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Notre histoire en souvenirs : Paul Gross

En 2005, pour commémorer le 60e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des Canadiens célèbres ont exprimé ce que signifiait pour eux cet exercice de mémoire, dans le cadre de la campagne Notre histoire en souvenirs, menée par l’Institut Historica-Dominion (aujourd’hui Historica Canada), CanWest News Service (aujourd’hui Postmedia News) et le ministère des Anciens Combattants. Cet article est tiré de cette campagne.
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Souvenirs d’un soldat

Paul Gross n’avait que 15 ans lorsque son grand-père, lors d’une journée de pêche, lui a fait découvrir l’époque de la Première Guerre mondiale et a éveillé en lui la flamme de ce qui allait devenir une obsession. Le soldat Michael Dunn, grand-père maternel de Paul, s’est battu pour le Canada en France et dans les Flandres, en Belgique. Mais ce n’est que plusieurs décennies plus tard, sur un lac de l’Alberta, que Michael Dunn a partagé les souvenirs qui le hantaient avec son petit-fils.

« Cette journée s’annonçait bien… », se souvient Paul Gross, « mon grand-père m’avait laissé conduire le bateau ».

« J’avais toujours eu des questions… "As-tu tué des Allemands? As-tu frappé des gens à coups de baïonnette?"… Il les évitait toujours. Ce jour-là, par contre, il a parlé. Il m’a raconté un événement survenu au cours d’une patrouille avec un petit groupe d’hommes dans un village. Sa troupe est tombée sur un nid de mitrailleuses allemandes et une bataille horrible a éclaté. Ça a duré des heures, jusqu’à ce qu’à peu près tout le monde soit tué. »

« Je n’oublierai jamais ce moment où les portes du monde adulte se sont ouvertes devant moi. J’ai soudainement réalisé les conséquences mortelles de tels événements, et je crois que c’est ce qui m’a poussé à faire quelque chose qui traiterait de la guerre. »

La bataille de Passchendaele

Paul Gross, mieux connu pour le rôle d’agent de la police montée Benton Fraser dans la série Direction : Sud ou pour son rôle comme capitaine d’équipe dans la comédie sur le curling Quatre gars et un balai, se sert maintenant de ses talents de cinéaste pour un tout autre genre d’histoire; il réalise un film intitulé La bataille de Passchendaele, inspiré de l’expérience canadienne lors de la Première Guerre mondiale.

Il hésite à donner des détails sur son film. Nous avons néanmoins appris que le scénario est complété, que le budget approche 20 millions de dollars et que le tournage est programmé pour le printemps prochain, sur les plaines rases de la Base des Forces canadiennes Suffield, en Alberta, là où Paul Gross espère recréer les horreurs boueuses de la bataille de Passchendaele.

« C’est un défi de taille. Personne au Canada n’a vraiment entrepris un projet de cette envergure auparavant », a-t-il affirmé.

Quel qu’en soit le résultat, ce film est l’aboutissement d’un rêve et de plusieurs années de réflexion sur la Grande Guerre et sur ce que de nombreux hommes comme le grand-père de Paul ont enduré. « J’ai de pleines étagères de documents traitant de la Première Guerre mondiale », a dit Paul Gross lors d’une entrevue téléphonique. « Je lis sur le sujet depuis toujours. »

« Ce film, La bataille de Passchendaele, j’en rêve depuis longtemps. J’ai toujours voulu raconter ce qu’a vécu mon grand-père. »

Peu de films traitent de la guerre

Paul Gross a grandi dans un monde de militaires. Son père a fait carrière dans l’armée en tant qu’officier ayant commandé des escadrons de chars de bataille lors de la guerre de Corée et de la guerre froide. Il s’est promené au cours de sa jeunesse d’une base de l’armée à une autre, au Canada et en Allemagne.

Il explique sans difficulté sa fascination pour le sujet, née d’un intérêt authentique pour l’histoire et le travail de mémoire et non d’une romance chauvine.

« Je crois qu’il faut éviter la guerre à tout prix. Il nous faut cependant nous rappeler ce que des gens comme mon grand-père ainsi que les 600 000 soldats enrôlés – dont 56 500 y ont laissé la vie – ont fait pendant cette guerre, pour le meilleur ou le pire, en notre nom. Ne plus s’en souvenir serait tragique pour l’avenir de notre nation. »

Quatre-vingt-sept ans après que les fusils se sont tus sur le front ouest, Paul Gross constatait que la mémoire cinématographique du conflit au Canada est mystérieusement mince.

« Les souvenirs enfouis dans la culture populaire refont surface chaque année », a-t-il dit. « Je suis toujours surpris de voir la qualité de romans et d’historiens qui relatent notre implication au cours de ces deux guerres significatives et le peu d’enregistrements cinématographiques disponible traitant du même sujet. »

Une nation formée par la guerre

L’hésitation des Canadiens à explorer leur passé en temps de guerre – réaction, selon Paul, à notre embarras à vivre juste à côté d’une superpuissance qui a toujours fait de son armée une mythologie – fait partie du problème.

Mais qu’on le veuille ou non, poursuit-il, la guerre est au cœur de l’histoire de l’humanité et toute société qui refuse de comprendre son passé militaire le fait à ses risques et périls.

« Il faut revenir aux origines d’un pays pour comprendre les raisons de son existence », poursuit-il.

« Notre pays, tel qu’il est aujourd’hui, pourrait disparaître rapidement. Au nombre des raisons qui pourraient causer notre disparition se trouve le fait d’oublier d’où nous venons. En 1914, notre pays était très jeune, formé seulement il y a environ 40 ans, lorsqu’il a pris part à cette guerre. Il en est sorti en tant que nation totalement constituée. Il est d’après moi très important de reconnaître l’importance de cette expérience. »

« Nous devrions être très fiers de notre histoire militaire. Nous nous sommes toujours portés volontaires. La plupart des Canadiens ne sont pas conscients de l’importance de nos sacrifices, ou plutôt de ceux de nos prédécesseurs. »

« Il existe des moyens de célébrer, d’honorer et d’être fiers de notre service militaire sans en venir au panthéon des dieux grecs. Nous devrions honorer et respecter ce que ces hommes ont fait pour nous. Nous ne nous rendrions pas service en l’ignorant. »

(Note : Le film La bataille de Passchendaele est sorti en 2008. En 2015, Paul Gross a réalisé un autre film de guerre, Hyena Road : le chemin du combat, traitant de la guerre en Afghanistan.)

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