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Peter Jepson-Young

Peter William Jepson-Young, médecin, militant dans la lutte contre le sida et chroniqueur télévisuel (né le 8 juin 1957 à New Westminster, en Colombie-Britannique; décédé le 15 novembre 1992 à Vancouver, en Colombie-Britannique). Peter Jepson-Young est un médecin qui a créé Dr. Peter Diaries, une série de courts segments hebdomadaires diffusés à la CBC. En parlant de son expérience avec le sida, il cherche à éduquer le public et à donner de l’espoir aux autres personnes atteintes. Diagnostiqué en 1986, il est considéré comme l’un des sidéens ayant vécu le plus longtemps avec la maladie au moment de sa mort en 1992. Peu avant son décès, il crée la Dr. Peter AIDS Foundation, qui ouvre plus tard le Dr. Peter Centre, une maison de repos et de soins pour les personnes vivant avec le VIH-sida.
Dr. Peter
Dr. Peter Jepson-Young

Enfance

En 1957, Bob et Shirley Young accueillent leur deuxième enfant, Peter William. Sa sœur aînée, née deux ans avant lui, se nomme Nancy. Peter Jepson-Young est un garçon joyeux, curieux et populaire qui aime le grand air, le sport, le camping et la natation. À huit ans, il se prend d’affection pour le théâtre musical, dont il parle en long et en large dans le journal intime que sa mère lui offre à Noël.

Comme il le racontera dans un épisode de Dr. Peter Diaries, Peter Jepson-Young se rend compte dès l’enfance qu’il n’est pas attiré par les filles, mais plutôt par les garçons. Croyant d’abord qu’il s’agit d’une phase, il tente « de se convertir ». Après avoir scruté les pages de nombreux magazines Playboy, toutefois, l’adolescent se rend à l’évidence : il manifeste plus d’intérêt pour les hommes habillés dans les publicités que par les femmes dénudées. Cette préférence, dit-il, « n’est pas quelque chose que je pourrais changer ». Il garde néanmoins pour lui le fruit de ses expérimentations, n’ayant pas l’impression de pouvoir en parler à ses amis et à sa famille.

À l’époque, l’homosexualité au Canada fait face à énormément de discrimination. En 1965, lorsque Peter Jepson-Young est encore enfant, un certain Everett Klippert est emprisonné et reçoit l’étiquette de « dangereux prédateur sexuel » après qu’il admet être gai et avoir eu des relations sexuelles avec d’autres hommes. En 1969, l’époque approximative où Peter Jepson-Young devient un adolescent, les actes sexuels entre les personnes du même sexe sont décriminalisés au Canada. Malgré tout, les gais et lesbiennes subissent de la discrimination en matière d’emploi, de logement et de droit de la famille pendant encore de nombreuses années. Il faut d’ailleurs attendre jusqu’à 1996 pour que l’orientation sexuelle soit ajoutée à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Éducation

Pendant ses études à l’Université de la Colombie-Britannique (UCB), Peter Jepson-Young fréquente des hommes, mais n’en dit pas un mot à sa famille. En 1979, il obtient un baccalauréat en sciences.

Déterminé à devenir médecin, Peter Jepson-Young s’essaie par trois fois à l’examen d’entrée de la Faculté de médecine de l’UCB, avant d’être accepté en mai 1981. Il décrit son admission au programme de médecine comme « le plus beau jour de [sa] vie ». Grâce à son intellect supérieur et à une mémoire presque photographique, il excelle tout au long de ses quatre années d’études.

Alors qu’il est en résidence au St Paul’s Hospital, à Vancouver, il apprend qu’un de ses anciens petits amis a reçu un diagnostic de sida. Malgré quelques inquiétudes, Peter Jepson-Young se concentre corps et âme sur sa carrière florissante, qui inclut un stage à l’hôpital général d’Ottawa, en Ontario.

Diagnostic de sida

Au printemps 1986, alors qu’il est à Ottawa, Peter Jepson-Young contracte une toux récalcitrante. À son retour à Vancouver, il est un homme changé : son athlétisme et son énergie débordante ont laissé place à un épuisement étrange. Son souffle est court et encore ponctué de quintes de toux. Lorsque sa fièvre et ses symptômes s’aggravent, il est admis au St Paul’s Hospital. Le 29 septembre 1986, il reçoit un diagnostic de pneumocystose, une forme rare de pneumonie associée au sida. Depuis son lit d’hôpital, il appelle sa famille pour leur annoncer qu’il est gai.

