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Photographie au Canada

L'invention de la photographie n'est pas le fait d'une découverte soudaine, mais plutôt le résultat de l'évolution des connaissances en chimie et en optique. Les bases de la photographie sont posées dès 1727, en Allemagne, quand Johann Heinrich Schultze fait des recherches sur la sensibilité à la lumière du chlorure d'argent, et lorsqu'on reprend l'usage de la Renaissance d'utiliser une camera obscura pour obtenir une meilleure perspective. La création de l'image photographique requérait l'esprit réceptif du XIXe siècle, métamorphosé par la révolution industrielle.
Mont Edziza Parc Provincial

Photographie

En 1839, deux procédés photographiques font leur apparition. En France, Louis Jacques Mandé Daguerre, guidé par les expériences de Nicéphore Niepce, réussit à fixer une image sur une plaque de cuivre argentée. Le procédé reçoit le nom de daguerréotype et le surnom de « miroir avec une mémoire ». À la même période, en Angleterre, William Henry Fox Talbot invente le procédé négatif-positif sur papier, le négatif étant baptisé « calotype », et le positif, « papier au sel d'argent ».

Les deux procédés ont des caractéristiques bien différentes. Dans le cas du daguerréotype, la définition de l'image est précise (c'est la démocratisation de l'optique) et parfaitement égale, tandis que le « papier au sel d'argent » fait ressortir les larges masses et accentue le flou. L'impression par contact à travers un négatif obscurcit les détails et le contour.

Trou de mémoire, la beautéinattendue

Le daguerréotype et le calotype

Au XIXe siècle, grâce aux réseaux de la presse et au service de messagers, le daguerréotype et le calotype deviennent célèbres dans le monde entier, bien que le premier ait joui d'une plus grande popularité, n'étant assujetti à un aucun brevet d'invention, sauf en Angleterre. Ces merveilleuses inventions parviennent au public canadien au printemps de 1839. La Gazette de Québec, le Patriot de Toronto et le Halifax Colonial Pearl consacrent des articles au daguerréotype et au « nouvel art de peindre avec le soleil » de Talbot. Des daguerréotypistes itinérants installent leurs studios dans des chambres d'hôtel ou des magasins dotés de lucarnes et prennent le portrait de leurs clients, ou de leurs « patients », comme on les appelle quelquefois. La tâche est ardue : longues périodes d'exposition, mauvais temps, températures changeantes et conditions de travail difficiles expliquent le succès mitigé des premiers photographes. Il subsiste peu de photographies de cette époque.

Les journaux canadiens du temps rapportent que deux Américains, Halsey et Sadd, ont installé leurs studios à Montréal et à Québec en 1840 et qu'une dame Fletcher a ouvert un studio à Montréal en 1841 (sans doute la première femme photographe au Canada). Thomas Coffin Doane est un des rares daguerréotypistes qui ait réussi à Montréal. En compagnie de son associé William Valentine, il visite Terre-Neuve en 1843 et réalise quelques portraits. Il est surtout célèbre pour ses daguerréotypes de lord Elgin et de sa famille et de Louis-Joseph Papineau. En 1855, il obtient, conjointement avec Eli J. Palmer, une mention honorable au concours de l'Exposition de Paris. À Toronto, où travaille Palmer, plusieurs studios sont florissants à de brèves périodes de temps, mais leurs travaux sont aujourd'hui perdus. Il n'empêche que, de 1847 à 1870, Palmer a produit des daguerréotypes et les populaires cartes de visite, petites photos collées sur un carton rigide utilisées à cet effet ou consignées dans les vieux albums de famille pour les générations futures.

Daguerrotype, vers 1850

Le procédé du collodion humide

La carte de visite a été popularisée en France par André Adolphe Disdéri qui, en 1859, prend la photo de l'empereur Napoléon III et en tire un grand nombre de copies de petits formats. Notables et gens de classe moyenne se ruent alors dans les studios pour se faire photographier. La reproduction des clichés gagne en qualité grâce au procédé du collodion humide mis au point en 1851 par un Anglais, F. Scott Archer. Cette méthode permet d'obtenir des négatifs sur verre d'une grande netteté et, grâce au tirage par contact, une épreuve positive finement détaillée, le verre autochrome. Ce procédé, comme celui de Talbot, permet de faire de nombreuses copies tout en conservant une parfaite netteté des détails.

