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Musique de chambre - Composition

Musique de chambre - Composition. Le terme s'applique aux oeuvres comprenant deux à douze parties environ, à raison d'un interprète par partie.
Le terme s'applique aux oeuvres comprenant deux à douze parties environ, à raison d'un interprète par partie. Son acception plus ancienne, signifiant l'exécution musicale destinée au seul plaisir des interprètes et de quelques auditeurs cultivés, peut sembler anachronique mais il est possible d'en trouver des exemples dans des villes canadiennes à partir du milieu du XVIIIe siècle. Ces références anciennes démontrent cependant que ces activités s'appuyèrent sur la littérature européenne existante sans rien y apporter de nouveau. Au Canada, les compositeurs de la période comprise entre 1750 et 1850 cultivèrent plutôt d'autres genres : oeuvres pour le concert, le salon, l'église, la scène et les défilés. On ne connaît pas d'équivalent canadien à cette époque de Johann Friedrich Peter, le talentueux compositeur de quintettes à cordes en Pennsylvanie au XVIIIe siècle. Si la composition de musique de chambre a été lente à s'affirmer, ses premières manifestations canadiennes (premières décennies du XXe siècle) s'inscrivent dans un cadre foncièrement conservateur. Les compositeurs semblent déterminés à maintenir les idéaux classiques, se limitant à une interprétation « académique » de Mozart et de Beethoven comparable à celle que l'on trouve dans les oeuvres de Daniel Gregory Mason aux É.-U., le mouvement Cobbett en Angleterre et le milieu de la Schola cantorum en France. Le Trio de Contant (1907), le Quatuor à cordes de MacMillan (1914) de même que le Quatuor (1920) et le Trio (1921-22) de Rodolphe Mathieu peuvent être considérés avec justesse comme « académiques », non pas dans un sens péjoratif, mais à cause de leur conception raisonnée et idéalisée des formes classiques de musique de chambre qu'ils représentent.

Ainsi, l'oeuvre de MacMillan est remarquable par sa riche texture et sa forme en quatre mouvements organisés avec sûreté, dont un scherzo de facture élégante et classique ainsi qu'une introduction lente et dense précédant un vigoureux finale. Le Trio de Mathieu révèle toutefois les symptômes d'une approche moins orthodoxe : les trois mouvements portent des titres (« Discussion », « Réflexion », « Pantomime ») et, malgré les composantes conventionnelles, on trouve de fréquents rapports dramatiques entre les trois instruments et une tension issue d'étonnantes dissonances, souvent non résolues. Les titres et le maintien délibéré d'une tension dissonante sont autant de caractéristiques qui, fait curieux, rapprochent davantage Mathieu d'une figure indépendante du Nouveau Monde comme Ives que de son professeur de composition, Vincent d'Indy. La publication et l'interprétation du Trio op 11 d'Edward Manning en 1989 a mis en valeur une oeuvre négligée du tournant du siècle, affichant des idées thématiques frappantes et une structure en trois mouvement bien réalisée et conforme à des modèles tels que Brahms ou Dvořák.

Ces oeuvres du début du XXe siècle ont été reprises, et dans certains cas enregistrées, constituant d'intéressantes assises de la production canadienne de musique de chambre. Bien qu'elles ne soient pas les seuls exemples de ce style avant 1930, le catalogue en est notoirement restreint. Lavallée aurait composé deux quatuors à cordes et un trio, et J.P. Clarke« quelques trios et quatuors de chambre » - mais les partitions ne nous sont pas parvenues. Le Quintette en fa de George F. Graham (joué à Toronto en 1858) et le Trio à cordes d'A.E. Fisher (qui aurait été exécuté à Toronto en 1888) connurent un sort identique. La Fantaisie-Sonate pour flûte et quintette à cordes écrite par Dessane en 1858 a survécu et a été reprise à l'époque moderne. Couture et W.O. Forsyth manifestèrent peu d'intérêt pour la musique de chambre, s'en tenant chacun à un quatuor à cordes, écrit dans leur jeunesse, et Lucas ne s'y arrêta pas du tout. Il convient d'ajouter que l'oeuvre de Couture, le Quatuor-fugue, fut exécutée et publiée à Paris en 1875 et y a été jouée en 1876. Von Kunits, compositeur-violoniste, et Leo Smith, compositeur-violoncelliste, produisirent chacun un nombre limité de pièces : le Quatuor à cordes de jeunesse de von Kunits, avant son immigration au Canada (1890), a révélé de charmantes qualités lors de sa reprise, tandis que le Quatuor en ré de Smith (1932) figure comme l'oeuvre aux dimensions les plus importantes dans une assez longue liste d'oeuvres originales et d'arrangements. (Les oeuvres de MacMillan, Contant, Mathieu, Manning, Couture, von Kunits et Smith mentionnées ci-dessus ont été réimprimées dans divers volumes du PMC).

La contribution de Willan paraît caractéristique de l'époque. La musique de chambre constitue une part mineure de son oeuvre. Il confia à des élèves à quel point le quatuor à cordes lui semblait difficile et il ne compléta jamais une oeuvre dans cette forme, bien qu'il existe plusieurs fragments (la reconstitution de l'une d'elle par F.R.C. Clarke, Introduction and Allegro, fut créée en 1984). Le Trio en si mineur (1907), écrit avant sa venue au Canada, fit partie d'un programme entièrement consacré à ses oeuvres à Toronto en 1916.

