Politique culturelle
La politique culturelle en général a trait aux mesures adoptées par un gouvernement pour appuyer ou protéger les activités dans des secteurs considérés comme culturels. Une grande part de la confusion entourant les buts de la politique culturelle tient du mot CULTURE lui-même, un terme d'ordre général dont les racines remontent au mot latin cultura, qui signifie culture du sol. Dans un premier sens, le terme désigne l'expression artistique et, dans ce sens, la politique culturelle est étroitement liée au financement gouvernemental et à la promotion des arts (voirFINANCEMENT DES ARTS, DU PATRIMOINE ET DES INDUSTRIES CULTURELLES). De tout temps, les sociétés reconnaissent le pouvoir de l'art et la plupart honorent et encouragent les artistes. Au XXe siècle, les États en viennent à reprendre le rôle joué auparavant par l'Église, la royauté ou les mécènes.
Dans une autre acception, la culture est associée aux COMMUNICATIONS et à la « culture de masse » avec la radiotélévision, le cinéma, l'édition, la vidéo, l'enregistrement sonore, les nouveaux médias. L'expression de la culture est de plus en plus liée au développement des industries culturelles, dont le rôle est capital non seulement pour la diffusion des œuvres mais aussi par son impact sur la façon dont la culture elle-même est perçue.
La notion de culture possède une dimension encore plus vaste, élaborée par la philosophie mais qui trouve son champ d'application principal en sciences sociales. Cette définition de la culture ne recouvre rien de moins que l'ensemble complexe qui réunit les connaissances, les croyances, les arts, les lois, la morale, les coutumes et toutes autres habiletés et mœurs acquises par l'homme en société ou selon les mots de l'UNESCO, « façons de vivre ensemble ». Dans cette optique, la culture est perçue comme un bien public et les politiques culturelles soulignent l'importance de sauvegarder et de stimuler l'identité culturelle ou, à tout le moins, de créer un environnement dans lequel une culture originale puisse se constituer. De telles politiques sont souvent mises de l'avant en réaction à des pressions externes. Dans le cas du Canada, cette pression provient depuis toujours de la présence envahissante des États-Unis.
Bien qu'il n'existe pas de définition officielle de la culture et pas de politique culturelle dominante au Canada, les nombreuses initiatives entreprises par les gouvernements canadiens pour supporter la culture contiennent des éléments de chacune de ces définitions. Les gouvernements fournissent des fonds et autres mesures pour aider les arts. Ils administrent des programmes et des réglementations qui aident les industries culturelles. Aussi diverses que soient ses manifestations, leur finalité intrinsèque est de créer un environnement dans lequel la créativité canadienne peut s'épanouir et les Canadiens ont accès aux fruits de l'imagination, du patrimoine et de l'histoire du Canada.
Le marché culturel au Canada
Même dans un monde inondé de produits culturels américains, le marché culturel au Canada se retrouve dans un déséquilibre unique. Partageant avec les Américains la même langue et vivant près de leur frontière, les Canadiens sont de grands consommateurs de biens culturels étrangers et principalement américains. La grande majorité des livres, des films et des disques achetés ici sont produits à l'extérieur du Canada pour les marchés étrangers. La plus grande partie des revenus de la vente de ces produits au Canada quitte le pays plutôt que de revenir à des Canadiens qui pourraient être enclins à contribuer à financer le développement de talents canadiens.
Les firmes étrangères enregistrent 46 p. 100 des ventes intérieures de livres au Canada, 81 p. 100 des périodiques en langue anglaise en kiosques, 84 p. 100 des recettes de l'industrie du disque et 98 p. 100 du temps de projection dans les cinémas canadiens. En bref, les producteurs canadiens n'ont qu'un accès très limité à leur propre marché, alors que les firmes étrangères, dont les économies d'échelle leur procurent un avantage insurmontable, tirent d'énormes profits de leurs opérations au Canada. Cependant, c'est le secteur appartenant à des intérêts canadiens qui est grandement responsable de la présentation d'œuvres canadiennes au public canadien. Les firmes étrangères distribuent du matériel canadien sur le marché domestique et à l'étranger, particulièrement après que le créateur ou l'artiste a connu un succès commercial, mais les maisons de production appartenant à des intérêts canadiens sont les principaux distributeurs d'œuvres canadiennes sur le marché canadien.