Le procédé du collodion humide accélère la prise et la reproduction des photos, mais selon les standards d'aujourd'hui, il s'avère trop difficile. L'opérateur doit recouvrir la plaque de l'émulsion, puis l'exposer et la développer avant qu'elle ne sèche et ne perde de sa sensibilité. Néanmoins, au XIXe siècle, le procédé facilite l'activité des photographes. En 1851, le Canadian Directory de Lovell ne mentionne que 11 daguerréotypistes, mais en 1865, le Canada Classified Directory en recense plus de 360.

Le photographe le plus célèbre de l'époque est William Notman, dont l'influence se fait sentir à Halifax, à Saint-Jean, à Montréal, à Ottawa, à Toronto et aux États-Unis. En 1858, il prend des photos des travaux de construction du pont Victoria à Montréal, le pont tubulaire le plus long au monde à cette époque. Conscient de la portée historique de la cérémonie, il photographie l'inauguration du pont, en 1860, par le prince de Galles. Notman se voit conférer le titre de photographe de la Reine. Sa célébrité grandissante lui attire une large clientèle et son commerce prospère. Au cours des années 1870, Notman, ses fils et ses assistants produisent quelque 14 000 négatifs par année.

Notman excelle aussi dans le montage photographique. Chaque image est composée de plusieurs photos, découpées et assemblées en un tableau qu'il rephotographie. Il réalise un ambitieux montage du Carnaval de patinage, en 1869, composé de près de 300 photos. Pionnier au Canada de l'utilisation du magnésium, il recrée dans ses studios montréalais plusieurs scènes très élaborées montrant des Indiens.

Custom House, Montréal

À la même époque, à Québec, le studio de Ellison & Co. produit d'élégants portraits reconnus pour leur simplicité, leur spontanéité et leur force. Le studio dispose de décors extravagants, mais utilise aussi des accessoires conventionnels, comme des colonnes et des tentures, pour personnaliser la scène. La production comprend portraits, cartes de visite et cartes d'affaires des dignitaires de Québec. Les cartes d'affaires sont une version agrandie des cartes de visite et ont fait la joie des collectionneurs de 1868 jusqu'à la Première guerre mondiale.

Les albums de photos et les stéréogrammes sont aussi très populaires au XIXe siècle. Les stéréogrammes d'alors sont l'équivalent de la télévision actuelle. « Pas de maison sans stéréoscope » est l'argument de vente de la compagnie London Stereoscopic. Des images du monde entier ornent les salons de la classe moyenne. L'image stéréographique s'obtient grâce à une caméra dotée de deux lentilles séparées par une distance égale à celle qui sépare les deux yeux. Il en résulte deux images presque identiques qui, vues à travers un stéréoscope, donnent l'impression d'être en trois dimensions.

Comme dans les albums de montages photographiques, les paysages et l'architecture sont des sujets fréquemment photographiés en stéréogrammes. L'un des premiers photographes à publier un recueil de clichés est Samuel McLaughlin qui, en 1858-1860, montre des vues de Québec et des environs rassemblées dans The Photographic Portfolio. Sa photo la plus célèbre, The Ice Boat, montre une scène croquée sur le Saint-Laurent, encadrée par la Citadelle de Québec. Il devient, en 1861, photographe officiel du gouvernement et sa première tâche consiste à photographier la construction des édifices du Parlement. Dans l'esprit du gigantisme de ces travaux, McLaughlin utilise des plaques énormes allant jusqu'à 27 pouces par 36 pouces. Même si le collodion humide s'avère un procédé difficile à manier, il réussit à produire, en 1861, 24 négatifs de tailles variées.

Un autre photographe, Alexander Henderson, est célèbre pour ses oeuvres publiées dans Canadian Views and Studies et Photographed from Nature, une série d'albums parus au milieu des années 1860. Ses photographies sont caractérisées par un sens aigu de l'espace propre au paysage canadien et par une attention particulière au temps comme aux saisons.

Femme Ojibwa avec bebe

La photographie passe à l'Ouest

Au tout début, l'activité photographique se limitait aux principales villes du Haut-Canada et du Bas-Canada. Vers 1850, la poussée vers l'Ouest commence, stimulée par la découverte d'or en Colombie-Britannique, par le désir de protéger les colonies isolées contre l'expansion américaine et par les visées commerciales du gouvernement. En s'efforçant de rapporter des images du pays malgré un environnement hostile, les photographes du XIXe siècle ont fait preuve d'héroïsme et de ténacité.

