Le Festival de Stratford (autref. le Stratford Shakespearean Festival [1953‑1957], le Stratford Festival [1957‑1999], le Stratford Festival of Canada [2000‑2008] et le Stratford Shakespeare Festival [2008-2012]), aussi connu sous son nom anglais The Stratford Festival, est un festival annuel de théâtre de répertoire. Établi à Stratford (Ontario) en 1953, il a été fondé par Tom Patterson afin de « promouvoir l’intérêt et l’étude des arts en général et de la littérature, du théâtre et de la musique en particulier ».
Depuis ses débuts, le Festival est orienté surtout vers des versions révisées des pièces de Shakespeare. Cependant, la musique joue un second rôle d’importance, soit pour créer l’atmosphère des scènes, soit pour offrir d’autres types de spectacles aux visiteurs. Les directeurs musicaux du Festival (Louis Applebaum, Leonard Rose, Oscar Shumsky, Glenn Gould, Victor Di Bello, Andrée Gingras, Raffi Armenian, Berthold Carrière et Rick Fox) créent des spectacles musicaux à la manière de Broadway, des opérettes et des concerts mémorables à partir de ce qui a été décrit comme la part du parent pauvre du budget du Festival.
L’orchestre résident du Festival comprend de 20 à 40 musiciens et existe depuis 1956. Il offre des séries de concerts et fournit la musique de scène pour les productions du Festival.
Directeurs artistiques
Le Festival de Stratford a pour directeur artistique Cecil Clarke (1954‑1955); Tyrone Guthrie (1953‑1955); Michael Langham (1956‑1967); Jean Gascon (1968‑1974); Robin Phillips (1975‑1980); John Hirsch (1981‑1985); John Neville (1986‑1989); David William (1990‑1993); Richard Monette (1994‑2007) et Des McAnuff, à partir de 2007, avec Marti Maraden et Don Shipley (2008‑2009). Enfin, Antoni Cimolino est nommé directeur en 2012. En juillet 2015, le conseil administratif du Festival prolonge le mandat d’Antoni Cimolino jusqu’en 2022 en raison d’une hausse de l’excédent d’exploitation et de l’achalandage à l’événement annuel durant son service.
Le Festival de 1953 à 1957
La musique est présente à Stratford dès 1953, sous la direction de Louis Applebaum. Seize concerts d’après‑midi, peu fréquentés, sont alors donnés dans un théâtre sous la tente de 1147 places. En 1954, le seul concert présenté est celui des Elizabethan Singers de Stratford, en Ontario. Cependant, avec le transfert des activités au Concert Hall de 950 sièges (une salle de badminton réaménagée) en 1955, le Festival lance ce qu’on appelle « la saison musicale inaugurale », pendant laquelle on présente L’Histoire du soldat de Stravinsky et des concerts de Lois Marshall, d’Isaac Stern, d’Elizabeth Schwarzkopf, de l’Orchestre Hart House et du Festival Chorus (nommé plus tard Festival Singers).
La saison 1956 met à l’affiche une production de The Rape of Lucretia de Britten avec Jon Vickers, des concerts par le Festival Orchestra, le Festival Chorus et divers solistes. Elle ouvre une série de trois années pendant lesquelles des programmes de jazz incluent notamment un concert d’Oscar Peterson en 1956 (enregistré sur Verve MGV‑8024) et deux exécutions par Duke Ellington. En 1957, on présente un autre concert de Duke Ellington – une interprétation de sa suite shakespearienne comprenant Such Sweet Thunder radiodiffusée par la CBC –, une interprétation de The Turn of the Screw de Britten (1957) par l’English Opera Group, et un concert de l’Orchestre symphonique de la SRC.
Le Festival de 1957 à 1979
Les saisons suivantes présentent une performance de l’orchestre Duke Ellington pour la princesse Margaret le 31 juillet 1958, des productions de The Beggar’s Opera (1958) et d’Orpheus in the Underworld (1959), et, fait significatif, on assiste en 1959 à la création de l’atelier d’orchestre, sous la direction d’éminents chambristes, en vue d’attirer et de retenir sur place les instrumentistes qui formeront le National Festival Orchestra. (Des classes de perfectionnement, plus tard indépendantes de l’atelier d’orchestre, sont tenues jusqu’en 1969 puis reprises en 1971.)