En tant que pays démocratique dont les frontières sont ouvertes aux produits de nombreuses nations, le défi du Canada est de créer des conditions pour le développement de ses propres industries artistiques, culturelles et du patrimoine. Aujourd'hui, il s'agit également de parvenir à formuler des politiques culturelles qui sont le reflet des réalités fondamentales du pays, comme la coexistence de deux communautés linguistiques - par conséquent, la segmentation et la différenciation du marché culturel -, une situation géographique marquée par de grandes distances qui ont créé d'immenses disparités régionales et une importante population autochtone dispersée dans tout le pays et représentant bon nombre de traditions culturelles et de langues composant une diversité ethnique, raciale et linguistique grandissante et, finalement, une constitution qui n'offre à aucun ordre de gouvernement une responsabilité unique ou même dominante sur la culture.
Ces caractéristiques forment en grande partie le caractère distinctif et la complexité du Canada et l'aident à définir une politique culturelle. Quel que soit l'avenir de la politique culturelle - il s'agit d'une entreprise loin d'être achevée dans ce pays -, il est impossible de ne pas tenir compte de ces réalités fondamentales.
Historique de la politique culturelle
La première forme d'aide à la culture au Canada apparaît au XIXe siècle, alors que l'intérêt naissant pour les choses du passé a valu aux archives et aux musées un financement timide. Bien que les ARCHIVES NATIONALES DU CANADA ne soient constituées qu'en 1903, la tradition archivistique remonte au temps de la Nouvelle-France. Le Musée national du Canada, devenu plus tard le MUSÉE CANADIEN DE LA NATURE, voit le jour en 1841 de l'octroi par la reine Victoria d'une somme de 1500 £. Ces mesures constituent déjà une reconnaissance de l'importance des archives et des objets culturels pour la préservation du patrimoine. La participation sérieuse du gouvernement canadien se fait cependant attendre jusqu'après la Deuxième Guerre mondiale, dans la foulée d'un accroissement général du rôle du gouvernement dans la vie sociale qui s'accélère après la Crise des années 30.
Le pouvoir des communications fait ses preuves pendant la Première Guerre mondiale, avec la tentative gouvernementale de contrôler la perception du conflit par la propagande et par une censure généralisée. Le gouvernement embauche alors des ARTISTES DE GUERRE pour illustrer la participation du Canada à la guerre. C'est toutefois l'avènement de la radio dans les années 20 qui suscite la prise de conscience par les autorités de la nécessité d'une politique nationale.
En 1928, la technologie radiophonique canadienne est encore rudimentaire, mais les stations américaines diffusent déjà librement outre-frontière. La Commission royale de la radiodiffusion (Commission Aird) est donc mise sur pied. Son rapport (1929) recommande l'établissement d'un système sous le contrôle de l'État, capable « de susciter un esprit national et de rendre l'essence de la citoyenneté nationale » . Tour à tour, le cinéma, la télévision et d'autres technologies soulèveront les mêmes inquiétudes.
Les pressions de la Ligue canadienne de la radio (fondée en 1930) ont une influence majeure sur la concrétisation des recommandations de la Commission Aird et sur la fondation en 1936 de la SOCIÉTÉ RADIO-CANADA, financée par des fonds publics. D'autres groupements sans but lucratif apparaissent au cours des années 30 et 40.
Parmi ceux-ci, la Federation of Canadian Artists, une association de plusieurs groupes artistiques dont les dirigeants incluent le compositeur torontois, Sir Ernest MACMILLAN et l'architecte montréalais Ernest CORMIER, est l'une des premières à demander au gouvernement d'appuyer les arts. Les groupes artistiques font pression auprès du Comité spécial Turgeon de restauration et rétablissement (1944) pour la création d'un conseil voué à la promotion de la culture. Ces activités contribuent à une prise de conscience des questions culturelles et établissent le cadre des développements ultérieurs.
Le rapport de la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR L'AVANCEMENT DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES AU CANADA (Commission Massey, 1951) demeure le document le plus complet et le plus influent pour le développement d'une politique culturelle canadienne. Le rapport souligne l'extrême vulnérabilité du Canada face à l'influence américaine et souligne que les journaux, livres, revues et autres produits américains inondent le pays. De plus, la commission constate avec embarras que ce que les arts peuvent recevoir d'appui au Canada provient principalement de fondations américaines, dont 7,3 millions de dollars de la Fondation Carnegie et 11,8 millions de dollars de la Fondation Rockefeller. Le rapport conclut que le Canada a payé le prix fort pour cette dépendance facile, par la perte de talents, l'appauvrissement de nos universités et « l'acceptation aveugle d'idées et de conceptions étrangères à notre tradition » .
