Project Mémoire

Walter Wally Ward

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Wally Ward
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Un Hawker Typhoon.
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Wally Ward (rangée du fond, tout à gauche) avec l'Escadron 118, sur la base d'Annette Island en Alaska en 1943.
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Wally Ward alors qu'il était basé sur Annette Island en Alaska en 1943.
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Le Lieutenant Wally Wars en Normandie, en France en 1944.
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Wally Ward en 2005.
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Bon, une attaque de l’ennemi était la dernière chose à laquelle on s’attendait parce qu’on ne voyait pour ainsi dire jamais d’avion de l’armée de l’air allemande dans le ciel,

Le premier vol que j’ai fait, on est rentrés en passant au dessus de Dieppe (Normandie). Pourquoi ? Je ne sais pas, mais c’est ce qu’on a fait. Parce que c’était mon premier vol, j’étais l’avion de queue dans la formation. J’étais complètement à l’arrière de la, de l’escadre et je venais d’arriver sur Dieppe et bang, bang, bang, de ces énormes nuages noirs que faisaient les obus qui explosaient tout autour de moi, c’était des tirs antiaériens, ce qui n’était pas étonnant quand on en survolait Dieppe évidemment. Et j’ai été touché, mon appareil a été touché. Et je me souviens avoir pensé : Bon, c’est quelque chose de stupide, je ne crois pas que je vais apprécier cette guerre si ça se passe comme ça. »

En tout cas, ma première inquiétude c’était, à quel point suis-je touché. Bon, j’ai été touché dans le radiateur à l’avant là-bas et mon système de refroidissement était en péril, ce qui voulait dire que je perdais du glycol et à un moment, quand vous perdez votre liquide de refroidissement, votre moteur surchauffe et se grippe. Alors j’ai envoyé un message radio à mon chef d’escadron et il a laissé quelqu’un avec moi, parce que j’avais ralenti. Et j’ai traversé la Manche, en perdant de l’altitude tout le long, et quand je suis arrivé à la côte, je n’étais plus qu’à environ 2000 pieds d’altitude mais il y avait un aérodrome juste sur la côte, Tangmere (RAF). Et ils les avaient prévenu à l’avance par radio et j’y suis allé tout droit et j’ai atterri sans encombre et quand j’ai roulé sur la piste et arrêté le moteur, il y avait une trainée de liquide qui continuait de sortir à l’avant de l’appareil. Donc ça c’était mon premier vol.

Toute la raison d’être de notre escadron, l’escadre, on était la143e escadre (143e escadre, armée de l’air canadienne, constituée le 10 janvier 1944, et qui faisait partie de la 2ème force aérienne tactique) et on avait trois escadrons canadiens là-bas. Il y avait d’autres escadrons là-bas mais on était trois, les 438ème, 439ème et 440ème escadrons. Et chacun de nos cibles était une cible tactique. C’est à dire, on faisait partie de la seconde force aérienne tactique (constituée le 1er juin 1943) ce qui voulait dire que notre rôle principal était de soutenir l’armée de terre. Nos cibles étaient identifiées par l’armée de terre canadienne.

Or quelquefois, vous voliez jusqu’à cette cible et l’artillerie canadienne utilisait de la fumée rouge. Ce qu’ils faisaient c’est une fois qu’ils nous voyaient approcher de la cible, ils nous entendaient et nous voyaient, arriver à 10 000 pieds d’altitude environ, ils tiraient quelques obus qui au moment d’exploser, atterrissaient juste aux alentours de la cible, et il y avait de la fumée rouge qui montait. Alors on volait à 10 000 pieds et on regardait en bas, on pouvait voir : oh il y a la fumée rouge. C’est notre cible. » Donc c’était une aide importante pour nous, pour être sûrs. Parce que c’était un vrai défi, il fallait faire attention à ne pas bombarder vos propres troupes. Par deux fois ils se sont servis d’une autre technique. Si c’était couvert et avec des nuages compacts et que vous ne pouviez pas voir la cible, ils avaient un système au moyen duquel on pouvait décoller et puis il y avait quelqu’un avec un équipement près de la cible, qui était en communication radio avec nous. Et cette personne nous dirigeait sur la route à prendre et il, je pense qu’il avait une installation radar, alors il nous repérait. Et en fait il nous disait où larguer les bombes. On volait, au dessus des nuages et il disait : « Larguez les bombes ! » On n’a jamais vu la cible et c’était une technique qu’ils utilisaient.