L'un des premiers est Humphrey Lloyd Hime. Il participe à l'expédition vers l'Ouest mandatée par le gouvernement dans les territoires d'Assiniboine et de Saskatchewan afin de préparer le terrain à la colonisation et à l'exploration. Les photographies des Prairies, publiées dans le London Illustrated News, sont saisissantes de sobriété et de simplicité. En 1871, Benjamin Baltzly, un employé de Notman, accompagne l'expédition de la Commission géologique du Canada, sous la direction d'Alfred Selwyn, afin de trouver un moyen de prolonger la voie du Canadien Pacifique et d'encourager la Colombie-Britannique à se joindre à la Confédération.

Une fois la Colombie-Britannique ouverte à la colonisation, l'esprit pionnier de quelques photographes est piqué sinon enflammé par la ruée vers l'or des années 1850 et 1860 : c'est du matériel photographique de premier plan. Charles Gentile a amassé un grand nombre de clichés historiques illustrant la ruée vers l'or de la rivière Leech, en 1864. L'Anglais Frederick Dally photographie les terrains aurifères de Cariboo ainsi que Barkerville, une ville-champignon. D'après les journaux de l'époque, il aurait accompli un « remarquable travail sur les visages », probablement des portraits.

Un autre Anglais, George Robinson Fardon, photographie l'île de Vancouver. Ses clichés, et ses vues panoramiques de Victoria, composées d'une multitude de petites photos savamment associées pour donner l'impression d'un vaste panorama, sont présentés lors de l'Exposition universelle de Londres, en 1862. Francis G. Claudet, fils du célèbre daguerréotypiste français Antoine Claudet, arrive sur la côte du Pacifique en 1859 pour occuper le poste de vérificateur en chef des métaux précieux en Colombie-Britannique. Il réalise au moins deux albums de photos, dont certaines ne semblent pas être de lui. À l'époque, il n'est pas rare que les photographes achètent ou accumulent des clichés qu'ils publient ensuite sous leur nom, rendant difficile la tâche de les identifier.

Quelques-unes des plaques réalisées par Dally sont achetées par Richard et Hannah Maynard, deux photographes réputés de la Colombie-Britannique. Hannah Maynard ouvre un studio spécialisé en portraits à Victoria en 1862. C'est auprès d'elle que Richard Maynard apprend son métier, et il signe un bon nombre de vues de la province dans les années 1870 et 1880.

Portrait de femme, 1890

Les améliorations techniques de la fin du XIXe siècle

Vers la fin des années 1870, l'utilisation de la plaque sèche à la gélatine est très répandue, et les photographes n'ont plus à préparer des plaques sur le terrain. Les plaques sèches font partie du matériel standard des expéditions gouvernementales, comme lors de l'expédition britannique vers le pôle Nord. Résistant aux pires tempêtes de neige, les explorateurs atteignent le point le plus septentrional à ce jour, et deux d'entre eux, Thomas Mitchell et George White, réussissent à préserver des intempéries plus de 100 plaques, dont l'une sous une température de -45°C.

Les améliorations techniques vont ouvrir la voie à l'instantané. À cause d'un équipement encombrant, de l'imperfection des lentilles et des basses vitesses d'exposition, il était jusqu'ici extrêmement difficile de photographier des scènes en mouvement. Il est à signaler néanmoins deux instantanés remarquables : une photo prise par James Inglis du cortège funèbre lors des obsèques de Thomas d'Arcy McGee à Montréal en 1868 et une photographie anonyme prise la même année du feu de joie en face du Parlement. En 1885, le capitaine James Peters réussit à photographier la bataille lors du soulèvement des Métis dans l'Ouest, grâce à un appareil pourvu d'un magasin facilitant le changement des plaques après chaque photo.

En 1888, George Eastman invente l'appareil photo à main, le Kodak, qui obtient un succès immédiat. L'appareil est chargé d'un film de 100 poses. Une fois la pellicule exposée, l'appareil est retourné à la compagnie avec le film à l'intérieur. Kodak retire le film, le développe, en tire des épreuves, place une bobine neuve dans l'appareil et renvoie le tout au client. « Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste » constituait une publicité honnête.