Les prix E.W. Beatty des festivals du CP et ceux de la CPRS, décernés à la fin des années 1920 et au cours des années 1930, attirèrent souvent l'attention sur de nouvelles compositions pour ensembles de chambre - suggérant une évolution lente mais perceptible à cette époque (voir aussi les comptes rendus de nouvelles partitions de Leo Smith dans Canadian Review of Music and Art au début des années 1940). Cette époque marqua aussi l'apogée du Quatuor à cordes Hart House, dont le répertoire ne comportait que de rares pages de musique nouvelle (des quatuors de Bloch et Honegger, le no 1 de Schoenberg, le no 1 de Bartók, des oeuvres de contemporains anglais tels Bax, Delius et Goossens) et aucune oeuvre de compositeurs canadiens, sauf des pièces brèves et légères comme Two Sketches de MacMillan (1927) et autres dérivés similaires de musique folklorique.

Le retour de Mathieu à une forme plus ambitieuse de musique de chambre avec son Quintette avec piano (1942) se distingue par son originalité et son sérieux. L'oeuvre adopte une structure abstraite et soutenue, aux assises solides et dont les deux mouvements sont intégrés par leurs relations thématiques cycliques. À cet exemple particulier et isolé d'individualité dans le répertoire canadien de musique de chambre, on peut trouver un parallèle dans une des dernières oeuvres de Claude Champagne, son Quatuor à cordes (1956), qui contient des reflets étonnants, voire audacieux, de sa connaissance de compositeurs du XXe siècle comme Schoenberg et Messiaen. On peut le considérer comme une étape déterminante de l'évolution de Champagne vers la modernité de ses dernières compositions. Il est intéressant de noter que chez Champagne (violoniste de formation), cette étape décisive allait se concrétiser par le choix d'une formation de musique de chambre consacrée, comme le quatuor à cordes.

Fait absolument nouveau, les compositeurs qui suivirent, les jeunes professionnels des années 1940, utilisèrent d'emblée les formations de musique de chambre. Firent exception les compositeurs les plus proches de Willan, notamment Fleming et Ridout qui, comme leur mentor, accordèrent apparemment peu d'attention au genre. Les autres ne se contentèrent pas de contribuer aux formations habituelles - quatuor à cordes, quintette à vent - mais allèrent plus loin, à la découverte de nouveaux groupes instrumentaux et combinaisons sonores (comme la percussion), que l'on rencontre rarement dans les partitions traditionnelles de musique de chambre.

Si ces formations conventionnelles trouvèrent à cette époque une nouvelle vitalité en même temps que des formes nouvelles, des facteurs externes tels que le développement de la radiodiffusion (véhicule naturel et pratique pour la musique de chambre) et l'augmentation du nombre d'ensembles professionnels permanents pourraient en être la cause. On trouvera ci-après un bref aperçu du répertoire canadien pour trio et quatuor à cordes, trio et quatuor avec piano, et quintette à vent.

1. Quatuor à cordes. Les plus importants compositeurs canadiens de ces dernières années sont à l'origine d'une production considérable de quatuors à cordes. Une étude de Robin Elliott (1990) cite 370 oeuvres produites par des Canadiens entre 1875 et 1990; à en juger d'après cette source et d'après les listes d'acquisitions du Centre de musique canadienne, environ 65 pièces pour quatuor datent de la décennie 1980-90. On peut citer, pour ne mentionner que quelques-unes des figures les plus importantes, Fodi et Weisgarber, avec six quatuors chacun; Morawetz, Pentland, Pépin et Schafer, avec cinq; Buczynski et Wilson, avec quatre; Cherney, Coulthard, Alain Gagnon, Prévost, Somers, Turner et Weinzweig, avec trois; et Archer, Brott, Chan, Ford, Freedman, Morel et Papineau-Couture, avec deux. Le Quatuor no 2 de Morawetz (1953-54) semble le modèle d'un discours conservateur et réfléchi d'une oeuvre de musique de chambre. Dans le Quatuor d'Otto Joachim (1956), une nouvelle sensibilité sonore et une expression musicale plus explosive s'affirment. Il est significatif que l'oeuvre ait été créée par le Quatuor à cordes de Montréal, dont Joachim était l'altiste. Une contribution exceptionnelle au plan du style est le Quatuor (1953-55) hautement contrapuntique de Glenn Gould, lequel emprunte de toute évidence sa structure en un seul long mouvement au Quatuor no 1 de Schoenberg, et son langage au quintette à cordes de Bruckner (selon le témoignage même du compositeur).

Des sentiments élégiaques et empreints de recueillement (dont la sonorité du quatuor à cordes a souvent été le véhicule) marquent des oeuvres aussi différentes que le Quatuor no 2 de Pentland (1953), le Quatuor no 3 de Weinzweig (1962) et le Quatuor no 2 de Prévost (1972, sous-titré « Ad Pacem »). L'oeuvre de Weinzweig se distingue encore par la diversité qu'elle tire d'une succession de tempos à prédominance lente utilisés dans trois de ses cinq mouvements. Le dynamique Quatuor no 3 en un mouvement de Somers (1959) est basé sur des éléments de son court opéra TheFool. Le Quatuor de William Douglas (1968) est une étude rythmique concise et exceptionnellement brillante.