Le rapport note comme exemple typique que sur 34 enfants canadiens d'une classe de 8e année, 19 savent ce que signifie le 4 juillet et 7 seulement savent ce qu'est le 1er juillet. La fondation de la BIBLIOTHÈQUE NATIONALE (1953) et celle du CONSEIL DES ARTS DU CANADA (1957) sont au nombre des résultats concrets du rapport. Le rapport soulève aussi de façon éloquente des questions fondamentales sur le sens de la SOUVERAINETÉ, la responsabilité qu'a le gouvernement de stimuler la créativité de ses citoyens et les problèmes particuliers que le Canada doit surmonter pour survivre à l'assaut culturel des États-Unis.
Le rapport de la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LA RADIO ET LA TÉLÉVISION (1957) va dans le même sens en soulignant « la nécessité d'instaurer un système de radiotélédiffusion qui puisse aider à établir une identité culturelle canadienne qui réponde particulièrement aux empiétements américains » (voirRADIODIFFUSION ET TÉLÉDIFFUSION). La COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LES PUBLICATIONS est formée pour examiner les préoccupations de l'industrie du magazine, qu'elle considère dans son rapport (1961) comme « une composante de notre patrimoine national qui reflète davantage que notre intérêt pour le marché » .
La Royal Commission on Book Publishing (Ontario, 1972) reconnaît que la portée culturelle de l'édition pour la société dépasse de beaucoup sa portée économique. Des appuis supplémentaires viennent du Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse (1970), de la Commission royale sur les quotidiens (1981) et du rapport du COMITÉ D'ÉTUDE DE LA POLITIQUE CULTURELLE FÉDÉRALE (1982). Le Groupe de travail sur le statut de l'artiste amène une législation fédérale sur le statut de l'artiste et sur les rapports professionnels entre artistes et producteurs au Canada (1992). Le Groupe de travail sur les Musées nationaux mène à l'abolition de la Corporation des musées nationaux et, en 1990, il fait des quatre musées nationaux des sociétés de la Couronne autonomes (voirMUSÉES NATIONAUX DU CANADA).
Un certain nombre de thèmes reviennent au long de ces enquêtes. Le premier est qu'il faut encourager la culture canadienne par l'injection de fonds publics et la protéger par une réglementation gouvernementale. Dans les faits, les dépenses en matière de culture grimpent de façon abrupte pour atteindre en 1997-1998 un total de 5,6 milliards de dollars pour l'ensemble des gouvernements. On admet que les industries culturelles canadiennes sont lourdement désavantagées parce qu'elles n'ont pas accès à un marché suffisamment vaste pour leur permettre des économies d'échelle et parce qu'une grande part des revenus de la distribution des produits culturels est drainée hors du pays.
En second lieu, la plupart de ces rapports mentionnent que l'aide à la culture doit être accordée sans ingérence politique et que les principales agences culturelles doivent jouir d'une autonomie au regard du pouvoir politique. En dernier lieu, ces enquêtes traduisent la conviction que l'activité culturelle a une grande importance pour le caractère et la qualité de notre mode de vie et la survie d'une société canadienne distincte.
Il va sans dire que ces principes sont contestés et que les mesures prises pour les appliquer suscitent souvent la controverse, notamment par des affrontements sur le PARTAGE DES POUVOIRS.
L'AANB de 1867 n'aborde pas nommément la notion de « culture » , sauf en ce qui a trait à l'ÉDUCATION, qu'il confie aux provinces. En 1932, le Québec et l'Ontario contestent le droit du gouvernement fédéral de régir la radiodiffusion. La compétence fédérale est confirmée par les tribunaux, mais les affrontements se répètent chaque fois qu'arrive une nouvelle technologie.
Le point de vue du Québec a toujours été que le pouvoir provincial en matière d'éducation englobe tout ce qui est nécessaire à la préservation de la culture canadienne-française. Le développement du Québec dans les années 60 mène à une politisation grandissante de la question culturelle. Des institutions fédérales comme le Conseil des arts du Canada, l'OFFICE NATIONAL DU FILM (ONF) et la Société Radio-Canada (SRC) sont souvent perçues au Québec comme des intrus qui affaiblissent la culture locale.
