Musicanada, « Présence de la musique canadienne contemporaine / A presentation of Canadian contemporary music », est le premier festival de musique classique canadienne d’envergure en Europe. Il s’est tenu du 4 au 17 novembre 1977 sous l’égide du ministère des Affaires extérieures et du Conseil des arts du Canada. Quarante et une œuvres de trente‑deux compositeurs y sont exécutées par des ensembles canadiens lors de cinq concerts donnés dans la salle Gaveau à Paris et de cinq autres concerts donnés à l’église St. John’s du Smith Square à Londres. En outre, l’Orchestre symphonique de la British Broadcasting Corporation (BBC) et le Nouvel Orchestre philharmonique de Paris réalisent chacun un concert dans le cadre du festival.
Programmation des concerts
Sous la direction de Serge Garant, l’Ensemble de la Société de musique contemporaine du Québec présente le Concerto de chambre pour alto et 10 exécutants de Brian Cherney, Rivages de Serge Garant, Madrigal IV de Bruce Mather, Images de Steven et Solstices de Gilles Tremblay. Le Quintette à vent du Québec fait ses débuts européens en interprétant Genesis de Micheline Coulombe Saint-Marcoux, Quintette, op 13 de Jacques Hétu, Quintette de Jones, Eine Kleine Bläsermusik de Bruce Mather et Fantaisie de Jean Papineau-Couture.
Elmer Iseler dirige les Festival Singers dans des pièces d’István Anhalt (Cento), de Clifford Ford (Mass), de Bruce Mather (La Lune mince...), de Jean Papineau-Couture (Viole d’amour), d’André Prévost (Soleils couchants), de Harry Somers (Five Songs of the Newfoundland Outports) et de Claude Vivier (Jesus erbarme dich). Le Quatuor à cordes Orford exécute Graphic II de Harry Freedman, Suite hébraïque no 3 de Srul Irving Glick, et des pièces pour quatuor de Clermont Pépin, R. Murray Schafer et J. Kerr Wilson.
Enfin, le Canadian Brass présente des œuvres de John Beckwith (Taking a Stand), de Morley Calvert (Suite des collines montérégiennes), de Lawrence Crosley (The Days Before Yesterday), de Malcolm D. Forsyth (The Golyardes' Grounde), de Sydney Hodkinson (…another man's Poison), de William McCauley (Miniature Overture), de Ben McPeek (Ragtime for Brass), de François Morel (Quintette), de Eldon Rathburn (The Nomadic Five) et de John Weinzweig (Pieces of Five).
On donne également deux autres concerts : l’un offert par l’Orchestre symphonique de la British Broadcasting Corporation(BBC) à l’église St. John’s et l’autre, par le Nouvel Orchestre philharmonique de Paris dans le Grand auditorium de la Maison de Radio France. Le premier ensemble, dirigé par Mario Bernardi, exécute Spiral de Robert Aitken, Improvvisazioni Concertanti no 2 de Norma Beecroft, Tapestry de Harry Freedman, le Concerto pour piano et orchestre, op. 15 de Jacques Hétu avec le soliste Robert Silverman et Son of Heldenleben de R. Murray Schafer. Quant au Nouvel Orchestre philharmonique, il est placé sous la direction de Pierre Hétu pour Symphonie no 3 de Jacques Hétu, Concerto pour deux pianos et orchestre de Roger Matton avec les duettistes Victor Bouchard et Renée Morisset, Fantasmes de André Prévost, puis sous la direction de Gilles Tremblay pour ses propres Jeux de solstices.
Critique
Opération « de grande envergure,... originale... et efficace » (Le Nouvel Observateur, 21‑27 novembre 1977), Musicanada contribue largement à mieux faire connaître la musique classique canadienne en France et en Angleterre. Une assistance, généralement peu nombreuse mais constamment attentive, accueille avec intérêt les nombreuses œuvres présentées et apprécie particulièrement la qualité de l’exécution.
Il semble que la musique canadienne contemporaine ait surtout été perçue comme le reflet d’un milieu artistique créateur et libéral, milieu marqué davantage par les personnalités individuelles des compositeurs que par la préoccupation d’un style et d’une pensée caractéristiques d’une école nationale. C’est du moins ce que révèlent les réactions des critiques, tels Maurice Fleuret qui déclare (dans Le Nouvel Observateur) : « Il n’y a pas au Canada de patrimoine musical savant, mais c’est ce manque, précisément, qui donne aux créateurs plus de liberté. » Dans le même ordre d’idée, Gérard Condé écrit dans Le Monde (19 novembre 1977) : « Ni à l’avant‑garde ni épigonale pour autant, ces quatuors [et] symphonies [...] ont affirmé la vitalité d’une activité musicale contemporaine sans laisser toujours l’impression qu’il [y] ait là une école ou un langage bien définissable. » Cette opinion est aussi partagée par Joan Chissell qui écrit dans le Times (10 novembre 1977) : « Le nationalisme en musique est périmé... aucun trait spécifiquement canadien ne s’est manifesté. »