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Notre histoire en souvenirs : Mary Walsh

En 2005, pour commémorer le 60e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des Canadiens célèbres ont exprimé ce que signifiait pour eux cet exercice de mémoire, dans le cadre de la campagne Notre histoire en souvenirs, menée par l’Institut Historica-Dominion (aujourd’hui Historica Canada), CanWest News Service (aujourd’hui Postmedia News) et le ministère des Anciens Combattants. Cet article est tiré de cette campagne.

Beaumont-Hamel

Dans le coin de pays de Mary Walsh, le 11 novembre ne joue qu’un rôle de soutien dans le rituel annuel du souvenir du temps de la guerre. À Terre-Neuve-et-Labrador, les vraies commémorations, avec les hommages et la tristesse qu’elles engendrent, ont lieu le 1er juillet, alors que le reste du Canada fête devant des feux d’artifice.

« Le 1er juillet est un congé très bizarre pour nous », dit Mary Walsh, actrice, comédienne et rat de bibliothèque de la CBC native de St. John’s. « Pour le reste du pays, c’est la fête du Canada, mais pour nous, c’est la commémoration de la bataille de Beaumont-Hamel, une très sombre occasion. »

Le 1er juillet 1916 fut le jour d’ouverture de la bataille de la Somme, campagne offensive britannique la plus infortunée sur le Front de l’Ouest lors la Première Guerre mondiale. La petite colonie autonome britannique de Terre-Neuve envoyait alors 800 soldats à titre d’effort de guerre. Les hommes du régiment de Terre-Neuve étaient en grande majorité des novices, d’une loyauté acharnée et très disciplinés. Le matin du 1er juillet, on leur a commandé de quitter leurs tranchées, d’avancer à terrain découvert et de prendre d’assaut les lignes allemandes alors bien fortifiées près du village de Beaumont-Hamel.

Ils sont tombés sous une grêle de balles d’ennemis ayant survécu aux barrages d’artillerie précédents. Les témoins ont raconté avoir vu les Terre-Neuviens courir à travers un nuage de balles, le menton collé à la poitrine, en bravant la force d’un brouillard de l’Atlantique Nord.

En l’espace d’une matinée, le régiment avait été anéanti. Des 780 hommes ayant pris part à l’assaut, 684 en sont devenus les victimes inéluctables.

« Ces hommes formaient une magnifique troupe de valeureux et disciplinés soldats » a écrit, en parlant de l’effort de guerre de Terre-Neuve, un commandant britannique qui affirmait que l’assaut avait échoué « parce des hommes morts ne peuvent continuer d’avancer ».

Le père de Mary Walsh a servi dans la marine marchande britannique pendant les Première et Deuxième Guerre mondiale, mais l’un de ses oncles a été blessé lors de la bataille de Beaumont-Hamel.

« J’imagine que tout le monde connaît quelqu’un qui s’y est battu et y a perdu la vie », a-t-elle dit. « L’histoire de Beaumont-Hamel est à Terre-Neuve ce que Gallipoli est aux Australiens. »

bataille de la Somme
Howitzer-bataille de la Somme
Blessés au Somme
Ambulance tirée par des chevaux recueillant des blessés à un poste de premier secours près du front, 15 septembre 1916

Sanctuaires familiaux, souvenirs qui s’effacent

Selon les dires de Mary Walsh, l’effet de cette bataille sur Terre-Neuve a été si violent que bien des familles conservaient encore jusqu’à récemment des sanctuaires en hommage à des grands-pères ou des grands-oncles ayant bravé les balles à Beaumont-Hamel.

« Je me souviens avoir parcouru Terre-Neuve avec une troupe de théâtre dans les années 1970 », a-t-elle dit, « et à certains endroits sur la péninsule Northern, des familles déposaient les uniformes, médailles et bandes molletières de leurs grands-pères sur un genre d’autel dans leurs maisons, comme s’il s’agissait d’œuvres d’art ».

Aujourd’hui, les souvenirs de la guerre s’effacent et Mary Walsh dit que le 1er juillet devient graduellement un jour de festivités en l’honneur de la fête du Canada, une transformation qui fait naître chez elle des sentiments confus.

« Même si la fête du Canada est une célébration plus importante que la commémoration de la bataille de Beaumont-Hamel », dit-elle, « même s’il est préférable pour nous de fêter plutôt que nous rappeler les horreurs du passé… il ne faut pas pour autant oublier ce qu’on a fait ».

« La guerre existera toujours, je crois, et nous espérons que le fait de raconter des histoires des guerres passées, de parler des horreurs qui s’y sont déroulées nous permettra d’éviter de revivre de tels moments. »

« Peut-être qu’en en parlant, peut-être qu’en sachant ce qui s’est produit lors des Première et Deuxième Guerre mondiale, nous évitons depuis ce jour d’être constamment en guerre », a-t-elle dit.

« Peut-être qu’en gardant en mémoire ces histoires, nous avons tout fait pour éviter des événements terribles, parce que nous savons fort bien comment ils se terminent. »

Parc commémoratif de Beaumont-Hamel
Parc commémoratif de Terre-Neuve \u00e0 Beaumont-Hamel, en France (photo de Jacqueline Hucker).

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