Au début des années 1970, Gérard PELLETIER, secrétaire d'État dans le gouvernement TRUDEAU, présente une politique de « démocratisation et de décentralisation » conçue pour répondre aux réalités régionales divergentes du Canada. Bien que les résultats pratiques se limitent surtout à la création d'une politique nationale sur les musées et de programmes dispersés pour les arts et le patrimoine, Pelletier est le premier (certains diront le seul) ministre fédéral à aborder la politique culturelle avec un concept unifié.
Le premier ministre Jean LESAGE crée le ministère des Affaires culturelles en 1961 en le dotant d'un budget initial de 3 millions de dollars. Le PARTI QUÉBÉCOIS le transforme en ministère d'État au Développement culturel et élargit son mandat, qui englobe désormais la langue et l'immigration. Ce ministère porte aujourd'hui le nom de ministère de la Culture et des Communications du Québec. Le Québec dépense davantage que toute autre province pour la culture. Sur près de 1,6 milliard de dollars dépensés pour la culture par toutes les provinces et territoires en 1999-2000, le Québec est responsable de plus du tiers (652 millions de dollars). À titre de comparaison, le deuxième plus important budget, celui de l'Ontario est loin derrière avec 380 millions de dollars.
En 1948, la Saskatchewan met sur pied le premier conseil des arts provincial au Canada et, en 1959, l'Alberta établit une section gouvernementale pour la culture mais la véritable explosion de l'intérêt provincial pour la culture suit, trouvant son élan dans les années 70. L'une après l'autre, les provinces mettent sur pied des ministères et des conseils responsables de la culture, le Conseil des arts de l'Ontario (1963), le Conseil des arts du Manitoba (1965), le ministère au Manitoba (1970), le ministère en Saskatchewan (1972), des ministères en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve (1973), des organismes pour les arts à l'Île-du-Prince-Édouard et en Colombie-Britannique (1974) et des ministères en Ontario et au Nouveau-Brunswick (1975).
Toutes les provinces et les territoires ont maintenant un ministère responsable de la culture, parfois en affiliation avec l'éducation, le tourisme, le développement communautaire ou autre, ainsi que des conseils des arts qui ont pour mandat de procurer des subventions et des services pour les arts. Au cours de la dernière année pour laquelle nous disposons de statistiques (1997-1998), les gouvernements provinciaux et territoriaux accordent 40 p. 100 de leurs dépenses culturelles aux bibliothèques et 27 p. 100 au patrimoine.
De façon générale, les municipalités canadiennes arrivent tard au soutien à la culture mais au cours de la dernière décennie, elles deviennent des partenaires importants. Dans les années 90, alors que les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral coupent dans les dépenses reliées à la culture, les municipalités enregistrent une augmentation de près de 20 p. 100. En 1997-98, elles sont collectivement responsables de 27 p. 100 de toutes les dépenses culturelles au Canada. Les bibliothèques en sont les plus gros bénéficiaires.
Présentement, les trois ordres de gouvernement (quatre, lorsqu'il existe un gouvernement régional) sont actifs dans le domaine de la culture au Canada. Dans la réalité constitutionnelle canadienne, aucun des niveaux n'est subordonné à un autre. La culture représente une responsabilité partagée et chaque ordre de gouvernement développe ses propres priorités et ses propres programmes à l'intérieur de son cadre stratégique et de ses contraintes budgétaires. En général, les organismes des arts, du patrimoine et des industries culturelles doivent négocier avec trois ou quatre ordres de gouvernement. Des sources locales, provinciales et fédérales offrent souvent des programmes de mêmes secteurs (parfois avec des critères et des priorités similaires ou différents).
Pour la communauté culturelle, ce système de soutien culturel, avec ses sources multiples, présente des avantages distincts. Il libère les artistes et organismes culturels d'une dépendance exclusive d'une perspective ou d'un point de vue et procure une meilleure protection de la liberté d'expression qu'un système hiérarchique. Les besoins locaux et provinciaux spécifiques peuvent être reconnus et traités alors que le gouvernement fédéral poursuit ses buts et ses normes à l'échelle nationale.