En 1960, des concerts ont lieu pour la première fois au Festival Theatre, avec notamment un opéra Gilbert et Sullivan, H.M.S. Pinafore (1960). Les concerts de musique de chambre du samedi matin, inaugurés en 1960, passent de trois à huit par saison. Une Conférence internationale des compositeurs et un Congrès international d’instrumentistes à cordes ont également lieu en 1960.
En 1961, deux éminents musiciens américains, instructeurs à l’atelier d’orchestre, le violoncelliste Leonard Rose et le violoniste Oscar Shumsky, sont nommés avec Glenn Gould (invité régulier à Stratford depuis 1953) membres d’un triumvirat directorial qui succède à Applebaum. Les saisons Rose‑Shumsky‑Gould (1961‑1964) et les trois suivantes sous la seule direction de Shumsky (1965‑1967) sont dominées par les concerts des trois instrumentistes, seuls ou réunis, de même que par l’expansion continue de la série de concerts du festival et l’établissement de l’atelier de chant choral (1963‑1965) dirigé par Elmer Iseler.
En 1964, le théâtre Avon vient d’être rénové et accueille The Yeomen of the Guard de Gilbert et Sullivan (1964). Les productions d’opéra se sont poursuivies jusqu’à ce que l’on les considère outrageusement dispendieuses. Celles‑ci comprennent Les Noces de Figaro (1964, 1965), Don Giovanni (1966) et Così fan tutte (1967) de Mozart, The Rise and Fall of the City of Mahagonny de Weill (1965), Albert Herring de Britten (1967), Cendrillon (La Cenerentola) de Rossini (1968) et An English Lesson de Gabriel Charpentier (1968).
En 1969, seconde des deux années de Victor Di Bello comme directeur de la musique, les concerts intimes se multiplient et les présentations d’opéras complets disparaissent. Après 1969, sous la direction d’Andrée Gingras (1970‑1973) et de Raffi Armenian (1973‑1976), les concerts sont de moins en moins nombreux mais plus diversifiés; ils présentent des instrumentistes de jazz et les meilleurs musiciens traditionnels canadiens, en plus des programmes de musique de chambre et des récitals. Le Stratford Festival Ensemble (Canadian Chamber Ensemble), fondé et dirigé par Raffi Armenian, se produit régulièrement de 1974 à 1976.
Des programmes d’un genre inusité reçoivent un accueil plutôt mitigé. La série « Music at Midnight » (auj. « Night Music »), qui présente des concerts impromptus de musiciens invités au festival et des concerts de musique de chambre par des membres de l’orchestre résident du festival, remporte un vif succès à la Rothman Art Gallery (1969‑1976). Cependant, « Music for a Summer Day », remarquable minifestival qui dure une journée complète (1972), est répété en 1973, puis abandonné. Sans que les productions lyriques importantes reprennent, le Third Stage (la même salle de badminton complètement réaménagée de nouveau) accueille en 1971 des productions d’opéra de chambre de caractère surtout expérimental : Patria II : Requiems for the Party Girl de R. Murray Schafer (1972), Orpheus de Gabriel Charpentier (1972), Exiles de Raymond et Beverly Pannell (1973, une commande du festival), The Summoning of Everyman de Charles Wilson (1974), The Medium de Gian‑Carlo Menotti (1974), The Fool de Harry Somers (1975), Le Magicien de Jean Vallerand (1975) et Ariadne auf Naxos de Richard Strauss (1975).
En 1976, Berthold Carrière est nommé directeur musical du Festival de Stratford, poste qu’il occupe jusqu’en 1983 et qu’il reprend de 1985 à 2007. Aucune production n’est montée en 1976 ni l’année suivante. De fait, le programme musical de 1977 se limite à six concerts de musique populaire. La saison 1978, un peu plus substantielle, inclut un gala d’ouverture auquel participent des artistes de la Compagnie d’opéra canadienne et du Ballet national du Canada, une production au Third Stage de Candide de Bernstein avec Caralyn Tomlin, Ed Evanko et Andrea Martin, des concerts de Liona Boyd, Oscar Peterson, Louis et Gino Quilico, Bruce Cockburn et Dan Hill. La saison 1979 comporte la comédie musicale Happy New Year (musique de Cole Porter, adaptation de Burt Shevelove), des concerts de jazz par le Gary Burton Quartet, Dizzy Gillespie, la Preservation Jazz Band et Sarah Vaughan, des concerts de Valdy et de Kate et Anna McGarrigle.