Au fur et à mesure que le nombre de photographes amateurs augmente, des clubs naissent un peu partout et quelques excellents photographes sortent du lot. La Toronto Amateur Photographic Association est mise sur pied en 1888, et, à l'instar du Toronto Camera Club, l'association commence à produire des expositions à partir de 1891. En 1905, Sidney Carter, membre-associé de Photo Secession, fonde le Toronto Studio Club sur le modèle du Linked Ring, en Angleterre, qui, pendant un an, croit aux vertus de l'image visiblement retouchée.

La photographie se voit reprocher d'être un procédé mécanique qui se passe de l'intervention du photographe. Dans l'espoir de donner une preuve évidente de l'intervention manuelle surgissent alors plusieurs photographes partisans des retouches. Par contre, au même moment, d'autres préconisent la photo non retouchée, comme expression authentique du médium. Le fossé existant entre les « artistes », ou partisans des retouches, et les puristes fait écho aux différences qui séparent le calotype du daguerréotype.

Les artistes photographes recourent à divers procédés pour atteindre leur objectif. La gomme bichromatée, le cyanotype et le décalque de gélatino-bromure permettent au photographe d'intervenir au moment où l'émulsion est appliquée sur le papier. De façon moins évidente, mais sans qu'ils aient besoin d'utiliser de tels procédés, les photographes peuvent aussi, entre autres, prendre une photo hors focus afin d'obtenir une atmosphère éthérée, impressionniste, plutôt qu'un contour bien défini du sujet. Dans les premières décennies du XXe siècle, Harold Mortimer-Lamb, ingénieur britannique qui a travaillé en étroite association avec Carter et avec le Toronto Camera Club, ainsi que John Vanderpant, Hollandais établi à Vancouver, réalisent des portraits en flou romantique en se concentrant sur les effets d'ombre et de lumière, de masse et de ton.

Eric Brown

Dans les années 30, Vanderpant adopte un autre style : il s'intéresse aux possibilités de la photographie standard. Il participe activement aux salons internationaux, et son talent est reconnu par les photographes américains. En 1926, Vanderpant et Mortimer-Lamb ouvrent une galerie, consacrée au studio de photos, aux oeuvres d'art et aux antiquités. Leur association est de courte durée, mais la galerie a poursuivi ses activités, permettant notamment à des membres du Groupe des Sept d'y exposer leurs oeuvres.

La Galerie nationale du Canada lance en 1934 son premier Salon international annuel de la photographie d'art, événement qui marque le début de son intérêt pour le médium. Jusque vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la Galerie organise des expositions itinérantes. Le Bureau de Téléfilm Canada a une section photo, une tradition maintenue par l'organisme qui prend la relève, l'Office National du Film, créé en 1939. À l'origine, le service est mis sur pied pour servir de banque d'illustrations aux divers ministères fédéraux. La presse et les journaux de tout le pays y auront bientôt accès. Un groupe actif d'éditeurs fournissent, chaque semaine, des histoires en photos aux publications canadiennes et étrangères.

Le photojournalisme

Cette reconnaissance par le gouvernement de la valeur documentaire des photographies permet l'essor du photojournalisme au Canada. William James et Arthur Goss sont, dès avant 1914, des photographes très actifs et rassemblent de fort intéressantes collections. L'un des premiers efforts pour documenter les événements de guerre se produit lors de la Première Guerre mondiale. L'Office canadien des archives militaires est créé en 1916, à la demande de Max Aitken (lord Beaverbrook). Une de ses tâches est de mettre en lieu sûr les photos prises au front, pour conserver de façon permanente le souvenir vivant des événements. William Ivor Castle, un Anglais, devient photographe officiel du Canada et se rend en France en 1916. Il en ramène une série de photographies, les premières à bénéficier d'une aussi large diffusion, et pendant deux ans, les présente lors d'une exposition itinérante dans toute l'Amérique. Ces photos d'hommes se hissant hors des tranchées sont perçues comme une reproduction fidèle de la guerre. En réalité, il semble qu'elles aient été prises lors d'entraînements ou de mises en scène loin de la ligne de feu et découpées par la suite de façon à éliminer tout élément ne se rapportant pas directement à la guerre. De véritables instantanés, cette fois, des combats importants auxquels prenaient part les Canadiens de 1917 à la fin de la guerre ont été pris par William Rider-Rider, un autre Anglais engagé par l'Office canadien des archives militaires.