En même temps, le système canadien est intrinsèquement complexe et diversifié, avec plusieurs centres décisionnels et, au-delà des objectifs généraux de favoriser la créativité et l'accès, très peu de singularité de but. Il est assujetti aux tensions politiques constitutionnelles, régionales et provinciales qui viennent de domaines étrangers à la culture. Pour bien fonctionner, le système dépend de la coopération plutôt que de la prescription et la coopération entre les différents ordres de gouvernement n'est pas plus facile à réaliser dans le domaine de la culture que dans les autres.
Instruments de la culture
La coexistence de ministères de la culture et des conseils sans lien de dépendance est une caractéristique qui définit bien le soutien culturel canadien, tant de la part du gouvernement fédéral que de celle de tous les gouvernements provinciaux.
En plus de ces entités, les gouvernements au Canada utilisent une vaste gamme d'instruments de soutien à la culture, incluant des institutions publiques - archives, bibliothèques, musées et centres d'art -, une législation comme les lois sur le droit d'auteur et le statut de l'artiste, un financement direct sous forme de subventions, contributions et prêts, des incitatifs financiers incluant crédits d'impôt à l'investissement, des mesures fiscales pour dons de charité et don de bien culturel, des services comme ceux offerts à la communauté muséale par l'Institut canadien de conservation ainsi qu'aux producteurs de films par les bureaux municipaux du cinéma, la réglementation sur la propriété canadienne, les exigences concernant le contenu canadien et les accords internationaux. Alors que l'attention du public et des médias se concentre sur les subventions accordées aux arts, des mesures indirectes peuvent avoir autant d'effet que le financement direct. Des lois modernes et efficaces sur le droit d'auteur, par exemple, aident à assurer un paiement approprié pour la propriété intellectuelle et par conséquent un revenu aux créateurs.
Le ministère du Patrimoine canadien (MPC), issu du précédent ministère des Communications (MDC) lors du remaniement gouvernemental de 1993, est responsable du développement culturel, des programmes et politiques touchant les arts et le patrimoine, ainsi que des industries culturelles, mais s'occupe aussi du multiculturalisme, de l'appui aux langues officielles et des sports. Cependant, certains mandats culturels auparavant sous la houlette du MDC sont maintenant dévolus au ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie (ISTC). La juridiction sur les droits d'auteur est partagée entre les deux ministères, et la radiotélédiffusion conventionnelle se trouve dans la sphère du MPC alors que les télécommunications sont du ressort d'ISTC. Le ministre du Patrimoine est chargé d'édicter les politiques culturelles liées aux investissements étrangers, mais c'est Investissement Canada (une division d'ISTC) qui veille à les mettre en œuvre. En raison de ces mandats partagés, le ministre du Patrimoine peut facilement se trouver en conflit avec d'autres ministères plus puissants.
Une grande part des politiques culturelles au Canada se concrétise au moyen d'agences culturelles, créées pour la plupart au cours des 50 dernières années. En 1936, la SRC commence à doter le Canada d'un réseau national de radiodiffusion, mais la Société reçoit un mandat plus large que précis, dont l'exécution s'avère particulièrement difficile en matière de télévision. Les amendements apportés en 1991 à la Loi sur la radiodiffusion qui élargissent le mandat de la SRC sont rapidement suivis de coupures budgétaires qui rendent le respect de ses responsabilités particulièrement difficile. Le Conseil des arts du Canada devient rapidement l'agence centrale de subventions dans le domaine artistique, bien que certains politiciens éprouvent des difficultés à accepter le principe d'autonomie essentiel au processus d'attribution des bourses par le Conseil.
À Ottawa, la COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE est créée en 1958 avec le mandat de conserver à la région de la capitale un statut digne de son importance nationale. Le CENTRE NATIONAL DES ARTS (CNA), créé par une loi du Parlement en 1966, est construit pour servir de vitrine aux arts de la scène canadiens. Il abrite un orchestre en résidence et est un des plus importants co-producteurs de danse et de théâtre au Canada.
Dans les domaines du cinéma, de la télévision et de la radio, TÉLÉFILM CANADA, l'Office national du film du Canada et la SRC soutiennent les productions canadiennes. Également, à l'intérieur du MDC, on retrouve le MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU Canada, le MUSÉE CANADIEN DES CIVILISATIONS (incluant le musée de la guerre), le Musée canadien de la nature, le MUSÉE DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE DU CANADA, les Archives nationales du Canada et la BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU CANADA. La plupart des agences ont souffert de restrictions budgétaires dans les années 1990, à la suite de la réforme gouvernementale des programmes et des budgets.