Le Quatuor no 2 de Cherney (1970) utilise le mouvement théâtral, le geste silencieux et des citations d'autres musiques. Graphic II de Freedman (1972) et le Quatuor de Beckwith exigent des accords modifiés des instruments en vue d'obtenir des effets particuliers de cordes ouvertes et de sons harmoniques naturels. Graphic II introduit, comme le suggère son titre, des nouvelles formes graphiques de notation, ainsi que le fredonnement, la récitation de textes sur des rythmes précis et même des cris de la part des instrumentistes, tandis que le Quatuor évoque les sonorités traditionnelles des instruments à cordes au Canada, en particulier la musique des violoneux, dans le cadre d'une structure à variations abstraite. Le Quatuor no 2 de Schafer (1976, sous-titré « Waves », vagues) utilise des récurrences rythmiques, mesurées avec précision par le compositeur dans le mouvement des vagues de l'océan, comme éléments dominants de la structure musicale plutôt que purement programmatiques.

Parmi les oeuvres composées dans les années 1980, le Quatuor no 4 de Pentland et le Quatuor no 3 de Prévost représentent de nouveaux énoncés importants dans le genre, faits par deux vétérans. Le premier est remarquable par ses touches microtonales (qu'on retrouve dans le Quatuor à cordes no 3 de Schafer) et un passage fort évoquant les mélopées autochtones, et le second par ses dissonances bourdonnantes récurrentes et l'originalité de sa forme en huit sections. Blue (Quatuor no 2, 1980) de Freedman, emprunte des tournures à la musique pop, tandis que Folklines, de Colgrass, est un « contrepoint de musiques », traitant du matériel issu de chansons folkloriques dans différents styles pour aboutir à « une interaction de cultures ». Dans son Quatuor no 2, Chan révèle une fraîcheur de timbres attrayante dans le médium; Théberge, avec Etudes and Concert Sketch (1981), présente un ensemble intéressant de courts morceaux pour faire découvrir aux étudiants les idiomes de la musique nouvelle; Rea, dans Some Time Later (1986), explore les possibilités offertes par les instruments électriques (RAAD); et Somers, Hawkins, Allan Bell et Mozetich ont écrit de courtes pièces de concours pour la Banff International String Quartet Competition, enrichissant ainsi le répertoire de nouveaux et intéressants défis.

2. Trio et quatuor avec piano, trio à cordes. Bien que la formation violon, violoncelle et piano soit inégale et acoustiquement curieuse, elle continue d'exercer son attrait sur les compositeurs, au Canada comme ailleurs. Cependant, à la fin du XXe siècle, l'emploi de cette formation ne constitue plus, pour les compositeurs de musique de chambre, le genre obligatoire qu'elle représentait quelques générations plus tôt. Les oeuvres récentes que l'on peut mentionner aux côtés de celles de Contant, Manning, Mathieu, Willan et d'autres déjà mentionnées, sont les trios d'Anhalt, Archer, Buczynski, Coulthard, Eckhardt-Gramatté, Pentland, Pépin, Perrault et Turner.

Les quatuors avec piano de Pentland (1939), Eggleston (1954-55), Coulthard (Sketches from a Medieval Town, 1956) et Kenins (1958), de même que la Sonate concertante de Kasemets (1957), sont de remarquables contributions au répertoire pour piano et trio à cordes. En ce qui concerne le trio à cordes proprement dit, deux oeuvres revêtent une importance particulière à l'intérieur de la production de leurs compositeurs respectifs. Ce sont le Trio con Alea (1966), la première des incursions de Pentland dans le domaine d'une musique aléatoire modérée, Slano de Papineau-Couture (1975), avec ses fortes dissonances aiguës, son contrepoint agité et sa vaste gamme de contrastes de timbres notés par diverses indications précises pour l'utilisation de l'archet, et enfin le fameux Trio à cordes de Cherney (1976). Nous pourrions ajouter aux oeuvres précédentes des compositions plus récentes de Burke (1985), Bell (Innua, 1987) et Pépin (Suite, 1989) pour trio avec piano; de Buczynski (1984) et Lauber pour quatuor avec piano; de Pentland (1983), Buczynski (1984), Southam (1986) et Louie (Music from Night's Edge, 1988) pour quintette avec piano.

