En 2010, le Projet Mémoire s’est entretenu avec William Earl Wells, ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement et la transcription qui suivent proviennent de cet entretien. Né le 6 juillet 1918 à Hoosier, Saskatchewan, William Earl Wells s’est enrôlé comme soldat dans l’Armée canadienne le 8 novembre 1941 à 23 ans. Affecté au Corps royal de l’intendance de l’Armée canadienne, division du ravitaillement, il a suivi son instruction à Joliette, Québec, et au camp Borden, Ontario, avant de se rendre en Europe. Dans son témoignage, il décrit l’atterrissage à Juno Beach sept jours après le jour J et le périple de son unité à travers Bayeux, Caen, le corridor de Falaise et finalement les Pays-Bas. Il raconte également avoir été grièvement blessé alors qu’il se trouvait sur une moto en tête du convoi de camions. Après la fin de son service en 1946, il s’est installé à Calgary, Alberta, où il est décédé le 5 janvier 2013.
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Transcription
Nous sommes montés sur des bateaux et nous avons dû rester là de sept à neuf jours, je ne sais plus. Nous avons débarqué les premiers puisque nous étions dans le peloton no 1. J’étais avec le caporal Andy Campbell et un autre jeune dans le camion de tête. Le jeune était en quelque sorte le mécanicien du peloton, il s’appelait Billy Smith. On nous a informés que nous étions sortis du bateau. Nous avions suivi une longue instruction en Angleterre où nous avions appris à manœuvrer un camion en eaux profondes, mais ce n’était jamais arrivé. J’avais un camion de trois tonnes et nous étions tous surchargés à cause des fournitures que nous devions acheminer. Puis nous avons atteint un creux ou quelque chose du genre dans le fond de la Manche, et je me suis retrouvé à baigner dans l’eau. Billy s’est levé et m’a demandé si j’avais le pied sur l’accélérateur. J’ai répondu que j’avais même les deux pieds dessus. Après avoir débarqué à Juno [Beach en Normandie], nous avons rapidement pénétré dans la ville française voisine sous le couvert de la nuit. Nous avons dû nous désimperméabiliser et nous préparer à avancer, car les troupes aéroportées étaient déjà dans la région, au milieu de tous les chars et autres équipements [sur] la plage. Après Bayeux, nous sommes restés postés longtemps, car il a fallu beaucoup de temps pour traverser Caen et le corridor de Falaise. La traversée a été difficile. Une fois arrivés aux Pays-Bas, nous avions certains endroits où nous pouvions baisser la garde, même si ça demeurait généralement dangereux. Chaque section comptait sept camions, je crois, et nous étions environ sept sections. Tout le monde travaillait bien ensemble : j’étais sur une moto, les caporaux de chaque section étaient sur une moto et le caporal suppléant conduisait le premier camion de chaque section. Les autres suivaient derrière. Nous faisions la navette entre le devant et le derrière du convoi histoire de le guider. Ceux qui étaient en avant prenaient le virage, renversaient la moto et faisaient signe au convoi de passer. Après les derniers camions, ils reprenaient la moto et retournaient à l’avant pour le prochain virage. Je suis passé devant un camion, celui de Porky Connelly, qui venait de l’Est. Il n’y avait pas beaucoup de lumière. Je ne sais pas du tout ce qui s’est passé. Je me suis retrouvé huit ou neuf heures plus tard à l’hôpital. On m’a ramené à la maison et envoyé en Angleterre, et j’avais tellement mal que je n’étais plus l’ombre de moi-même. Je n’ai jamais su ce qui m’a heurté, mais nous pensons que c’était une balle de fusil, car elle a traversé le réservoir d’essence. J’étais sur une Norton [moto britannique]. Mes deux jambes ont été épargnées. On a gardé la moto jusqu’à ce que je me rétablisse après cinq ou six jours à l’hôpital. On voulait que je voie le trou. C’était juste du métal, au moins. J’ai donc eu beaucoup de chance de ne pas avoir été atteint plus gravement. Nous étions ensemble depuis si longtemps, Don Cummings, Elmer Bergel et le major dont j’oublie le nom. Nous étions soudés les uns aux autres. Je ne sais pas combien d’hommes il y avait là-dedans, je ne les ai jamais comptés, mais il devait y en avoir peut-être 150 ou même 200. Nous devenions très proches. Beaucoup d’entre eux étaient juste des amis tandis que d’autres faisaient partie de la famille.