Le Festival de 1980 à 1999
Le Stratford Youth Choir donne trois concerts lors du festival de 1980 et assure la partie du chœur dans une production de The Beggar’s Opera. Il cesse ses activités en 1980.
Au début des années 1980, les concerts réguliers présentent surtout des artistes de musique populaire, jazz et folklorique, notamment Oscar Peterson, Bruce Cockburn, Roberta Flack, Ella Fitzgerald, Dave Brubeck, Judy Collins, Liona Boyd, Ann Mortifee et les Nylons. Une série d’ateliers tenus à midi et à minuit est donnée par des musiciens du festival en 1985, et une série de concerts informels est présentée à partir de 1987.
En 1981, le festival crée une série innovatrice de productions des œuvres de Gilbert et Sullivan dirigées par Brian Macdonald, sous la direction musicale de Berthold Carrière, atteignant son point culminant avec les productions de The Mikado, d’Iolanthe et de The Gondoliers en 1984. The Mikado fait des tournées en Grande‑Bretagne et à New York et récolte des critiques favorables. Ces productions sont diffusées à la télévision de la CBC (réalisées et produites par Norman Campbell) et diffusées par la suite en vidéocassettes par Home Vision. Un documentaire présentant les meilleurs moments des spectacles et de la tournée, Musical Magic : Gilbert and Sullivan in Stratford, est réalisé par l’Office national du film. La production de Pirates of Penzance en 1985 est la dernière de cette série, puisque John Neville, nouveau directeur artistique, décide de monter plutôt des comédies musicales de Broadway, dont Cabaret (1987), My Fair Lady (1988), Kiss Me Kate (1989), Guys and Dolls (1990) et Carousel (1991).
D’autres programmes lyriques sont réintroduits en 1990 avec des interprétations de Peter Maxwell Davies dans Eight Songs for a Mad King ainsi que du baryton Thomas Goertz et de la mezzo‑soprano Fides Kruker dans Miss Donnithorne's Maggot. Les comédies musicales de Broadway saluées unanimement par la critique sont cependant devenues l’essentiel de la programmation musicale du Festival de Stratford, et c’est ce qui permet à Neville, lorsqu’il prend sa retraite en 1989, de laisser à son successeur, David Williams, une organisation solvable. En 1991, le succès des comédies musicales dépasse celui des pièces de Shakespeare de la troupe et le critique Jamie Portman du Montreal Gazette écrit : « Durant son mandat en tant que directeur artistique, John Neville a exprimé publiquement son inquiétude face à la dépendance grandissante du festival envers les grandes comédies musicales de Broadway. Il a déploré qu’une nouvelle génération d’amateurs de théâtre perçoive d’abord le festival comme un endroit où assister à des comédies musicales plutôt que comme le principal bastion canadien‑anglais du théâtre classique. Ces craintes sont encore plus fondées aujourd’hui. »
Le Festival de 2000 à 2008
Malgré tout, les comédies musicales de Broadway demeurent présentes et rentables. Sous la direction artistique de Richard Monette, le Festival présente des productions réussies, notamment Dracula de Richard Ouzounian et Marek Norman (pour laquelle 44 000 billets ont été vendus et qui est retransmise par la CBC), Fiddler on the Roof (162 000 entrées en 2000) et Guys and Dolls (12 représentations ajoutées en 2004). En 2005, le Festival produit Hello, Dolly!, la première reprise du spectacle ailleurs qu’à Broadway par une compagnie professionnelle. Ses autres réussites sont Gypsy (1993), The Music Man (1996, 2008), The Sound of Music (2001), My Fair Lady (2002), The Threepenny Opera (2002), The King and I (2003) et Oklahoma! (2007).