3. Quintette à vent. Les années 1960 et 1970 se distinguèrent par le choix de plus en plus fréquent de cette formation, peut-être en raison de la présence de nombreux groupes canadiens (professionnels et étudiants) qui en firent une spécialité. Le Quintette en trois mouvements de Weinzweig, oeuvre souvent jouée, résume dans un style sec et pondéré les préoccupations rythmiques et formelles rencontrées dans ses précédents divertissements et sonates. Parmi d'autres quintettes figurent ceux d'Adaskin, Buczynski, Dela (Petite suite maritime), Fiala, Freedman, Hawkins, Hétu, Mather (Eine Kleine Bläsermusik), Papineau-Couture (Fantaisie) et Weisgarber. L'oeuvre de Mather innove par les changements de timbre des unissons de l'introduction et par son dernier mouvement, où les instruments jouent deux passages non mesurés et non coordonnés. Le Quintette de Hawkins (1977), au rythme complexe, correspond plus ou moins, par sa conclusion à la manière d'un choral, aux fragments tonals solennels de la fin du Notturno de Cherney (1974, quintette à vent avec piano). Dans ce dernier, tous les instrumentistes sont appelés à jouer aussi des instruments de percussion et à produire des sons murmurés et fredonnés à certains moments, alors que trois des instrumentistes à vent alternent parfois avec un autre instrument. Dans Group Portrait with Piano (1979) du même compositeur, le piano devient un pur accessoire scénique, à l'intérieur duquel jouent les membres du quintette qui, en costumes d'époque, finissent par poser à ses côtés pour un photographe, au son d'une longue citation de Schubert. Genesis (1975) de Saint-Marcoux, analogue par sa technique mais différent par son esprit, fait appel à la disposition spatiale des instrumentistes, à des sections improvisées à notation graphique, et à des sons d'appoint produits par la voix ou les instruments à percussion des membres du quintette. Parmi les oeuvres datant des années 1980, moins fécondes en ce qui concerne ce type d'instrumentation, on peut toutefois noter des compositions de Malcolm Forsyth (1986) et de Komorous (Fumon Manga, 1981, révisée en 1985).

Les types d'instrumentation supérieurs ou inférieurs en nombre à l'effectif de base du quatuor ou du quintette sont des dérivés des formations conventionnelles. Ainsi, Critics' Corner de Brott (1950) ajoute la percussion au quatuor à cordes, Mythos II de Gellman (1968) ajoute une flûte, Interplay de Pentland (1972) un accordéon, Encounterpoint de Kolinski (1973) un orgue, Quintette d'Adaskin (1977) un basson, et Osmose de Bellemare (1978) un trombone basse. Une des rares oeuvres de musique de chambre de Ridout, son Introduction and Allegro (1968), ajoute pour sa part un violon et un violoncelle au quintette à vent classique, les idées et leur traitement suggérant en fait un orchestre miniature. Quant à la composition à moins de quatre ou cinq parties, dont les trios à cordes déjà cités sont des exemples, elle se rencontre également dans des trios à vent diversement constitués, dont deux de Pedersen, et un d'Archer (Divertimento), de Michael Conway Baker (Five Epigrams) et de Michael Miller (In-Talk). De nombreuses pièces datant des années 1980 réunissent un instrument et un trio ou un quatuor à cordes. Citons par exemple The Moon Labyrinth (1984) de Luedeke et Theseus (1988) de Schafer, toutes deux avec harpe, et des oeuvres avec clarinette de Weisgarber, Prévost, Chan et Rosen. Sonder le dernier (1988) de Rosen présente une partie de clarinette très brillante et un finale où les points d'arrêt de chaque musicien sont indéterminés.

Comme effectif autonome dans la musique de chambre, le quintette de cuivres constitue un phénomène relativement nouveau, distinct de la musique de cérémonie fonctionnelle pour un petit groupe de cuivres et illustrée notamment par les fanfares écrites par Applebaum pour le Festival de Stratford (sûrement l'exécution publique la plus fréquente au pays d'une musique pour ensemble). Les regroupements de cuivres utilisés lors des cérémonies et défilés se retrouvent jusqu'à un certain point dans Taking a Stand de Beckwith (1972), pour « cinq instrumentistes, huit cuivres, quatorze lutrins et une plate-forme ». Cette oeuvre et celle de Weinzweig intitulée Pieces of Five (1976, « une série de gestes brefs et longs, rapides et lents, doux et forts ») incorporent des accents familiers du jazz. Les quintettes de cuivres de Fleming, Freedman (Five Rings), Gellman, Hiscott (Altiplano), Morel, Mozevitch (As the World Turns), Pentland (Occasions), Rathburn (The Nomadic Five) et Keith Tedman (Fire and Ice) sont aussi à signaler.

Durant les années 1960 et 1970, les compositeurs canadiens apportèrent une attention beaucoup plus considérable aux combinaisons disparates ou hybrides dans leurs ensembles instrumentaux (à un musicien par partie), se conformant en cela à la tradition moderne associée à l' Octuor pour instruments à vent de Stravinsky, au Concerto op. 24 de Webern ou, plus pertinemment, à des pièces européennes de l'après-guerre telles que Le Marteau sans maître de Boulez et Circles de Berio. Plutôt que de simples dérivés des ensembles fixes des XVIIIe et XIXe siècles, ces oeuvres visaient à créer de nouvelles façons de s'exprimer, à commencer par le choix d'un ensemble d'instruments peut-être unique.