La majorité des gouvernements intervenant dans le soutien culturel offrent un financement direct, sous forme de bourses ou de contributions aux organismes culturels et artistiques et, dans certains cas, à des artistes individuels. En général, le financement de ces organismes implique des partenariats : l'aide provenant des gouvernements fédéral, provinciaux et locaux de même que de recettes, de dons et de commandites. En réalité, les partenariats entre les sources publiques et l'entreprise privée constituent une caractéristique du soutien culturel canadien.
Les gouvernements subventionnent directement les industries culturelles mais leur panoplie de mesures pour ces entités contient également différents instruments structurels et législatifs, incluant des prêts, des crédits d'investissement et d'impôt ainsi que des exigences concernant la propriété et le contenu canadien.
Les réglementations sur le contenu canadien restreignent la diffusion d'émissions étrangères à la télévision. Les stations canadiennes sont autorisées à substituer leur propre signal de CÂBLODISTRIBUTION à celui des stations américaines lorsqu'elles diffusent la même émission.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes émet des permis et contrôle la performance afin de réglementer le système de diffusion du pays. Afin de s'assurer que le système diffuse la production canadienne, il impose des quotas de contenu canadien. Cette réglementation s'applique aux services de radio et de télévision qui diffusent des programmes ainsi qu'aux systèmes de distribution (câblodistribution, satellites et système multipoint) qui offrent un service de diffusion à domicile.
Les stations de radio et de télévision doivent consacrer une part spécifique de leur temps de diffusion au contenu canadien. Dans certains cas, le CRTC exige aussi qu'un minimum de dépenses ou de nombres d'heures par année soient consacrées à certaines catégories de programmation canadienne telles que le théâtre, la musique, les variétés et les émissions pour enfants. Depuis 1989, les diffuseurs privés doivent présenter un nombre spécifique d'heures de théâtre, de musique ou de variétés à contenu canadien chaque semaine durant les heures de grande écoute.
Depuis 1971, les quotas de contenu canadien s'appliquent également à la musique diffusée à la radio. Actuellement, sauf pour les stations qui diffusent principalement de la musique instrumentale, 35 p. 100 de la musique populaire doit être canadienne. La technologie évoluant, l'application des mesures semble atteindre ses limites. Le CRTC a déjà décidé de ne pas tenter de réglementer Internet.
Avec l'arrivée de la télé par câble et les signaux américains qui entrent au Canada, les revenus publicitaires commencent à se déplacer vers les stations outre-frontière. Afin de protéger cette source de revenus, des amendements à la Loi de l'impôt sur le revenu rendent les coûts de publicité auprès d'un diffuseur canadien entièrement déductibles d'impôt tout en limitant la déduction pour la publicité auprès de stations frontalières américaines. Une loi similaire s'applique à la publicité dans les journaux et périodiques.
Comme d'autres gouvernements, le Canada impose des règles sur la propriété étrangère de certains secteurs culturels. D'après la Loi sur Investissement Canada (1985), tout investissement étranger dans une industrie culturelle est soumis à une étude. Dans le domaine du livre, les nouvelles entreprises doivent être contrôlées par des intérêts canadiens et l'acquisition étrangère d'une entreprise canadienne existante n'est permise qu'en des circonstances extraordinaires. En 1988, de nouvelles politiques sont développées pour la distribution de films qui interdisent l'acquisition étrangère de sociétés de distribution canadiennes. Bien que des distributeurs étrangers aient été parrainés selon ces politiques, il existe des limites concernant de nouveaux investisseurs étrangers et l'acquisition étrangère de sociétés appartenant à des intérêts étrangers.
En 1996, avec la convergence grandissante entre les télécommunications et la diffusion et les besoins de capital des diffuseurs canadiens, le gouvernement canadien augmente le maximum d'investissements étrangers permis dans une société de radiodiffusion. Maintenant 46,7 p. 100 d'une telle société et 100 p. 100 des ses actions sans droit de vote peuvent appartenir à des intérêts étrangers à condition que le contrôle de fait ne soit pas étranger. Ce changement rapproche les règles de la diffusion de celles appliquées aux télécommunications.
Questions et objectifs actuels
La politique culturelle du 21e siècle est liée à de nombreuses questions internationales et domestiques.