« Dead Troops Talk »

La vogue grandissante des magazines illustrés offre aussi de nouveaux débouchés aux photojournalistes. Le Montréal Standard et le New World de Winnipeg sont les premiers à commander des photoreportages dans les années 40. Le Français Henri Paul, photographe au Montréal Standard et habitant à Montréal, est célèbre pour sa couverture des productions du Théâtre du Nouveau Monde. Il est l'un des premiers photographes, au Canada, à utiliser un appareil 35 mm, convenant bien aux besoins du photoreportage. Weekend prend la relève du Montréal Standard dans les années 50 et devient un magazine d'envergure nationale et, à ce titre, entre en compétition avec le Star Weekly de Toronto. Ces publications retiennent les services de Kryn Taconis, John Reeves, John de Visser, Lutz Dille, Michel Lambeth, Walter Curtin, Chris Lund, John Max et Yousuf Karsh. Célèbre portraitiste, ce dernier installe son studio à Ottawa en 1932. Alliant des éclairages dramatiques en studio et des poses classiques du sujet, Karsh photographie les célébrités et autres grands de ce monde.

Galeries et publications

Un regain d'activité sans précédent anime le monde de la photographie à la fin des années 60. L'Office national du film entame un programme de publications et inaugure à Ottawa une galerie de photos. En plus de regrouper les oeuvres des principaux photographes canadiens de l'époque, l'ONF organise des expositions itinérantes et produit du support matériel, comme des catalogues et des présentations audiovisuelles. En 1985, le Musée canadien de la photographie contemporaine est créé. Il poursuit le mandat de la collection de photos et du programme d'expositions de l'ONF, mais s'associe ensuite au Musée des beaux-arts du Canada (nouveau nom de la Galerie nationale du Canada, à partir de 1984). En 1967, sous la direction du conservateur (section photographie) James Borcoman, la Galerie nationale monte une collection internationale, surtout axée sur des photos historiques. Les Archives nationales du Canada possèdent une collection de photos documentaires canadiennes qui va du milieu du XIXe siècle à aujourd'hui. Ces trois organismes gouvernementaux mettent tout en oeuvre pour présenter une vue d'ensemble de l'activité photographique nationale et internationale, sans se chevaucher ni se faire compétition.

La photographie n'a pas encore obtenu la reconnaissance des galeries et des musées au même titre que les autres formes d'art. Seules le Musée des beaux-arts du Canada et la Galerie d'art de Winnipeg emploient des conservateurs à temps plein pour la section photographie et accordent des fonds pour enrichir leurs collections. Des expositions individuelles, organisées localement par des commissaires invités, sont toutefois bien accueillies par le public dans plusieurs villes. Depuis 1973, le Conseil des Arts du Canada organise des programmes d'aide et offre des fonds aux nombreux centres gérés par les artistes qui se spécialisent en photographie. Il octroie également des bourses à des photographes ou à des galeries pour les aider à financer des expositions spéciales.

En 1967, un groupe de photographes fonde un mensuel bilingue appelé Foto Canada, magazine imprimé en gravures et mettant ainsi l'accent sur de hauts standards de qualité en matière de photographie au Canada. Malheureusement, faute de soutien financier, il doit fermer ses portes un an plus tard.

Dans les années 70, les magazines de photo affichent différentes attitudes à l'égard du médium. Impressions, Image Nation et Impulse présentent des photographies contemporaines, parfois inusitées. Le magazine montréalais OVO promeut la photographie au rang d'instrument de communication et de changement social. Photo Communiqué sert de tribune et d'intermédiaire aux gens de la profession et offre une analyse critique des oeuvres historiques et contemporaines.

Plus récemment, quantité de catalogues d'expositions de photos ont été publiés par les musées et les centres d'artistes autogérés, comme Dazibao, à Montréal, qui expose seulement des photographies, et des articles à ce sujet paraissent régulièrement dans les pages de magazines d'art comme Parachute et Canadian Art.