Il arrive que certains des nouveaux regroupements, uniques et bizarres à l'origine, se taillent une place gràce à des effectifs à la recherche d'un nouveau répertoire. Le Quatuor à cordes de Montréal, les quatuors à cordes Orford, Purcell et Vághy, le Quintette à vent du Québec, les York Winds, le Canadian Brass et le Mount Royal Brass Quintet ont tous suscité et, parfois, commandé de nouvelles oeuvres, comme l'ont fait des ensembles encore plus spécialisés. Mentionnons simplement le Trio baroque de Montréal qui suscita, commanda et créa des oeuvres pour clavecin, flûte et hautbois de Freedman, Hétu, Jones, Morawetz, Pentland, Schafer et d'autres, ainsi que le Lyric Arts Trio, qui fut à l'origine d'une production comparable pour flûte, voix et piano, dont une oeuvre de théâtre musical de Weinzweig, Trialogue (1971), A Tea Symphony de Charpentier (1972), oeuvre encore plus poussée sur le plan scénique, et Pan de Freedman (1972). Les Cassenti Players et Camerata furent aussi à l'origine d'oeuvres nouvelles.

Parfois aussi, des regroupements ont associé plusieurs instruments du même genre, augmentant un répertoire quelque peu clairsemé, rendant possible une expérience d'apprentissage collectif (de telles oeuvres sont réclamées par les étudiants des classes instrumentales) et pouvant se concrétiser en une expression musicale originale. Des exemples en sont les deux quatuors de trombones de Malcolm Forsyth, le quatuor de bassons de Freedman, les quatuors de clarinettes de Fodi et de Weinzweig, un grand nombre d'oeuvres de Bottenberg pour diverses formations de flûtes à bec, et deux cas vraiment à part : Richter 7.8 de Schudel (1979) pour 12 tubas répartis en 3 quatuors antiphoniques et Music for Wilderness Lake (1979) de Schafer, pour 12 trombones répartis autour d'un lac rural.

Les oeuvres d'avant-garde demandant des combinaisons spéciales incluent la Suite de Papineau-Couture (1947) pour quatre instruments à vent et piano (caractéristique de la période néoclassique de ce compositeur) et l' Octuor de Pentland (1948) pour quatre instruments à vent et quatre cuivres. Un rappel des contrastes sonores de la musique de chambre baroque se discerne dans le Concerto a cinque (1968) pour flûte, hautbois, violon, alto et piano de Kenins, bien que son harmonie, son style linéaire et sa gamme de couleurs soient de facture moderne. Buczynski a écrit un certain nombre d'oeuvres introduisant de nouvelles sonorités de musique de chambre, parmi lesquelles on citera le Trio/67 pour mandoline, clarinette et contrebasse, avec son exceptionnelle structure en deux mouvements et les accents de jazz de son finale, le Quatuor/74 pour flûte, clarinette, violoncelle et clavecin, et le Trio/74 pour harpe, clarinette basse et contrebasse, ces deux dernières compositions utilisant des techniques aléatoires et contenant des passages sans spécification de durée. La dernière oeuvre se distingue également par sa succession de séquences calmes et soutenues. Remembrances de Hawkins (1969) pour trio de cuivres, harpe et piano, en neuf segments basés chacun sur une phrase énoncée verbalement, est exceptionnelle par le registre de ses effets, également délicats et calmes pour la plupart. Les images et les allusions suggérées par ces sonorités et les références externes de l'oeuvre (le cri d'un huard, un fragment de la dernière sonate pour piano de Beethoven) lui donnent un sens personnel et sous-entendu bien qu'intense, que l'on rencontre plus souvent en poésie qu'en musique.

Set no 2 de Schudel (1967) est un double quintette (quintette à vent et quintette de cuivres) introduisant un concept original de densité cumulative, dans la séquence de phrases « libres » pour un, deux, quatre, six et éventuellement l'ensemble des dix instruments, dans le troisième de ses quatre mouvements. On peut comparer à cette oeuvre (en termes de contrastes délibérés entre les sous-groupes instrumentaux) le Sextuor de Papineau-Couture pour sa combinaison d'un trio à vent et d'un trio à cordes, et le Septuor de Pentland pour trio de cuivres, trio à cordes et orgue (tous deux 1967). Le Concerto 5 x 4 x 3 de Wilson (1970) réalise plus pleinement cette tendance, en incorporant un quintette à cordes (quatuor plus contrebasse), un quatuor à vent et un trio de cuivres dans une structure libre, comme un mobile, renfermant « trois expositions et trois développements pour chacun des [ensembles] ». Il est conçu pour une exécution facultative par chaque ensemble séparément, ou avec un des deux autres ensembles, ou encore avec les deux. Les expositions sont strictement notées, tandis que les développements sont libres et improvisés. La version complète exige la séparation acoustique des ensembles et un chef d'orchestre - ce dernier illustrant une situation à cheval sur la musique de chambre et la musique de salle qui, pour des raisons d'ordre pratique, se rencontre cependant assez souvent dans les compositions récentes.

Certains grands ensembles à effectif variable préfèrent des oeuvres qui opposent un instrument soliste à un groupe. Cette présentation proche du concerto ne va cependant pas à l'encontre de l'indépendance traditionnelle de la musique de chambre et de l'autonomie de chaque partie dans la partition. Le Concerto de jeunesse de Schafer (1954) pour clavecin et 8 instruments à vent, Circle, with Tangents de Beckwith (1967) pour clavecin et 13 cordes solos, et le Concerto de chambre de Cherney (1975) pour alto et 10 instrumentistes en sont des exemples. Ausone de Mather (1978-79), pour flûte solo et sextuor à cordes, deux guitares et deux harpes, introduit le microtonalisme comme partie intégrante : cinq instruments sont accordés un quart de ton plus bas que les autres, et la partie de flûte comporte aussi plusieurs quarts de ton mais sa structure concertante en facilite la clarté auditive.