Peter Jepson-Young survit à sa pneumonie et à deux crises cardiaques avant de reprendre du poil de la bête et de rentrer au travail en novembre 1986. Il remplace d’abord l’un de ses collègues qui s’est cassé la jambe, puis effectue une suite de suppléances à titre de médecin remplaçant. Pendant trois ans, il retrouve ses forces et jouit d’une vie relativement normale.

En septembre 1989, toutefois, ses symptômes du sida reviennent en force. Le tout commence par une infection virale à un œil, un mal qu’un système immunitaire sain n’aurait aucune peine à éradiquer. Peter Jepson-Young, lui, n’arrive pas à se débarrasser du virus. Après six semaines, il perd la vue dans l’œil droit. En septembre 1990, il devient complètement aveugle.

Dr. Peter Diaries

Cette perte de vision signifie que Peter Jepson-Young ne peut plus pratiquer la médecine. Alors qu’il cherche d’autres façons de travailler, on lui propose de participer à une série de cinq épisodes qui serait diffusée pendant une semaine à l’émission Evening News, sur les ondes de la CBC à Vancouver. Les segments, courts et intimistes, permettent d’humaniser le sida, de faire tomber les barrières et les préjugés, et d’éduquer les auditeurs à propos de cette maladie. En tant que médecin, Peter Jepson-Young possède la crédibilité professionnelle pour décrire clairement la progression du virus. Comme il est le sujet de sa série, le médecin n’est pas payé, en vertu des politiques de la CBC.

Les parents de Peter Jepson-Young ne sont pas tout à fait enthousiasmés par le projet : ils craignent l’embarras, les réactions négatives et le scandale. Cela n’empêche toutefois pas le médecin de le mettre en branle, à la condition que l’on ne mentionne pas son nom de famille.

En collaboration avec le producteur de la CBC, David Paperny, Peter Jepson-Young enregistre la première partie de Peter’s Story – An AIDS Diary le 26 juillet 1990. Les segments, d’environ trois minutes, sont diffusés pendant la semaine du 9 septembre 1990. À partir de ce moment, Peter Jepson-Young est connu par son surnom : Dr. Peter.

La ligne d’appel de la CBC est inondée de commentaires positifs et négatifs du public. Les militants de la lutte contre le sida, quant à eux, se demandent bien qui est ce mystérieux docteur Peter. Certains appels revendiquent un ton plus militant dans les segments, tandis que d’autres craignent des représailles contre la communauté homosexuelle. À la fin des cinq épisodes, la CBC décide que la série a été suffisamment bien reçue pour justifier la création de segments hebdomadaires. À la mort de Peter Jepson-Young, en 1992, plus de 111 épisodes ont été filmés.

Tradition de soins

« Si j’ai pu sensibiliser et éduquer les gens, si j’ai pu les toucher ou peut-être changer leur façon de voir les personnes homosexuelles et les personnes atteintes du sida, alors je pense que ça aura été ma plus importante contribution », affirme Peter Jepson-Young dans un segment de Dr. Peter Diaries.

Pendant deux ans, les auditeurs sont témoins de la façon continue dont le sida attaque la santé et la vigueur du médecin. Le 15 novembre 1992, entouré de sa famille, d’amis et de son partenaire, Andy Hiscox, Peter Jepson-Young, âgé de 35 ans, tire son dernier souffle. Au moment de sa mort, il est considéré comme le sidéen ayant survécu le plus longtemps à la maladie. À l’époque, la plupart des patients atteints du sida meurt quelques mois après leur diagnostic.

Dans les semaines qui précèdent sa mort, Peter Jepson-Young crée la Dr. Peter AIDS Foundation afin de financer des « soins de confort » pour les patients sidéens. En 1997, le programme de santé de jour du Dr. Peter Centre est lancé au St Paul’s Hospital, au centre-ville de Vancouver, en Colombie-Britannique. L’année suivante, on ouvre une résidence de dix lits à cet hôpital. Le centre, qui a déménagé dans des installations mieux adaptées en 2003, continue d’offrir des soins de repos et de jour aux personnes vivant avec le VIH-sida. En 2017, soit 25 ans après la mort de son fils, Shirley Young est toujours bénévole au centre.

The Broadcast Tapes of Dr. Peter, un documentaire récapitulatif, est lancé en 1993 et nommé aux Oscars en 1994.