrement armés), de tout, partout autour, à perte de vue, ils étaient tous là autour du port, vu la masse de soldats qu’on avait, des navires qui étaient aux alentours d’Halifax. Et on avait 600 prisonniers de guerre italiens. Ils avaient été amenés au Canada pour travailler dans les fermes, mais ils repartaient pour travailler dans les fermes en Angleterre. Donc ils étaient sur le (NSM) Orion.
On est allés à Liverpool, le Duchess of York, et on a débarqué à Liverpool. Et on avait…
D’accord, et combien de temps êtes-vous resté à Liverpool ?
Oh, seulement pour la nuit, on a pris le train le lendemain matin en direction du sud de l’Angleterre. Alors on mangé un sandwich à un endroit qui s’appelait Granby sur le chemin. Le dernier sandwich au jambon que j’allais avoir pendant les cinq ou six années qui ont suivi.
Bon, mon voyage en Italie ça n’était pas terrible. Pas en terme de combat, mais je ne connaissais personne à bord, personne. Après avoir été avec le North Shore ((New Brunswick) Regiment) depuis le 7 juin jusqu’au mois de janvier 1944, quand je suis parti en Italie – je connaissais pratiquement tout le monde. Je ne connaissais personne, et j’ai trouvé ça vraiment très dur. On était sur un cargo, en bas dans cette satanée cale, un escalier en bois pour monter. On nous a fait passer le mot qu’un appareil allait nous attaquer. Mais il ne nous a jamais attaqués. Alors le voyage a été peu mouvementé et c’était un javanais, pas un japonais. Ils avaient tous l’air japonais à bord, (on se demandait) où on allait. Mais en tout cas, ils étaient javanais et il y avait ce gros cargo, il a quitté Greenock en Écosse et on est arrivé (après) 19 jours en mer.
Le dimanche de Pâques, on est partis dans les lignes à Monte Cassino, plus ou moins à la chasse aux renseignements ou bien qui étaient les soldats ennemis qui se trouvaient devant nous parce que pour finir il fallait bien qu’on ait une attaque. Alors on est restés plantés là pendant quatre semaines et on a eu, mais, je crois, 14 ou 15 morts sur le front stationnaire et le clou de toute l’affaire c’est qu’on avait un gars du nom de McGrath. On avait reçu une dépêche d’Ottawa pour l’expédier au Canada, parce que sa femme était morte et il était marié avec plein d’enfants, cinq enfants. Le pauvre diable s’est fait tué et les enfants, tous orphelins. On s’est fait taper sur les doigts pour ça parce qu’il n’aurait jamais dû être embarqué dans les lignes. Ils avaient reçu ce renseignement avant qu’on y aille.
Donc on est restés là-bas pendant un mois et on a fait avec les renseignements qu’on avait et les prisonniers qu’on avait pris, et la perte de nos propres hommes. On était partis pendant environ dix jours, je dirais, et puis on s’est engagés dans l’attaque. Oui. On a frappé dans la ligne Gustave (ligne de défense allemande), ligne GUSTAVE, et la ligne Hitler (ligne de défense allemande) et on en a eu fini tout ça vers le 5 juin ; et aux alentours de Rome, là où on a retrouvé les américains qui remontaient de la tête de pont d’Anzio. Bon, évidemment, c’est les américains qui allaient avoir tout le crédit : ils ont marché sur Rome, nous on est partis se reposer. (rire) Alors c’était ça le combat.
Et le combat suivant c’était le ligne Gothique (ligne de défense allemande), ça devait être en août. On a passé un bon moment là-bas. Et à la ligne Gothique, on s’est vraiment retrouvé en plein dedans vers le 14 septembre. On a eu un paquet d’hommes tués là-bas. On a traversé un tas de rivières, canaux, et c’était dur d’avancer.
Une chose qui me vient à l’esprit c’est un garçon ici de Barthurst juste là, non un garçon du Cap-Breton, c’est le gars qui avait cinq enfants au pays et ils l’ont amené dans les lignes et il n’aurait pas dû se trouver là, ils avaient reçu une note de l’état-major à Ottawa pour lui dire, pour le laisser aller au dépôt des non valides et rentrer au Canada parce que sa femme était morte. Ils l’ont emmené sur les lignes et il s’est fait tuer, ça c’est une chose que je n’oublierai jamais.
Et puis lors de notre dernière bataille, on avait un garçon de Bathurst, Gerald Lackett. Et le dernier combat qu’on a fait à Delzijl (Hollande), il devait être dans la compagnie de tête, la compagnie B. Bon, ils se sont faits massacrer, mais avant d’y aller, j’ai parlé au sergent-major régimentaire, qui était de Montréal, Ralph Diplock. J’ai dit, vous vous souvenez de Cassino quand Rod a été tué ? Il a dit, oui. C’est la même chose qui est en train de se passer là maintenant. J’ai dit, bon, Lackett, ils sont en train de l’emmener dans les lignes et ils vont être confrontés à la même situation qui s’est produite à Cassino. Et j’ai dit, on s’est fait enguirlander par Ottawa, par l’armée à cause de ça, il aurait dû être envoyé au dépôt des non valides. Alors je pense que j’ai sauvé la vie de ce gars. Juste avec un petit peu de bouche à oreille.