Les nouvelles tendances des années 1960 et 1970, sans pour autant négliger les formes acquises, explorent trois domaines jadis moins bien établis dans la sphère de la musique de chambre : la percussion, l'électroacoustique et la voix, qui attirent de plus en plus de compositeurs.

La percussion, absente des formes classiques de la musique de chambre, devient de plus en plus exploitée. Cette tendance s'affirme dans des oeuvres telles que Champs I de Tremblay (1965) pour piano et deux percussionnistes, et son origine peut remonter à la fin des années 1950, époque de la redécouverte de la musique de Varèse, ou peut aussi être attribuée au développement de la percussion vers cette époque, surtout à Montréal. Par la suite, cette même tendance s'intensifia grâce aux programmes des sociétés de musique nouvelle qui surgirent à partir du milieu des années 1960, et qui iincluaient presque toujours un ou deux percussionnistes exceptionnellement doués. De plus, comme on le verra avec l'électroacoustique et avec les plus récentes techniques vocales, la percussion offre au compositeur un extraordinaire registre de timbres possibles. Interplay de Hodkinson (1966, oeuvre gagnante du Concours international de composition des JM en 1967) fournit une illustration particulièrement riche, non seulement dans sa partie de percussion, mais également dans la flexibilité des autres parties, exigeant des doublages de piccolo/flûte alto et de clarinette/saxophone alto, en plus d'une contrebasse comme quatrième instrument. Des oeuvres comme Rasas de Beecroft (1968) pour flûte, harpe, trio à cordes, percussion et piano, Shadows II : Lalitá d'Aitken (1973) pour flûte, trois violoncelles, deux harpes et deux percussions, et Offrande III de Garant (1971) pour trois violoncelles, deux harpes, deux percussions et piano peuvent donner une idée de l'influence de la programmation des sociétés de musique nouvelle sur l'instrumentation. L'étroite ressemblance des ensembles formés par les deux dernières oeuvres citées s'explique en fait par leur présentation initiale dans un même programme. Leur approche musicale est néanmoins tout à fait différente, l'oeuvre d'Aitken suggérant une atmosphère sensuelle au moyen de glissandos, d'une flûte aux sons multiples et d'un traitement fluide de la durée, tandis que celle de Garant explore d'une façon plus abstraite divers facteurs temporels et conglomérats de hauteurs dérivés de L'Offrande musicale de Bach. Champs II (Souffles) (1968) et Champs III (Vers) (1969) de Tremblay adoptent des effectifs plus considérables, 13 et 12 instruments respectivement, dans lesquels la percussion est un élément dominant. Une autre oeuvre de Tremblay, Solstices (ou Les Jours et les saisons tournent) (1971), est écrite pour flûte, clarinette, cor, contrebasse et deux percussions. Elle est à la fois techniquement avancée et hautement visionnaire dans ses rapports entre la notation graphique et les conditions saisonnières et géographiques propres à chaque exécution.

La musique pour bande préenregistrée a été définie par un praticien canadien (Gustav Ciamaga) comme une forme de musique de chambre parce que si ses pistes peuvent être amplifiées pour l'audition publique, elles ne relèvent cependant pas de la sorte de doublages que l'on rencontre dans la musique orchestrale. En effet, l'impact auditif particulier produit par 20 violons qui jouent une même phrase à l'unisson s'avérait pratiquement impossible à reproduire par des méthodes de laboratoire, du moins jusqu'à l'arrivée de l'échantillonnage informatique. Les techniques de la bande préenregistrée, du synthétiseur et de l'ordinateur peuvent se combiner aux différents supports électroacoustiques de l'interprétation - notamment l'amplification, le filtrage, la modulation du timbre, etc., employés avec des instruments jouant en direct. Tétrachromie de Mercure (1963), pour quatre instruments et bande préenregistrée, représente le premier stade de ce développement avec une étonnante maturité. Épisodie II de Saint-Marcoux (1972) pour trio de percussion avec bande et The Birds of Lansdowne de Coulthard (1972) pour trio avec piano avec chants d'oiseaux préenregistrés sont des exemples contrastants, par le traitement de la sonorité pour le premier, pour les rapports impressionnistes avec les peintures de la nature du célèbre artiste canadien de la Côte ouest, J. Fenwick Lansdowne pour le second. Dans ...Wings of Silence... de John Rea (1978), pour six instruments et bande, inspiré par Comus de Milton, la présence de la bande doit être déguisée lors de l'exécution et les haut-parleurs soustraits à la vue de l'auditoire. Boudreau, Montgomery, Rae, Steven et d'autres ont utilisé la guitare et le clavier électriques et autres sons apparentés dans leurs oeuvres de musique de chambre.