L'Accord de libre-échange est entré en vigueur en 1988, puis s'est transformé en Accord de libre-échange nord-américain en 1994, avec l'entrée du Mexique (voir LIBRE ÉCHANGE). Ces accords contiennent une « dérogation » pour les industries culturelles. Cependant, ils contiennent aussi une « clause nonobstant » qui permet à l'un des pays d'évaluer l'impact économique de nouvelles mesures culturelles adoptées par un autre pays et d'imposer en retour à ce pays des contre-mesures de valeur égale touchant n'importe quel aspect de son économie. En pratique, cela veut dire que les États-Unis pourraient répondre à une nouvelle initiative culturelle canadienne en infligeant une sanction économique à une autre industrie canadienne.
Les craintes que les accords commerciaux internationaux ne paralysent les initiatives culturelles canadiennes ont atteint un sommet en 1997, à la suite de deux événements. D'abord, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a donné raison au gouvernement américain en condamnant la taxe canadienne sur les revenus de revues vendues au Canada et ayant moins de 80 p. 100 de contenu éditorial canadien. Le jugement de l'OMC démontre de façon évidente comment une entente commerciale internationale peut restreindre les actions d'un État souverain qui tente de soutenir et de protéger sa propre culture.
La poursuite des objectifs de la politique culturelle canadienne dans l'environnement mondialisé de commerce international et de concentration d'entreprises constitue un but important du gouvernement canadien à la fin des années 1990 et au début du 21e siècle. Le gouvernement poursuit le développement d'un accord international qui reconnaîtra l'importance de la diversité culturelle et permettra aux États de mettre en œuvre des politiques qui en font la promotion. Ce nouvel instrument international, dont les détails sont à définir, chercherait à assurer que les biens et services culturels soient traités différemment des autres types de produits par les régimes de commerce international.
À cette fin, en 1998, le Canada fonde le Réseau international sur la politique culturelle, un groupe de ministres de la culture de partout dans le monde. Environ 44 nations joignent le réseau qui vise à faire de la souveraineté et de la diversité culturelles une priorité dans les affaires publiques. Afin d'impliquer des groupes de citoyens dans cette action, le gouvernement canadien soutient un réseau émergeant d'organismes non gouvernementaux venant du monde entier, le Réseau international pour la diversité culturelle, dirigé par la CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, le principal groupe de défense des arts et de la culture du Canada.
En 1995, le gouvernement canadien identifie officiellement la culture comme étant le troisième pilier de la politique étrangère canadienne (aux côtés de la sécurité et de la prospérité économique). Selon la communauté culturelle, cette déclaration tarde à se traduire en améliorations tangibles des relations culturelles internationales du Canada qui demeurent un instrument sous-utilisé de la politique culturelle. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international administre un programme de subventions pour les groupes canadiens et les individus qui font de la promotion, de la mise en marché, des expositions et des tournées à l'extérieur du Canada, programme qui offre également une assistance pour les exportateurs culturels qui entrent dans le marché international. De plus, des missions canadiennes à l'étranger, particulièrement là où des représentants officiels responsables de la culture, travaillent à la promotion de la culture canadienne et où le Canada participe à des accords internationaux sur la culture, plus particulièrement dans le domaine de la production cinématographique. Mais l'activité culturelle canadienne à l'étranger est restreinte par la faible priorité que lui accordent les Affaires étrangères.
Plusieurs considérations d'ordre domestique s'ajoutent à ces questions mondiales. Probablement la plus importante est le besoin de créer des conditions pour une pleine participation à la vie culturelle des autochtones canadiens qui présentent une diversité culturelle. Au niveau fédéral, cet objectif constitue une priorité stratégique du Conseil canadien depuis le début des années 1990. Le commentaire éclairé de Northrop FRYE selon lequel le Canada doit préserver son identité en ayant plusieurs identités est particulièrement approprié pour aboutir à une inclusion complète.
Deuxièmement, après avoir insisté sur la contribution apportée par la culture à l'économie canadienne dans les années 1980 et au début des années 1990, dernièrement, les décideurs tournent leur attention vers l'impact social de la culture sur les enfants et les jeunes, sur le voisinage et les communautés, sur la civilité et la sécurité des établissements urbains et sur les liens créés entre les citoyens. Des recherches et des études sont en cours sur le sujet et c'est en train de devenir un thème du cadre stratégique des gouvernements.