Le Festival de 2008 à 2012
En nommant Des McAnuff directeur artistique en 2007, le Festival se recentre sur le théâtre classique. L’avenir du spectacle musical à Stratford semble remis en question, mais Des McAnuff rassure le public : « Je crois ardemment que les comédies musicales sont partie intégrante du répertoire classique du théâtre et qu’elles méritent d’être traitées avec grand respect. » On note parmi les spectacles musicaux présentés depuis 2007 : Cabaret (2008), Evita (2010), une production encensée par la critique de Jesus Christ Superstar (2011) et 42nd Street (2012).
Même s’ils sont moins nombreux, les concerts de musique classique, de jazz et de folk sont toujours présents au Festival. Le théâtre de 1 838 places du Festival et le théâtre Avon de 1 083 places sont les principales scènes occupées par les grandes productions, tandis que le Studio Theatre de 260 places, construit en 2002, est le nid des concerts ateliers et de la série « Night Music ». Des concerts y sont donnés par Cynthia Dale, Mike Murley, les Festival Youth Singers, le Festival City Big Band et le Niagara Vocal Ensemble.
Berthold Carrière, qui est le directeur musical à être resté le plus longtemps en poste, prend sa retraite en 2007 et est remplacé par Rick Fox.
Compositions
De la musique de scène pour les productions dramatiques de Stratford est commandée à divers compositeurs et exécutée par le Stratford Festival Theatre Orchestra, l’effectif variant selon les besoins. Louis Applebaum écrit les partitions de plus de 75 productions de 1953 à 1999. Berthold Carrière, plus de 80 de 1975 à 2007, et Gabriel Charpentier, quelque 17 de 1963 à 1981. John Cook, organiste et compositeur établi à London, en Ontario, de 1954 à 1962, compose durant ces années la musique de plus de 10 pièces.
Parmi les autres compositeurs de musique de scène ayant travaillé pour le Festival figurent Cedric Thorpe Davie (1954‑1955), Harry Somers (1960‑1983), Duke Ellington (1963), Godfrey Ridout (1964), Raymond Pannell (1967‑1969, 1973, 1983), Stanley Silverman (1967‑1970, 1982‑1983, 1989, 1992), Alan Laing (1967, 1972‑1975, 1986‑1989, 1996), Harry Freedman (1971, 1975), Pierre Philippe (1971), Norman Symonds (1979‑1981), Bruce Ruddell (1986), Charles et John Gray (1986), Allan Rae (1987), Gary Kulesha (1986‑1987), Lucio Agostini (1987), André Gagnon (1987‑1988), Laura Burton (1989), Michael Conway Baker (1989), Greg Coffin (2003), Stephen Woodjetts (2003), Michael Vieira (2004), Marc Désormeaux (2005), Keith Thomas (2005) et Bert Wrede (2008).
Des œuvres pour concerts sont commandées à Serge Garant, Bruce Mather, Gabriel Charpentier et Steven Gellman, et toutes sont créées aux concerts de musique de chambre du samedi matin en 1968. Des compositions de John Hawkins, Brian Cherney et Gilles Tremblay sont créées en 1969. En vue de rendre le Festival de Stratford plus populaire, on commande des chansons et de la musique de scène à Loreena McKennitt (pour Merchant of Venice – Le marchand de Venise, 2001), au groupe Barenaked Ladies (pour As You Like It – Comme il vous plaira, 2005) et à Des McAnuff et Michael Roth (pour Twelfth Night – La nuit des rois, 2011).
Voir aussi :Stratford et Festival de Stratford.
Discographie (sélection)
Live from the 1956 Stratford Festival (1989). Music & Arts CD‑616 (Duke Ellington, piano; Clark Terry, trompette; Harry Carney, clarinette; Ray Nance, trompette; Johnny Hodges, saxophone). 1989. Music & Arts CD‑616.
Oscar Peterson Trio at the Stratford Shakespearean Festival (1993). Verve Records 314 513 752‑2.
The Billie Holiday Set: A Midsummer Night’s Jazz at Stratford ’57 (1999). Baldwin Street Music BJH 308.
Fanfare: The Stratford Music of Louis Applebaum (2000). Marquis Classics MAR 7747 181269 2 4.
Barenaked Ladies, As You Like It (2005). Desperation Records 0 6700 32136 2 2.