Project Mémoire

William Alvin Lake (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

William Lake a servi dans la Marine royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

L'Institut Historica-Dominion
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William Lake en 2010.
L'Institut Historica-Dominion
William Lake
William Lake
Article concernant le navire Le Saguenay et la Marine Royale Canadienne.
William Lake
« Ces vents pouvaient souffler à 150 kilomètres à l’heure et les vagues se brisaient au-dessus du navire. Il neigeait et on ne voyait rien à six mètres de l’étrave. »

Transcription

Je crois que je me suis engagé dans la marine parce que mon frère, qui était mon idole, (rires) s’est engagé dans la marine. En fait, deux de mes meilleurs copains se sont engagés aussi à peu près au même moment que moi. L’un d’eux s’est engagé dans l’armée de terre, Chuck Cornwell, et l’autre, Bob Little, qui avait déménagé à Ottawa à ce moment-là (son père était avec les gens de l’impôt sur le revenu), et il s’est engagé dans l’armée de l’air. Et moi je me suis engagé dans la marine. Malheureusement, Chuck a été tué pendant le débarquement du jour J et Bob a perdu la vie là-bas en France avant le jour J. Donc des trois copains d’enfance, seulement un a survécu.

A ce moment-là, Brest avait été prise et les ports de la Manche avaient été fermés aux allemands. Alors ils descendaient leurs sous-marins depuis la Norvège et ressortaient entre l’ouest des îles britanniques et n’importe où en France, et descendaient dans l’Atlantique en passant au large de l’Islande. Alors on nous a envoyés là-haut pour fermer cet espace. C’était au début du mois d’octobre ou, je dirais, plutôt à la mi-octobre.

Et on était en mer et j’ai eu un message décodé ; et il dit qu’on va être pris dans une tempête, vents soufflant en tempête. Les vents devaient dépasser l’échelle de Beaufort, ce qui veut dire que ça allait être un ouragan ou quelque chose comme ça. En tout cas, l’officier supérieur était encore Capell à ce moment-là. Il a reçu un message disant, qu’on pouvait retourner au port, à Reykjavik, le port si on le voulait bien. Bon, Capell a dit, on va aller se mettre à l’abri. Donc on leur a envoyé un message disant qu’on voulait rester en mer. Et ils ont dit non, vous devez venir au port avec nous. Et on a dit, bon, envoie un message comme quoi on n’a qu’une seule capsule, on ne peut faire marcher qu’une seule ancre ; et on ne va pas se sentir en sécurité où que ce soit à proximité de l’Islande parce que l’Islande est une terre volcanique, et le port ainsi que le fond de la mer tout autour n’est rien d’autre que de la lave durcie ; et on a bien l’impression qu’on ne peut pas s’ancrer là. Notre officier de navigation, le lieutenant Chance, dit au capitaine, je veux être relevé de mes fonctions car je ne peux pas garantir un mouillage en toute sécurité. Mais non, on lui dit de retourner là-bas.

Bon, on est arrivé là-bas, l’ancrage n’est pas allé en travers de l’île à l’entrée, Videy Island. Bon, on a descendu notre seule ancre, c’est tout ce qu’on pouvait utiliser, organiser des quarts de rade et tout le reste, mais les coups de vent, ces vents soufflent à 160 kilomètres/heure. Les vagues se fracassent juste au dessus de notre bateau. Il neige, vous ne pouvez pas voir à 10 mètres de la proue. Et on a des feux de navigations allumés, je suppose. Un des bateaux, le St Laurent je crois que c’était, a envoyé un message disant on pense que vous êtes est entrain de chasser votre ancre. Bon, notre quart de rade ils n’ont pas, ils auraient dû savoir ça, je crois.

Mais le lieutenant Kidd, qui est l’officier de commande sur le pont, il dit, j’essaye de m’orienter, mais il ne pouvait pas voir. Et l’instant d’après on est sur un récif. On avait perdu nos deux hélices, alors on n’avait plus de puissance. Et on est là-haut sur ce récif. Le capitaine a donné l’ordre d’abandonner le bateau. Maintenant il y a une discussion à propos de ce qu’il aurait dit si c’était préparez-vous à abandonner le bateau ou bien abandonnez le bateau. Mais je sais moi que c’était abandonnez le bateau, parce que j’étais juste là. Et je lui ai dit, j’ai demandé la permission de lui parler, et l’un des officiers a dit non, et j’ai dit, bon, vous ne pouvez pas m’empêcher de vouloir approcher le capitaine. Alors il était juste là sur le gaillard d’avant juste devant moi parce que, juste entre temps, on avait fait monter tout le monde avec leurs gilets de sauvetage et tout ça ; on avait mis nos radeaux Carley à l’eau, qui étaient censés être attachés, pas détachés.

En tous cas, je suis allé vers lui et j’ai dit, mon commandant, on est bien échoués et il a dit oui. Et j’ai dit, on est itact. Et il a dit oui. Et j’ai dit, on est solide sur le récif, et il a dit oui. J’ai dit, bon, avec la marée qui s’en va de la manière dont c’est là, c’est du suicide d’abandonner le bateau. Et il m’a regardé et il a dit ignorez cet ordre ; et il l’a annoncé et on l’a hurlé et il a dit, faites revenir ces hommes.

Bon, je suis allé dehors là où je devais me trouver et on a commencé à remonter quelques radeaux Carley. Mais certains étaient partis et ils avaient été enlevés par la mer. D’autres se sont retrouvés sur cette île, Videy Island. Et les fermiers islandais sur cette île, ils pouvaient entendre tout le bruit de la vapeur qui se dégageait et des alarmes qui se déclenchaient. Alors ils ont commencé à patrouiller dans l’île. Et ils ont retrouvé quelques uns des gens qui avaient réussis à atteindre l’île, les ont pris chez eux et se sont occupés d’eux. Mais un quinzaine de personnes sont mortes de froid cette nuit-là. Ils ont été enterrés en Islande dans le cimetière de Forsberg. Les islandais se sont toujours occupés des sépultures et tout, mettent des fleurs dessus et tout récemment ils ont trouvé une des ancres de notre bateau et ils l’ont érigée sur Videy Island et ont construit un monument à la mémoire du Skeena.