Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Notre unité a été envoyée en Normandie et certains d’entre nous sont partis un peu plus tôt juste après le jour J. Quand on est allés pour débarquer sur le rivage, notre barge s’est prise dans une énorme chaine sur l’ancre et on ne pouvait plus bouger. Alors on a dû rester dans l’eau là sans bouger à deux milles au large et ça leur a pris 48 heures ou plus pour enlever la chaine. Ils ont dû la couper au chalumeau. Et pendant qu’on était là-bas, l’alerte pour les raids aériens était constamment sur le rouge et on se faisait mitrailler ; et je me souviens avoir plongé sous un camion. Quand je me suis retrouvé là dessous, il y avait déjà deux autres gars. Puis ce qui s’est passé ensuite, je me tenais à l’avant et notre barrage de ballons (ballons attachés aux véhicules et vaisseaux pour les protéger contre les attaques aériennes à basse altitude) a été touché ; et le câble est tombé sur le pont juste devant moi et il s’est enroulé comme si on était en train de l’enrouler sur une bobine. C’était incroyable. C’était incandescent et il s’est juste enroulé comme s’il était enroulé sur une bobine quand il est tombé sur le pont. Heureusement, il m’a manqué. En tout cas, on a finalement réussi à aller sur le rivage et on s’est dirigé vers un terrain d’aviation (anglais), le B9 (à Lantheuil en France). C’était l’un des tout premiers terrains d’aviation, juste une piste d’herbe avec du fil sur le sol pour que les avions se posent dessus. Et de là, on s’est perdus et on n’a pas pu retrouver le terrain pendant toute une journée, je crois. Finalement on est arrivés, je ne me souviens plus comment. Et on a commencé à réparer les appareils. Mais, entre temps, j’étais devenu assistant de maintenance où j’étais autorisé à travailler sur les appareils. Alors j’ai fait des travaux subalternes, mettre l’huile, changer les bougies et remplir le glycol et m’occuper du capotage des moteurs, à recouvrir les moteurs. Et pendant qu’on était là-bas, on se tenait au bord du terrain, en regardant deux Spitfire décoller ; ils bombardaient la poche de Falaise là où ils avaient enfermé les allemands. Et ils étaient en train de décoller. Ils avaient leurs bombes de 500 livres sous chaque aile et il s’est passé quelque chose et sur un des avions les bombes se sont déclenchées et il est juste parti en mille morceaux. Il ne restait rien. Il y avait juste une photo-mitrailleuse qui avait atterri dans un verger à l’endroit où nos tentes se trouvaient. Et plantée dans le sol. La secousse m’a renversé et j’ai eu les oreilles qui ont sifflé pendant plusieurs jours. Et un aviateur qui était plus proche de l’explosion, il a été tué ; et il avait un frère jumeau sur le terrain au même moment. Il y avait beaucoup d’activité antiaérienne là-bas parce que c’était une batterie antiaérienne tout près de là, juste derrière nous. Et il y avait trois énormes chars Churchill (char d’armement lourd de l’infanterie britannique) plantés là sur le terrain ; ils avaient été frappés par un obus perforant allemand. Il avait un trou qui traversait le côté et il a explosé à l’intérieur. Et, bien sûr, tous les hommes ont été tués et les chars étaient toujours plantés là. Et je me souviens encore de l’odeur putride qui arrivait jusqu’à l’endroit où on dormait. Ça semblait s’imprégner dans vos vêtements. Une semaine avant la fin de la guerre, ils ont dit aux pilotes allemands qui voulaient se rendre qu’ils pouvaient atterrir sur n’importe quel terrain d’aviation et qu’ils ne se feraient pas descendre. Et tout à coup, cet avion arrive au dessus du terrain, je ne savais pas ce que c’était parce c’était le premier jet que j’entendais de ma vie. Et cette chose faisait du 600 mille/heure et ils nous a fait un spectacle pendant au moins 20 minutes. Je n’arrivais pas à en croire mes yeux. Et puis il s’est posé et il a dit, je suis venu vous aider à combattre les russes. (rire)