À 8 heures le 1er janvier (1945), mon escadron et au moins un autre escadron on était alignés en attendant de décoller pour une mission. Alors imaginez, il y a dans les, oh je dirais 16 appareils. Et l’un des avions avait déjà décollé en fait et juste à ce moment-là, est arrivé, à l’horizon, ce n’était pas un escadron au grand complet mais une certaine quantité de Messerschmitt 109 (chasseurs allemands) (qui faisaient partie de l’offensive des Ardennes lancée par les allemands à la fin de 1944 et au début de 1945). Et ils tiraient, ils arrivaient sur nous juste en bas de la piste, en tirant avec leurs canons. Bon, une attaque de l’ennemi était la dernière chose à laquelle on s’attendait parce qu’on ne voyait pour ainsi dire jamais d’avion de l’armée de l’air allemande dans le ciel, on en voyait un de temps en temps mais très peu. Vous savez, la bataille du ciel, elle était pratiquement terminée et cette fois-là a été la dernière tentative pour l’armée allemande et la force aérienne je crois d’orchestrer un retour sur le devant de la scène. Mais notre terrain d’aviation était entouré de ce qui s’appelait le régiment de la RAF. Il y avait les gars de l’artillerie qui s’occupaient de notre défense antiaérienne à nous mais ils n’étaient vraiment pas très bons pour ce qui était de… comme par exemple quand on atterrissait en Normandie au début et qu’on était basés là-bas, ils nous tiraient dessus en croyant qu’on était des Focke-Wulf 190 (chasseurs allemands). Alors ils ont changé les règles. La règle c’était qu’aucun mitrailleur ne pouvait décider de son propre chef d’ouvrir le feu. Il devait recevoir ses ordres d’un commandement central. Et le matin de cette attaque, avant ça, au cours de la nuit précédente, des saboteurs avaient coupé toutes les lignes de communications au sol. Pour que ces gars de la défense antiaérienne ne puissent pas tirer. Ils n’ont pas tiré.

Il y a eu des dégâts impressionnants et votre première impression en voyant ça c’était : « On vient juste de perdre la guerre ici. » Parce qu’il ne restait rien. Et l’aviation était entièrement détruite et moi, le lendemain, je devais voler jusqu’à Bruxelles. Or, nos appareils, ceux qui ne volaient pas, étaient éparpillés parce qu’ils n’étaient pas à côté les uns des autres mais à Bruxelles, parce qu’ils étaient tellement loin en arrière de la ligne des bombes où se trouvait l’ennemi, qu’ils ne s’embêtaient pas à éparpiller les avions et ils avaient des Liberator B-25 (bombardiers américains de taille moyenne) qui étaient alignés les uns à côté des autres, qui se touchaient. Bon, quand les pilotes allemands ont attaqué, ils ont juste mitraillé au sol cette rangée d’avions, ils ne pouvaient pas les manquer, et ils les ont décimés. Et quand j’ai volé là-bas, et que j’ai atterri là-bas, il y avait un monceau de carcasses d’avions partout autour.

Or, la chose la plus incroyable dans toute cette histoire c’est que deux ou trois semaines plus tard, notre escadron était complètement équipé à nouveau et a pu recommencer à voler. Ils avaient assez de Typhoon en réserve, ils ont réussi à apporter de nouveaux appareils et ils étaient opérationnels. J’ai pensé que c’était stupéfiant.