La guerre est arrivée et je n’avais pas tout à fait l’âge mais je voulais m’engager dans l’armée. Et ils m’ont dit que je devais attendre. Mais je suis allé à Saskatoon et j’avais un beau-frère qui était dans la réserve. Il était sergent dans la réserve, et il m’a dit, si tu veux vraiment t’engager dans l’armée, je te ferai entrer. C’est comme ça que je suis entré dans l’armée. Nous faisions partie du génie. Au lieu d’être appelés soldats on nous appelait « soldats du génie ».
Et bien, ils avaient demandé d’où je venais, on vivait dans une ferme et ils avaient dit, ah ! tu es un fils de paysan alors tu seras dans le génie. Le point fort du génie ça a été la construction du plus beau des ponts à Emmerich [sur le Rhin] en Allemagne, un pont Bailey, un immense – c’était un œuvre d’art. On devait aller de l’autre côté de la rivière, et mettre en place la première poutre porteuse et puis mettre en place la seconde et commencer la construction vers le centre. Mais on devait faire tout ça dans le noir parce qu’on se serait faits éliminer en plein jour. Alors on faisait presque tout le travail dans le noir.
C’était sur le rive est d’Emmerich [sur le Rhin]. Les vaches étaient tranquille dans l’étable et les cochons, alors on a tué une vache et un cochon et on a eu de la viande fraîche. (rires)
Les éclats d’obus étaient si mauvais qu’on devait recouvrir les roues des véhicules pour empêcher que des éclats s’enfoncent dedans. Et puis on construisait les ponts là où on pouvait. Mais c’était vraiment beau quand c’était terminé. Les doubles Bailey, les triples Bailey.
Quelques gars avaient décidé que c’était le moment propice pour aller de l’autre côté et voir ce qu’on pouvait trouver. Et ils m’avaient demandé si je voulais aller avec eux et j’avais dit non. Alors j’étais resté de l’autre côté et je surveillais le matériel pour la construction des ponts. Et il étaient partis de l’autre côté et je ne les ai jamais revus parce que la rue a explosé, toute la rue. Les allemands avaient miné la rue toute entière. Alors j’étais heureux de ne pas être allé avec eux parce que sinon je ne serais pas là aujourd’hui. (rires)
On construisait des ponts, et on faisait traverser l’infanterie, on déminait au passage et on faisait des travaux subalternes, comme par exemple se débarrasser des, pardonnez-moi, des corps des victimes d’une manière ou d’une autre. Et aussi de nettoyer les routes, enlever les mines, pour que les troupes puissent passer. Vous deviez faire très attention parce qu’il y avait des détonateurs à pousser et d’autres à tirer. Alors si vous souleviez une mine et que vous tiriez le détonateur, vous la faisiez exploser. Si vous marchiez sur une mine, vous la faisiez exploser parce qu’elle avait un détonateur à pousser. Et il y avait aussi les mines anti-personnelles. Même notre sergent-major, il s’était pris une mine en Belgique et elle était énorme et ronde car elles étaient conçues pour des gros véhicules. Et il avait fait sortir tout le monde et il était allé dans l’immeuble tout seul pour la démanteler et tout à coup l’immeuble a sauté, lui, l’immeuble et tout le reste. Alors bien s’y connaître sur les mines c’était très important. Savoir où tous les détonateurs se trouvent et comment creuser sur les côtés, pas au-dessus, parce que si vous tirez ou appuyez, ce n’était pas la même chose. Ils avaient un détecteurs de mines polonais. Comme je dis, j’aurais pu garer mon camion sur une mine sans savoir qu’il y avait une mine là. Mais on faisait toujours attention aux mines, on les cherchait.
Le détecteur polonais ? Et bien, je ne m’en suis jamais servi. Mais c’est un truc avec des oreillettes et ça descendait le long d’une barre et c’était relié à un truc à la base, un truc rond qui détecte la mine et le son remonte dans les oreillettes et vous écoutez ce bruit. Je n’ai pas l’habitude de décrire ce que je faisais. Et la plupart du temps, je parlais rarement de ça et au fil des années, c’est devenu comme un lointain souvenir.