Notre (service féminin de la marine royale canadienne) entrainement élémentaire a eu lieu à (NCSM) Galt et on a été très bien formées là-bas. Et puis on nous a envoyées en train, les signaleurs visuels, à l’école de communication navale à (NCSM) Saint-Hyacinthe au Québec, et j’ai une admiration sans bornes pour les instructeurs que j’ai eus et la formation vraiment formidable que nous avons reçue dans cette école. Chaque jour, par beau temps comme par mauvais temps, on était dehors en train d’apprendre. Et nos muscles oculaires étaient, j’ai raconté ça plusieurs fois, ça représentait un tel effort pour les yeux. Et c’était, ils ont commencé à nous faire lire le Morse à la vitesse minimum et puis chaque semaine ils augmentaient un peu l’allure. Et quand ils l’augmentaient, on avait les yeux qui pleuraient abondamment, c’était un tel effort. Et on s’entrainait à cette vitesse là et alors ça montait d’un cran à nouveau.
Et quand on a finalement réussi à atteindre la vitesse parfaite, et pourquoi nous fallait-il avoir des muscles aussi forts ? Parce qu’on devait lire le Morse à une telle allure et une telle distance des bateaux. Mais on était tellement bien entrainées qu’on avait totalement confiance en nous en quittant l’école. Et, bien sûr, on utilisait le sémaphore (système de communication avec des drapeaux), on devait connaître le livre des signaux en entier par cœur. On devait, avec le télescope, être capable d’identifier les différents drapeaux sur les différents navires. On était admirablement bien entrainées.
Bon la première affectation c’était Halifax. Et je pourrais vous raconter deux choses. Les gens vous demandent, y a t-il eu des moments forts ? Bon, c’est certain il y en a eu. Et j’ai été prise dans un ouragan. On était toujours deux de quart, une pour faire les signaux, l’autre pour écrire ou nous donner les messages, ce qu’on devait envoyer. Et en tout cas, cet ouragan, une pluie glacée est arrivée et une des deux devait monter, grimper à l’échelle, jusqu’au toit au dessus de notre tour. Notre tour, évidemment, on n’envoyait pas les signaux depuis la tour, on était toujours dehors. Mais c’était un refuge vous savez, on pouvait y rester par mauvais temps, entre deux tâches de signalisation. Et je me suis proposée pour monter là-haut. Et, bien sûr, je portais mon pantalon à pattes d’éléphant, une peau lainée, des moufles avec une doublure en fourrure et on était au mois de décembre ; et je suis montée là-haut et j’avais la pluie qui givrait sur mes cils. Je n’arrêtais pas d’enlever le givre sur mes cils et il y avait cinq navires qui essayaient de m’envoyer des signaux. Et comment ai-je reçu le message ? Je devais envoyer des messages, répondre aux signaux et dire, pour que l’autre Wren puisse écrire ce que les navires m’envoyaient comme signaux. Et il y avait un porte-voix et en même temps que je lui criais ce que je lisais elle me disait, répète, répète – le vent emportait mes paroles au loin. Mais en tout cas, cinq bateaux sont entrés en collision dans le port parce qu’ils ont cassé leurs plus petits bateaux ; les cordages qui les maintenaient amarrés au quai se sont rompus. Ça a été une nuit vraiment horrible.
Le plus grand navire à être entré dans le port jusqu’à ce jour-là, est apparu. C’était l’après-midi et il y a un dicton dans la marine, un mot de trop un vaisseau en moins. Alors personne n’a jamais parlé à voix haute mais certains, je ne sais pas comment c’est arrivé, mais tous les toits à Dartmouth en face d’Halifax avait l’air d’être, je ne le savais pas, j’ai trouvé, parce qu’un signaleur, le travail demande à ce qu’on soit rivée au signaleur à bord du navire. J’en ai entendu parlé après. Alors j’ai vu ce navire et il s’est trouvé que j’étais dehors, et que c’était mon tour. Alors j’ai envoyé mon signal et rapide intervention, j’ai littéralement fait entrer ce navire et lui ai fait savoir où il devait jeter l’ancre. Parce que comment voulez-vous qu’un navire qui arrive du large sache où aller se mettre à quai ? Alors c’était une partie de notre travail, de… Et c’était un travail top secret. Personne n’avait la permission de se trouver dans notre tour et on avait une carte, on connaissait chaque bateau dans le port, quand ils arrivaient, quand ils partaient.
Alors me voilà, et apparemment on m’a dit, les gens étaient tellement fascinés, c’était comme de regarder un match de ping-pong. Ils regardaient le signaleur sur le navire qui arrivait et puis ils regardaient la petite Wren, moi en l’occurrence, et ils étaient tout simplement fascinés. Ils ne savaient pas au juste ce qu’ils voyaient mais, c’était à cause de la taille du navire. Et ce que je ne savais pas, il y avait un de mes instructeurs à bord de ce navire ; et il regardait dans un télescope pour voir s’il reconnaissait une de ces élèves et il m’a reconnue. Et quand ils se sont amarrés, un moment plus tard il est venu à bord. Et il y avait trois sous-marins qu’ils avaient réussi à capturer, des sous-marins allemands, amarrés juste en dessous de notre tour et il nous a dit, il a dit qu’il aimerait nous faire monter à bord. Alors moi non, peu importe dans quel camp ils étaient, être dans un sous-marin non c’est un endroit horrible. C’est tellement bondé de monde. Mais en tout cas, je n’oublierai jamais, se trouver dehors comme ça et recevoir les signaux de ce vaisseau immense ; c’était une après-midi magnifique. Alors voici les deux moments mémorables de ma vie de Wren.
Date de l'entrevue: 8 novembre 2010