Les effectifs de musique de chambre incluant une ou plusieurs voix solistes ont une histoire un peu plus longue, jalonnée par Deux Poèmes de Mathieu (1928) pour ténor et quatuor à cordes, sur ses propres textes, Églogues de Papineau-Couture (1942) pour contralto, flûte et piano, sur des poèmes de Pierre Baillargeon, The Great Lakes Suite (1949), oeuvre de jeunesse de Beckwith pour soprano, baryton, clarinette, violoncelle et piano, sur des poèmes de James Reaney, et Comments d'Anhalt (1954) pour contralto et trio avec piano, sur des coupures d'un journal quotidien. Deux autres oeuvres sur des textes religieux, quoique assez différentes, s'avèrent plus exigeantes sur le plan vocal. Ce sont, de Charpentier, Trois Poèmes de saint Jean de la Croix (1954) pour contralto, violon et violoncelle et, de Schafer, Five Studies on Texts by Prudentius (1962) pour soprano et quatre flûtes. La première développe une continuité diatonique non répétitive dans des lignes mélodiques semblables à un hymne, élaborées et d'expression ascétique. La seconde enveloppe une partie de voix ornée dans une architecture complexe de canons. Il faut aussi mentionner une pièce antérieure de Schafer, Minnelieder (1956) pour mezzo-soprano et quintette à vent, sur des poèmes de l'Allemagne médiévale.

Anerca de Garant (1961, révision en 1963) pour soprano et huit instruments, sur des traductions anglaises de textes inuit, apparaît rétrospectivement comme le fondement du style des oeuvres des 10 à 15 années suivantes, particulièrement celles de Mather, Tremblay, Beecroft et Schafer. Les caractéristiques de ce style sont la vaste gamme de moyens expressifs dans la partie vocale, débordant largement le chant conventionnel (Anhalt étudie ces procédés en détail dans son livre Alternative Voices et les illustre d'exemples canadiens) et, dans les parties instrumentales, la prédominance de sons de harpe et de percussion frappée par des mailloches. Les principales contributions de cette période regroupent, de Mather, Orphée (1963) pour soprano, piano et percussion (texte de Paul Valéry), la série de cinq Madrigaux (1967-73) pour une ou deux voix avec divers ensembles instrumentaux (textes, nos 1-4 de Saint-Denys Garneau, no 5 sans texte), le no 4 incluant une bande préenregistrée, et Musique pour Champigny (1976) pour trois voix (également sans texte) et quatre instruments; de Tremblay, Kékoba (1965-67) pour trois voix, percussion et ondes Martenot (texte phonémique du compositeur, adapté à partir de diverses sources religieuses), et Oralléluiants (1975) pour soprano et huit instruments (texte : premier alléluia de la messe de la Pentecôte); de Beecroft, Rasas II (1973, révision en 1975) pour contralto, six instruments et bande (texte tiré de sources diverses), et Rasas III (1974) pour soprano, quatre instruments et bande (texte phonétique du compositeur); de Schafer, Requiems for the Party-Girl (1966, intégrée par la suite à PatriaII) pour mezzo-soprano et neuf instruments, et Arcana (1972) pour voix et dix instruments, tous deux sur des textes du compositeur.

Twelve Miniatures de Somers (1964) confine à ce style par moments mais atteint une forme originale et une expressivité remarquable. Les textes, traductions anglaises de haiku japonais, suivent l'ordre des saisons et, dans la dernière miniature, la récurrence de phrases appartenant à la première apporte un témoignage efficace sur la perception humaine du temps. La notation (pour soprano, flûte, violoncelle et clavecin), l'économie des moyens musicaux et le maniement judicieux des silences sont autant de correspondances sonores à l'intensité et à la brièveté des poèmes orientaux. On trouve une recherche encore plus poussée dans Les Oies sauvages d'Alain Gagnon (1973), pour voix et sept instruments, comportant des parties compliquées de clavecin et de piano (texte de Guy de Maupassant), et dans Lettura di Dante de Vivier (1974) pour soprano et sept instruments (textes de Dante Alighieri).

Dans Illumination I (1965) et Illumination II (1969) de Joachim et dans Foci d'Anhalt (1969), des concepts raffinés de musique de chambre vocale et instrumentale aboutissent au théâtre et au multimédias d'une manière inédite. Les deux oeuvres de Joachim, notées dans une forme graphique libre, incluent des effets électroniques et des effets d'éclairage en direct qui font partie intégrante de l'exécution, où ils déterminent des caractéristiques de dynamique, de texture et de durée. Foci inclut non seulement une bande multipiste préenregistrée (paroles et chant dans une diversité de langues), mais également des projections de diapositives et un rituel d'entrée et de sortie des instrumentistes (au nombre de 10, dont un soprano solo intervenant seulement au moment du long finale).