Dans les années 70, le Canada, comme les États-Unis et l'Europe, connaît un regain d'intérêt pour la photographie « artistique » et voit s'ouvrir des galeries commerciales vouées exclusivement à l'image photographique : la galerie Yajima à Montréal et la galerie Nova à Vancouver. La galerie Yajima expose les scènes de rue croquées par Charles Gagnon, par Tom Gibson et par Gabor Szilasi, les oeuvres de Lynne Cohen sur les intérieurs contemporains et les paysages de Geoffrey James. La galerie Nova expose les oeuvres en couleurs grand format de l'artiste photographe de renommée mondiale Jeff Wall, dont le vocabulaire visuel emprunte à la publicité dans les médias et à l'histoire de l'art.

New York

La galerie de photographie de Saskatoon ouvre une salle d'exposition et un atelier gérés en coopération, qui constituent encore aujourd'hui un centre important de l'activité photographique dans l'Ouest du Canada. Les premières expositions montrent des oeuvres autobiographiques retraçant la vie de Sandra Semchuk. Galerie Ville, à Québec, et le Photographer's Workshop, à Toronto, sont aussi des endroits qui accueillent des expositions de photographies récentes. Au nombre des compendiums de photographie canadienne figurent le Banff Purchase publié en 1979 par le Banff Centre, 1984 Canadian Contemporary Photography publié par la section photo de l'Office national du film du Canada et l'oeuvre qui fera date, Montréal au XXe siècle : Regards de photographes publié par Michel Lessard.

En 1985, le Musée canadien de la photographie contemporaine est fondé à Ottawa dans le but de poursuivre le mandat de la section photo de l'Office national du film. En 1989, sous l'impulsion du regroupement montréalais Vox Populi, commence, sous le titre « Mois de la Photo », une série d'expositions semestrielles dans toutes les villes d'oeuvres photographiques nationales et internationales. Le magazine montréalais CV Photo se spécialise dans la photographie contemporaine canadienne et surtout québécoise.

Les départements d'art, dont ceux de l'Université Concordia, de l'Université d'Ottawa et du Nova Scotia College of Art and Design University, commencent, dans les années 70, à offrir des programmes d'études de premier et deuxième cycles en photographie. Leurs étudiants sont imprégnés du discours théorique sur la photographie de Susan Sontag, Roland Barthes et autres.

Il en résulte qu'au Canada, la photographie des années 80 et des années 90 montre une pluralité fascinante. Certaines photos intègrent des éléments de sculpture et d'installation. Elles traduisent dans bien des cas l'influence de la théorie de l'art et une réflexion théorique sur le médium. Le projet en trois volets de Donigan Cumming, Reality and Motive in Documentary Photography, réalisé dans les années 80, s'inspire de la « déconstruction » des procédés classiques de la pratique documentaire, par l'usage excessif de lumière, d'accessoires et de poses et par l'intervention évidente du photographe.

    Une préoccupation nouvelle concerne la représentation historique et médiatique des groupes dits marginaux. Ainsi, la façon dont les femmes sont représentées est le sujet d'étude des images de Shari Hatt et de Nicole Jolicoeur, les enfants d'immigrants canadiens le sont dans les installations photographiques de Vid Ingelevics et de Jin-me Yoon, et celle des Premières Nations dans l'oeuvre de Shelly Niro et d'Arthur Renwick. Le commentaire écrit associé ou ajouté aux photographies de paysages de Mark Ruwedel et de Chris Dikeakos témoigne de l'aspect « invisible » de l'histoire culturelle, environnementale, industrielle ou militaire du pays. Angela Grauerholz et Geneviève Cadieux réalisent des oeuvres grand format qui mêlent le questionnement de nature esthétique et philosophique aux propriétés de dénotation propres à la photographie.

À la fin des années 90, le regroupement des trente ans de séquences autobiographiques de Raymonde April donne lieu à une étude pertinente et poétique de la nature de la photographie en soi. Les photos érotiques en « Polaroïd » couleur, par lesquelles Evergon rend hommage à l'histoire de la peinture, ont fait l'objet d'expositions dans le monde entier et ont remporté le plus vif succès. La photographie canadienne au debut du nouveau siècle jouit d'une réputation exceptionnelle à l'extérieur du pays. Au pays, ce domaine constitue un terrain fertile pour l'une des activités artistiques les plus accomplies.

« Jubilation of Eve »

Pensez comme un historien : La bataille de la crête de Vimy