Contexte
Nobody Waved Good-bye, dont le titre provisoire est First Offence, est conçu à l’origine, dans le cadre de l’ONF, comme un court documentaire sur des agents de libération conditionnelle s’occupant de jeunes délinquants. Don Owen se voit attribuer un budget de 35 000 $ et la permission de tourner un certain nombre de reconstitutions avec des acteurs; toutefois, le projet évolue, peu à peu et de façon plutôt clandestine, vers un long métrage de fiction.
Don Owen tourne à partir d’un scénario se limitant, pour l’essentiel, à une description linéaire des événements, les scènes étant réalisées selon un ordre chronologique et les dialogues improvisés sur place. Très influencé par les documentaires de cinéastes appartenant à l’école du cinéma direct de l’ONF comme Michel Brault et Gilles Groulx, Don Owen aurait effectué plus de 20 prises sur certaines scènes afin d’atteindre un ton similaire à celui de ses modèles. Le producteur exécutif Tom Daly, seul membre de la direction de l’ONF au fait de l’évolution de la taille et de la portée du film, approuve, discrètement, un budget de 75 000 $ pour mener à bien la réalisation d’un long métrage.
Synopsis
Âgé de dix-huit ans, Peter, interprété par Peter Kastner, vit avec ses parents dans une banlieue de Toronto habitée par la classe moyenne. Il est perpétuellement en révolte contre les valeurs matérialistes et sans perspectives incarnées, selon lui, par les membres de sa famille. S’il est vrai que sa petite amie, Julie, interprétée par Julie Biggs, est aussi malheureuse en banlieue que lui, il n’en demeure pas moins qu’elle entretient des relations familiales plus apaisées que Peter qui, pour sa part, se moque constamment de ses parents, de sa sœur et du fiancé de celle-ci et n’a de cesse de les rabaisser.
Après l’une de ses nombreuses disputes avec ses parents, Peter décide de partir vivre seul. Il loue un petit appartement et exerce divers petits boulots. Julie, pendant ce temps-là, quitte elle aussi sa famille. Lorsque Peter demande un prêt à son père, interprété par Claude Rae, pour leur installation, il essuie un refus. Amer et rempli de colère, il vole de l’argent et une voiture et décide de quitter Toronto pour toujours.
Analyse
Nobody Waved Good-bye est le premier film examinant les graves fissures générationnelles, culturelles et économiques présentes dans l’univers de la banlieue canadienne d’après-guerre. Il s’agit également d’une première étape importante pour l’industrie canadienne encore naissante du long métrage. L’un des premiers films en anglais relatifs à une expérience proprement canadienne, Nobody Waved Good-bye démontre la pertinence et le pouvoir dramatique de nos propres récits transmis par un média qui est alors presque totalement dominé par Hollywood.
Réception critique et commerciale
Après une première au Festival international du film de Montréal en août 1964, Nobody Waved Good-bye est projeté en septembre dans un festival de cinéma à New York, une projection à la suite de laquelle Judith Crist, du Herald Tribune, rédige une critique très élogieuse. Columbia Picture décide de sortir le film en salle au Canada; toutefois, de mauvaises critiques et des recettes au guichet médiocres dans le cadre d’une sortie limitée en salle à Montréal et à Toronto coupent la distribution du film dans son élan. Cependant, lorsque le distributeur américain indépendant Cinema V décide de diffuser Nobody Waved Good-bye dans des villes comme New York, Boston et Los Angeles au printemps 1965, il obtient une très large adhésion, les critiques louant son caractère authentique et direct. Columbia sort alors le film au Canada, à Ottawa, Regina, Calgary, Edmonton et Vancouver, avec, à la clé, une bien meilleure réception de la part de la critique et du public.
Distinctions et héritage
Nobody Waved Goodbye, caractérisé par son petit budget et sa production en mode improvisé ainsi que par sa narration pessimiste d’une révolte manquée, constitue une œuvre essentielle pour apprécier pleinement la culture cinématographique canadienne. Le film reçoit un prix BAFTA en 1965, ironiquement en tant que documentaire, et est inscrit sur la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps à l’occasion d’une enquête conduite par le Festival du film international de Toronto en 1984. C’est également en 1984 que sort Unfinished Business qui suit Peter and Julie alors qu’ils doivent faire face à la révolte de leur fille de 17 ans, interprétée par Isabelle Marks, tout en tentant de réconcilier leurs idéaux qui s’évanouissent lentement avec leur vie de parents banlieusards.
En 2016, Nobody Waved Good-bye est classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage auprès de 200 professionnels des médias mené par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinematheque de Vancouver en prévision des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada en 2017.
Voir aussi Longs métrages canadiens.
Prix
Flaherty Documentary Award, prix BAFTA (1965)