Nous traitons ailleurs de la croissance phénoménale des sociétés ou ensembles de musique nouvelle. Leur répertoire entre cependant sous la rubrique « musique de chambre », et c'est une des raisons pour lesquelles il est impossible de donner un aperçu complet des nouvelles oeuvres dans un si bref espace. Nous nous contenterons de quelques exemples choisis, pour illustrer les grandes tendances. Certains continuent de composer pour des « ensembles non standard », dans la ligne que nous avons évoqué plus haut, et les pièces récentes ont inclus des saxophones (Archer, Rea), des violoncelles (Rosen) ou diverses flûtes (Chan). Le domaine du concerto de chambre a été exploré par Kulesha et Kenins, qui ont tous deux appelés leurs oeuvres ainsi, et dans des pièces de la même famille présentant un caractère plus particulier comme Treppenmusic (1982) de Rea, un tribut musical à l'art de l'illusion optique de M.C. Escher; Fulgurance I (1986) de Morel, avec un solo de cor mobile et un ton solennel marqué à deux reprises par des battements rituels sur un gong; Chiaroscuro de Gellman, pièce éclectique influencée par Messiaen; ainsi que d'autres oeuvres de Bouliane, Evangelista, Longtin et Louie par exemple. Des références explicites au jazz, par opposition à de simple colorations jazzées, apparaissent dans Jazzmusik (1966), une oeuvre brillante et rapide de Buhr. Des considérations d'espace se font jour dans Scenes Before the Flood de Hiscott, pour sept instruments répartis autour du public, avec des duos d'unisons « deux par deux » et des « gouttes » antiphoniques de notes jouées staccato à la trompette.

Un mouvement vers la musique de chambre à connotations historiques, pour instruments conventionnels avec ou sans voix ou instruments anciens, est annoncé par Western Wynde (1979) de Fodi et il a été entretenu par des ensembles de musique ancienne comme les Coucous bénévoles et le Toronto Consort. On retrouve nettement ce mouvement dans The Celestial Machine d'Underhill et In a Mirror of Light de Hope (toutes deux 1988) ainsi que dans Les Premiers hivernements (1986) et The Hector (1990) de Beckwith. On retrouve un écho de l'aspect « histoire locale » de ces deux dernières dans Qilakitsoq : the Sky Hangs Low (1988) de Cardy, dont les gammes et les mesures répétées suggèrent des sources inuit. Les structures flexibles gardent un certain attrait, comme on peut le voir dans Directions de Brady (1982, schémas d'improvisation pour quatre quatuors instrumentaux différents), Counterpoints for Philip Corner de Kasemets (1988, « Directives d'interprétation : aucune, si ce n'est que chacune, ou plusieurs, des paires de pages opposées doit être traitée en bloc, que ce soit pour la contemplation silencieuse, l'interprétation musicale, la dance ou n'importe quoi ») ou enfin dans Festino Lente de Hatch (1990, pour trio non spécifié, en partie générée par ordinateur). Les formations dérivées des traditions classiques orientales s'écartent des procédés traditionnels de la musique de chambes occidentale, auxquels elles sont cependant reliées par leur raffinement et les possibilités qu'elles offrent à des ensembles intimes. Ces traditions se caractérisent, entre autres traits, par une monodie ornée, souvent répartie de façon hétérophonique entre divers instruments, et par une continuité rythmique complexe évitant en général le rubato. Dans cette veine, citons Music for a Thousand Autumns (1983, révisée 1985) de Louie, influencée par la musique chinoise, ainsi que Paramirabo (1978) de Vivier et O Bali (1989) d'Evangelista, toutes deux influencées par des modèles indonésiens.

La musique de chambre, électroacoustique, vocale ou avec percussions, était certes relativement nouvelle dans les années 1970, mais elle reçut dans la décennie suivante une grande attention. Les spectacles de Nexus donnèrent un élan vital à la musique pour ensemble de percussions : la désarmante Dance Variations (1983, révisée 1986) de Hawkins, et la pièce de Tenney Rune (1988), d'un schématisme si élaboré, furent composées pour ce groupe. Dans le domaine de l'électroacoustique, le style combinant des parties interprétées et d'autres synthétisées s'est enrichi d'études d'Arcuri (dont Prologue, 1985), de Beecroft (Jeu II, 1985), de Bouliane (« ... comme un silène entrouvert... », 1984), de Lanza (diverses pièces, 1977-82, dont certaines en multimédias) et de Steven (Straight on Til Morning, 1985). Mather, dans Aux victimes de la guerre de Vendée 1793 (1990), a combiné un partie enregistrée sur bande, notée et préparée de façon plus ou moins classique, avec trois instruments jouant « en direct » : un cor solo et deux pianos accordés à un quart de ton d'intervalle. Les pionnières des instruments électroacoustiques, les ondes Martenot, furent mises à contribution en 1988 par Gougeon dans Dix millions d'anges et par Lalonde dans Glissements, tourments, ravissements, pour deux ondistes, cordes et trombones, vaste étude des possibilités de glissando de tous ces instruments, autant que du déploiement du son dans l'espace.,

En ce qui concerne la musique de chambre avec voix, certains thèmes autochtones ont été abordés de façon intéressante par Ridout dans Exile (1984, pour narrateur et neuf instruments), dans des passages d'un classique canadien du XIXe siècle, Roughing It In the Bush de Susanna Moodie, et dans Trinkets of Little Value de Hannan, partition minimaliste basée sur le « dictionnaire » de mots autochtones de Cartier en 1535. Alors que certains compositeurs écrivent leurs propres textes (par exemple Buhr dans Niniel, 1989), d'autres utilisent des poèmes existants, souvent l'oeuvre de Canadiens (comme Chatman dans Shadow River, 1981, d'après E. Pauline Johnson; Papineau-Couture dans Nuit polaire, 1986, paroles d'Isabelle Papineau-Couture; ou Behrens dans Some Music, 1987, sur six poèmes d'Adele Wiseman).