William Thomas "Bill" Jepps (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

William Thomas "Bill" Jepps (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

William Jepps a servi à bord du NCSM Glace Bay pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


W. Jepps
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Équipage du HMCS Glace Bay, le 20 juin 1945.
W. Jepps
William Jepps
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William Jepps, mai 1944.
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W. Jepps
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Couteau de l'armée navale qui a une lame et une pointe Marlin pour l'épissure, mars 1944.
W. Jepps
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Photo provenant d'un article de journal, montrant William Jepps présentant un portrait de lui-même quand il avait 17 ans.
W. Jepps
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Ruban commémoratif du HMCS Glace Bay pour le jour de la Victoire.
W. Jepps
Le capitaine s’est emparé d’un mégaphone pour nous dire en hurlant que le sous-marin sur lequel on larguait des grenades remontait à la surface.

Transcription

J’ai prêté serment en tant que membre du personnel naval dans la Réserve de volontaires de la Marine royale du Canada. Mon numéro de série était V82458. J’ai eu une semaine libre avant que nous soyons appelés sous les drapeaux. Un ami, dont je me souviens toujours du nom, m’a en quelque sorte pris sous son aile parce que j’étais plutôt novice pour ce qui est des grandes villes. Il s’appelait Tom Anderson. Nous avons passé une semaine à Montréal parce que nous n’avions pas assez de temps pour faire l’aller-retour jusqu’en Alberta. Nous avons été logés dans une caserne de l’armée, de l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, et c’est là que nous avons vécu jusqu’à nouvel ordre. Ensuite, nous avons été expédiés de nouveau, cette fois vers Québec.

À Québec, on finissait de souder la toute nouvelle frégate, baptisée NCSM Glace Bay. Nous étions une sorte d’équipage réduit et nous sommes montés à bord en attendant que de nouvelles recrues viennent compléter l’effectif du navire. Lorsque le navire a été complété, munitionné et approvisionné, nous avons descendu le Saint-Laurent, et c’est là que j’ai eu le mal de mer pour la première fois. Je savais ce que c’était que d’avoir le mal de mer. C’est vraiment terrible. Je ne voulais pas que quelqu’un me voie malade comme ça, alors je me suis dirigé vers les latrines. Sur mon chemin, j’ai vu tout un tas de matelots se pencher sur le rail et vomir dans le Saint-Laurent. Je ne me sentais donc pas seul.

Nous avons continué à descendre le Saint-Laurent jusqu’à la ville de Glace Bay en Nouvelle-Écosse. On a organisé là-bas une grande fête pour nous parce que, bien sûr, nous avions été nommés d’après leur ville. On nous a invités à un repas et on nous a souhaité bonne chance. Nous avons passé la nuit là-bas et, de là, nous nous sommes rendus dans le port d’Halifax.

Le moment est venu de quitter Halifax. Le navire était amarré à la jetée et, bien sûr, il était attaché à deux voire trois cordes de profondeur en chaque point. Il y avait des amarres de poste et des amarres de proue attachées à la jetée. Les amarres de poste vont de la poupe du navire vers l’avant et les amarres de proue vont de la proue du navire à la poupe : ils se croisent de manière à ce que le navire n’aille pas d’avant en arrière. Les amarres de proue, ce sont aussi les amarres courtes qui vont de la proue à la jetée et de la poupe à la jetée et qui empêchent le bateau de s’éloigner. Lorsque le temps est venu pour le navire d’activer les deux hélices, sur le Glace Bay, on nous a envoyés, moi et un autre matelot, sur la jetée, le long de la passerelle, pour aller chercher l’amarre de poste à l’arrière. C’était une grosse corde lourde, probablement d’un pouce et quart, un pouce et demi. Il a fallu deux hommes pour l’enlever. Il y avait une grande boucle à l’extrémité pour qu’on puisse l’enrouler autour d’une borne.

Nous rapportions donc la corde et il y avait deux matelots sur la demi-dunette qui l’enroulaient sur un tambour, avec une manivelle de chaque côté. Ça donne une idée de la lourdeur! Ils l’enroulaient alors que nous revenions avec la corde. J’ai dit à l’autre matelot que je me demandais ce qui se passerait si nous la laissions tomber dans l’eau juste entre le navire et la jetée, à peu près à mi-chemin. Il a répondu : « Eh bien, voyons voir! » Nous avons donc lâché la grosse corde et, bien sûr, l’hélice l’a immédiatement attrapée et l’a enroulée autour de son arbre. Le tambour a reculé : si les matelots avaient eu le bras là-dedans, il aurait été fracturé par le mouvement brusque vers l’arrière. Le lendemain, on a dû tirer le navire avec un remorqueur, le retourner, le ramener et l’amarrer à nouveau, et c’est la première fois que j’ai vu un plongeur couper une corde sous l’eau. Nous avons eu un congé de dernière minute ce soir-là pour explorer un peu Halifax à cause de notre stupidité. Nous sommes rapidement montés à bord du navire, si bien que personne n’a jamais su qui avait fait ça.

Quoi qu’il en soit, le lendemain, nous avons pris la mer avec un navire jumeau. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à organiser des convois avec une autre frégate et trois corvettes, que nous escortions jusqu’à l’est à Londonderry, en Irlande. C’est donc en Irlande que nous nous sommes retrouvés après la dispersion du convoi. Pendant les derniers moments de la guerre, la menace sous-marine était à peu près écartée, depuis 1943 en fait, mais on nous appelait presque toutes les nuits pour effrayer les sous-marins qui s’approchaient. On m’a dit que tous les skippers allemands expérimentés avaient été coulés à ce moment-là et que certains de ces nouveaux skippers étaient beaucoup plus frileux, je crois. Il y avait moins de sous-marins aussi, je suppose.

Je pense que nous avons fait quand même quatre voyages aller-retour sur l’Atlantique. C’était intéressant, c’était une grande famille heureuse et c’était la belle vie. Une fois, je crois que c’était en mer d’Irlande, l’opérateur du système de la Commission commune franco-britannique de lutte anti-sous-marine a détecté un sous-marin en mer d’Irlande et nous avons décidé de l’attaquer en larguant des charges sur lui. Nous avions dix charges, trois sur les rails de la poupe et deux de chaque côté, qui forment une sorte de carré lorsqu’elles touchent l’eau et coulent. Elles ont explosé à l’endroit choisi. Les réglages de profondeur d’explosion allaient d’environ 15 mètres à environ 215 mètres.

Nous avons lancé trois vagues de ces charges, puis nous sommes devenus le navire principal de notre groupe. Nous avons été appelés à former un convoi pour retourner à Halifax, New York, Boston et partout où allaient les autres. Nous devions donc partir. Nous n’étions pas très loin quand le capitaine a pris la parole sur le haut-parleur et a dit que le sous-marin sur lequel nous avions largué des charges arrivait. Le sous-marin est remonté et il y avait quatre autres navires plus petits, ils ont sorti 57 survivants de ce sous-marin et il a coulé. Nous l’avons suffisamment abîmé pour qu’il coule ou ils l’ont simplement remonté et sabordé et ont fait monter ces 57 survivants allemands à bord de leur navire.

Je n’ai pas vraiment eu de pitié. Je redouterais d’être à bord d’un sous-marin.