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Notre histoire en souvenirs : Mike Myers

En 2005, pour commémorer le 60e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des Canadiens célèbres ont exprimé ce que signifiait pour eux cet exercice de mémoire, dans le cadre de la campagne Notre histoire en souvenirs, menée par l’Institut Historica-Dominion (aujourd’hui Historica Canada), CanWest News Service (aujourd’hui Postmedia News) et le ministère des Anciens Combattants. Cet article est tiré de cette campagne.


Faire un film sur la bataille d’Angleterre?

Il est mieux connu sous la représentation du comédien en celluloïd dont la contribution artistique se résume à jouer des personnages politiquement très incorrects et dingues, dont Wayne Campbell, une tête brûlée abrutie de musique « heavy métal », arborant une coiffure de mauvais goût et vivant dans un sous-sol, et Austin Powers, espion international obsédé sexuel.

Cependant, Mike Myers, qui nous a également donné la voix de l’ogre intrépide Shrek, a d’autres talents plus intellectuels à faire partager. L’acteur et réalisateur, né à Toronto, est aussi un esprit créatif plus réfléchi qui, depuis bien des années, caresse le rêve de tourner un film sérieux sur la Deuxième Guerre mondiale.

« Je me suis attaqué à un scénario traitant de la bataille d’Angleterre », a déclaré Mike Myers au cours d’une entrevue à New York en 2005. « Je n’aime pas la guerre. Qui l’aime d’ailleurs? Mais le genre des films de guerre me fascine. Je pense qu’un film comme Il faut sauver le soldat Ryan est probablement l’un des meilleurs du genre jamais tourné. »

« Je ne sais pas si je suis taillé pour le faire, mais je crois qu’il serait intéressant de produire un équivalent aux films Il faut sauver le soldat Ryan, Un pont trop loin et Le jour le plus long, traitant du raid sur Dieppe. Un film qui raconte l’histoire des Canadiens qui ont vécu Dieppe – ce serait fascinant. »

Dieppe, reconstitution du raid de
Reconstitution de la bataille par le peintre de guerre Charles Comfort (avec la permission du Musée canadien de la guerre/12276).
Dieppe : Les plages de l

Sacrifice anglais

Mike Myers en sait probablement beaucoup plus sur la Deuxième Guerre mondiale que la plupart des acteurs d’Hollywood. Il peut réciter les noms des ponts hollandais qui constituaient les cibles des Alliés lors de l’infâme attaque de 1944 appelée l’opération Market Garden; il peut parler des endroits où les soldats canadiens ont fait campagne et sont tombés dans le Nord-Ouest de l’Europe depuis le jour J : « Juno Beach, l’estuaire de l’Escaut, le Rhin... »

Sa passion pour le sujet est née, comme pour la comédie, en compagnie de ses parents Eric et Alice, avec qui il a grandi à Scarborough, une banlieue de la classe moyenne de Toronto.

Eric vendait des encyclopédies et Alice faisait de l’entrée de données. Ils ont émigré d’Angleterre en 1955 et élevé leurs enfants au Canada dans une atmosphère toute britannique reposant sur la loyauté et la fierté. À la maison, le discours de la Reine constituait un événement important du jour de Noël. Les films de Peter Sellers, que le père de Mike Myers adorait, faisaient partie des émissions que l’on regardait religieusement à la télévision. L’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, plus particulièrement le sacrifice anglais, constituait, raconte Mike Myers, « le sujet de prédilection des conversations lors des repas de famille ».

Histoire familiale

Eric, qui est décédé en 1991, avait quitté la ville de Liverpool pour s’engager dans les rangs de l’armée britannique à l’âge de 16 ans. Il a servi comme simple soldat « sapeur » dans le corps des ingénieurs militaires, creusant des tranchées, construisant des ponts et dégageant des champs de mines sur le front dans le Nord-Ouest de l’Europe.

« De tous les corps d’armée, le Royal Engineers était celui qui exigeait le plus d’improvisation » raconte Mike Myers, « et c’est une qualité que mon père a beaucoup valorisé après la guerre – la capacité d’improviser – qu’il appelait “bidouiller” ».

« C’est pourquoi mon père était capable de préparer une tasse de thé n’importe où, sur un radiateur ou ailleurs. Il était doué pour réparer un moteur et, tout ce qui avait besoin d’un coup de bâton pour se remettre en marche, il l’arrangeait. »

Alice Myers s’est enrôlée dans la Royal Air Force pendant la guerre et a travaillé dans les stations radars du sud de l’Angleterre.

« Vous voyez ces films de la Deuxième Guerre mondiale où il y a une carte en plexiglas de l’Angleterre et des femmes en uniforme qui déplacent des modèles réduits d’avion sur la carte, ma mère était l’une d’entre elles », raconte Mike Myers.

Alice, qui vit maintenant à Toronto, a aussi travaillé sur le programme Enigma, pari gagné par les Anglais au terme duquel ils ont réussi à percer les codes secrets de transmission radio des nazis.

Après la guerre, les parents de Mike Myers se sont rencontrés, puis mariés à Liverpool, ville dont des pans entiers avaient été détruits par les bombardiers allemands; ils ont survécu au rationnement alimentaire plusieurs années d’après-guerre avant de partir pour le Canada.

Transformés par la guerre

Mike Myers explique que la guerre a transformé ses parents et leur a insufflé l’importance d’en enseigner les leçons à leurs enfants.

« Ma mère et mon père avaient un immense respect pour la noble mission qu’est la lutte contre les méchants », dit-il. « Ils l’appelaient “la lutte contre le fascisme”. C’était important pour eux, ils y croyaient vraiment. »

« Je me souviens avoir écouté mon père me parler de l’Holocauste alors que j’avais dix ans. Il a dit : “Il y aura des gens très méchants qui te diront que cela ne s’est jamais produit, mais je veux que tu saches que c’est vraiment arrivé, c’est pour cela que nous avons lutté” », raconte Mike Myers.

« Je me dois d’admirer la génération de mes parents pour avoir dit : “Vous savez, ça sent mauvais, les Allemands sont très forts, les nazis sont les méchants, mais ils ont un mauvais système et nous ne renoncerons pas”. »

« Cette façon de dire non aux brutes m’inspire un immense respect. » Mike Myers admet que ses films n’ont pas encore abordé sa passion pour le sujet, bien qu’il soupçonne que la fierté de ses parents pour les gadgets anglais et l’ingéniosité du temps de la guerre, par exemple percer le code Enigma, se retrouvent dans Austin Powers, une parodie des films d’espionnage.

« J’ai une immense gratitude envers la génération de la Deuxième Guerre mondiale et j’aimerais avoir la certitude que son sacrifice ne tombera jamais dans l’oubli », dit-il. « Mais, sincèrement, le film rendant hommage à cette génération qui s’est opposée aux nazis, je ne l’ai pas encore tourné. »

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