Je m’appelle Werner Hirschmann et je suis né à Düsseldorf en Allemagne en mars 1923. Chaque sous-marin allemand avec quatre officiers commissionnés. Le commandant, deux officiers de surveillance et le chef mécanicien. Le chef mécanicien était généralement l’officier le plus haut gradé après le commandant, donc si le commandant était dans l’incapacité de remplir ses fonctions, l’officier mécanicien en chef le remplaçait.
J’avais à ce moment-là, évidemment, pas encore 20 ans et j’avais ce travail de responsabilité ; et j’avais la vie de plus d’une cinquantaine de personnes sous ma responsabilité, c’était vraiment très gratifiant. Et puis j’ai été transféré à nouveau en tant que chef mécanicien sur un grand sous-marin de haute mer stationné à Lorient en France. Et il s’agissait du U-190 (sous-marin allemand).
On a bénéficié d’un nouvel appareil installé dans le sous-marin, un instrument connu sous le nom de schnorkel, un mât de la taille d’un périscope qui nous permettait d’aspirer de l’air pendant l’immersion ce qui donnait la possibilité à nos moteurs diésels de tourner et de recharger nos batteries sans avoir besoin de refaire surface et nous exposer ainsi aux avions ennemis. Donc ce schnorkel est vraiment l’instrument qui nous a permis de survivre pendant la deuxième moitié de l’année et le début de l’année 1945.
La fois suivante où on a été prêts à repartir, c’était en février 1945 et on a embarqué pour faire notre dernière mission, qui nous a conduit à Halifax où on est restés pendant quelque chose de l’ordre de cinquante jours sous l’eau, à la recherche de navires de charge, pour les couler, mais ils ne se trouvaient plus là-bas – ils avaient été transférés dans d’autres ports. Alors on a vraiment tourné au ralenti là-bas au large d’Halifax pendant tout ce temps. Puis le jour est arrivé où on a eu l’impression, en étant sous l’eau, qu’on avait été repérés par un asdic (détection anti-sous-marine à ultra-sons), l’appareil à ultra-sons que les alliés utilisaient pour trouver les sous-marins immergés, et qui pouvait être entendu à l’intérieur du sous-marin. Donc on avait le sentiment qu’on avait été repérés et retrouvés par un bâtiment de guerre. On est remontés à la surface et on a vu un petit navire de guerre qui s’approchait à grande vitesse. Au moment où, on a juste en quelque sorte, de manière défensive, tiré une torpille, une torpille acoustique (qui se dirige par l’intermédiaire des ondes émises par sa cible), qui a frappé ce navire de guerre et l’a coulé. Et c’était le NCSM Esquimalt, le dernier navire canadien coulé pendant la guerre.
C’était la routine. Il n’y avait rien de vraiment particulier à propos de ça. C’est ce qu’on nous avait entrainés à faire, et on suivait les étapes une après l’autre ; et à la fin, un fois qu’on a su que l’Esquimalt n’était plus là, on s’est sentis un peu plus en sécurité alors ; et on était content d’être toujours en vie. C’était en quelque sorte la, ce qui était tragique dans tout ceci. On pensait qu’ils nous avaient trouvés, mais en fait, ce n’était pas le cas.
On s’est rapprochés le plus possible du rivage et on s’est mis au fond pour éteindre tout notre équipement, pour éviter de faire le moindre bruit et tout simplement attendre patiemment la suite des événements. Et on était parfaitement conscient du danger que ça représentait de se trouver aussi proche du rivage, la marine canadienne avait quelques difficultés à nous retrouver pour la simple raison que le fond de l’océan était tellement recouvert de débris métalliques à cet endroit-là, que les opérateurs asdics dans les navires de guerre canadiens avaient toutes les peines du monde à faire la distinction entre un ultra-son provenant d’un sous-marin et un autre provenant simplement d’une ancre ou de boites de conserve, ou n’importe quoi d’autre. Alors on se sentait plutôt en sécurité là, que personne ne réussirait à nous retrouver là et on avait plutôt raison car personne ne nous a trouvés et quelques jours plus tard, on est retournés à nos opérations habituelles.
À la fin du mois d’avril, on s’est trouvés à court de nourriture et de carburant ; et on a dû faire un arrêt sur le retour en Allemagne pour pouvoir arriver à destination. C’était la fin du mois d’avril. Alors on a mis cap à l’est, on a quitté la région d’Halifax et à 300 milles environ au sud-est de Terre-Neuve, on a reçu l’ordre par radio du haut commandement allemand de remonter à la surface pour faire savoir en langage courant qui on était et où on se trouvait, de jeter nos munitions par dessus bord et d’attendre la suite. En d’autres termes, pour nous, la guerre s’est terminée à ce moment-là.
La nuit suivante, on a été récupérés par deux navires de guerre canadiens, le NCSM Thorlock et le NCSM Victoriaville, qui nous ont interceptés et qui ont emmené l’équipage de notre sous-marin tout entier sauf moi, le chef mécanicien ainsi que dix personnes pour faire marcher le bateau. En échange, on a eu une trentaine de marins canadiens à bord de notre sous-marin et on a passé les trois jours suivants à faire le voyage jusqu’à Bay Bulls, qui se trouve au sud de St John à Terre-Neuve. On est arrivé le 14 mai je crois.