Project Mémoire

Valmont Bouchard

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Valmont bouchard (à droite) et son camarade, Camp Borden, le 7 mai 1945.
Certificat de démobilisation de Valmont Bouchard daté du 9 avril 1946.
Valmont Bouchard (à doite) et son ami dans leurs uniformes militaires, Camp Bordem, mai 1945.
Si je suis dans la Légion [Royale] canadienne c’est parce qu’il y avait encore du monde qui ont besoin de parler. Il y en a beaucoup qui ne veulent pas parler de ce qui est arrivé.
Mon engagement s’est fait par la conscription obligatoire. Si on n’était pas là la journée même on était considéré comme un déserteur. Je me suis enrôlé vers le 7 janvier 1944. On m’a affecté au Corps médical. La guerre allait bien en 1945, mais il y avait le retour de soldats. Il fallait aller chercher les documents au train, c’était la première chose à faire. Les trains de soldats normaux étaient le jour et les blessés arrivaient la nuit. Un train de blessés était environ mille personnes. On allait chercher les documents et on mettait ça en lieu sûr et après ça j’allais sur le terrain. Ça se passait drôlement, car quand le train arrivait il n’y avait personne à la gare contrairement au départ où le quai de la gare était rempli de monde. Il fallait trouver son enfant et c’était au terrain d’exposition. Les camions arrivaient avec tous les enfants. Il y a avait une joie intense qui se dégageait parce que la famille complète était là pour accueillir l’enfant. Ils arrivaient de l’autre bord même s’ils étaient blessés. Après avoir retrouvé son enfant, dans quel état était-il ? Plusieurs blessures, des fois juste une blessure. Il lui manque un pied, mais le pied est attaché après la jambe. Ou alors il avait des doigts de parti. C’est seulement pour donner quelques exemples. Ils avaient des bandages un peu partout. En dessous de tout ça, on savait ce qu’ils avaient. En quelques secondes l’émotion passait de la joie à la tristesse. Les larmes qui suivaient parce qu’il y avait une perte de liberté reliée à ça, du côté des parents. La mère qui devenait garde-malade. Les enfants qui n’étaient pas capables de s’habiller ou manger tous seuls. C’est gens là n’avaient pas suivi de cours. Tu pars avec. Le médecin de famille aidait un peu, mais à part de ça il n’y avait pas d’autre aide. Ils devenaient quasiment esclaves. On n’a pas parlé beaucoup de ça. Ça a fait des familles complètement changées. Ils avaient une nouvelle responsabilité. Beaucoup ont laissé tomber leurs ambitions, c’est un enfant de la guerre. C’était sacré, ils devaient l’entretenir et le garder. Trouver du travail quand on est handicapé c’est pire encore, en plus c’était le temps de la crise. Tous ces changements-là, j’ai vécu ça. C’est ça qui a été ma vie de soldat. Il y a eu des moments difficiles. Les familles n’étaient pas riches. C’est souvent pour ça qu’ils s’enrôlaient. Puisque l’homme amenait l’argent à la maison. C’est la mère qui absorbait le gros coup. Si je suis dans la Légion [Royale] canadienne c’est parce qu’il y avait encore du monde qui ont besoin de parler. Il y en a beaucoup qui ne veulent pas parler de ce qui est arrivé. Ils s’en souviennent longtemps. Ils ont de la misère à dormir pendant plusieurs semaines. Ils ne veulent pas en parler. Il y a eu un Breton qui est venu travailler à Rimouski à sa retraite. Il à été descendu deux fois en avion et il a été fait prisonnier. Il était radio à bord de ses avions. Ils l’ont martyrisé parce qu’ils pensaient qu’il détenait des secrets. Il ne voulait pas en parler. Finalement, il m’a montré ses blessures. Ils l’avaient brulé avec des cigarettes, etc. Il y a beaucoup de secrets qui sont restés dans l’ombre comme ça. Ils parlent souvent des bons coups et des bonnes choses qui sont arrivées. La guerre ce n’est pas tout mauvais mais ils se limitaient à parler des aspects positifs. Ça s’est déroulé comme ça.