Troisièmement, la reconnaissance tardive de la valeur des arts dans l'apprentissage en jeune âge suite aux réductions dans les années 1990 des dépenses du gouvernement reliées aux arts dans le domaine de l'éducation est une question politique de taille. Des recherches sont en cours sur l'impact des arts sur l'apprentissage, mais il n'y a pas encore d'argent d'investi. L'éducation étant une responsabilité provinciale, les programmes fédéraux n'ont que très peu d'effet dans ce domaine.
Quatrièmement, bien que les développements ne soient pas complets, la politique culturelle continue à être traitée d'un point de vue multidisciplinaire et holistique. Dans la période entre les années 1950 et 1970, alors que les organismes culturels se « professionnalisaient » au Canada, les programmes et politiques étaient axés sur la discipline ou le secteur d'activités. Maintenant que les activités culturelles sont considérées comme faisant partie du continuum, toute la gamme d'activités humaines de la culture qui va de la formation et de la création à la production, la dissémination, la conservation et la consommation. Le continuum culturel est utile comme moyen d'identifier les similarités et les différences des activités culturelles et pour porter un jugement sur la faiblesse du spectre des politiques et des programmes culturels, leur inexistence ou leur force. En tant que concept unificateur, le continuum possède la valeur ajoutée d'intégrer le public (l'auditoire ou le consommateur) comme participant à part entière au processus culturel.
Finalement, la participation du citoyen à la vie culturelle, phénomène parfois appelé « démocratisation de la culture », est d'un intérêt grandissant au Canada et dans bon nombre de nations dans le monde. Par leur volonté de créer des relations plus fortes et plus profondes entre les producteurs culturels et le public et par l'élimination de la division entre les arts et la population, les gouvernements insistent sur la participation à la culture comme étant l'objectif principal de leurs politiques culturelles. Plus particulièrement au niveau de la création de nouveaux publics plus jeunes et plus diversifiés, qui constitue un objectif commun auprès des conseils des arts canadiens et des ministères de la culture au 21e siècle. Sur le terrain, cet objectif est poursuivi par plusieurs compagnies et groupes des industries des arts, du patrimoine et de la culture.
Préservation de la culture dans une société de masse
En rejetant les traditions réformatrices nées des révolutions américaine et française et ses propres éruptions républicaines des années 1830, avec les compromis entre région et nation qui caractérisent la Confédération, le Canada émerge de son passé colonial doté d'une culture politique distinctive. Ironiquement, pendant que les Canadiens pensent à exploiter l'avantage de leur diversité, leur environnement culturel se transforme rapidement en un fragment du marché américain de l'entertainment. Le décret créant la Commission Massey souligne qu'il est « dans l'intérêt national d'encourager les institutions qui expriment le sentiment de la collectivité, favorisent la bonne entente et apportent de la variété et de l'abondance à la vie canadienne » . Les mêmes TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION qui offrent tant de perspectives pour la réalisation de ces objectifs servent tout autant à soumettre les Canadiens aux mythes, aux angoisses et aux valeurs préfabriquées d'une société étrangère.
Le but ultime de la politique culturelle est de créer des conditions propres à encourager toutes les formes de créativité. Les valeurs de l'économie de marché, celles de la recherche du profit et de l'appât du gain qui, selon la plupart des économistes et des hommes d'affaires, devraient gouverner la culture comme n'importe quel autre produit de consommation, sont choses abominables du point de vue de l'art, qui vénère le dépassement, le risque, l'expérimentation et l'esprit critique.
Si on croit que l'expression artistique est vitale à la société et qu'on reconnaît que le potentiel des technologies de communication dépasse le simple accroissement de la consommation, il est inacceptable d'abandonner la culture à une économie de marché complètement dominée par quelques entreprises étrangères. Dans une économie de marché, l'écart entre la capacité de production, de distribution et de commercialisation des États-Unis et celle du Canada réduirait le plus modeste des deux à un rôle de consommateur passif.
Toute tentative de limiter la circulation des produits culturels ou des idées peut sembler rétrograde. Le but de la politique culturelle est cependant de promouvoir la tolérance envers tous les moyens d'expression artistique en s'assurant que chaque milieu créatif puisse entrer en contact avec son propre auditoire.
La société de consommation moderne a amené un niveau de vie matériel élevé, mais aussi une angoisse indubitable. L'esprit créateur, qui explore le sens éthique et esthétique de la vie, n'a jamais été aussi vital qu'aujourd'hui. En parlant des sommes énormes engagées par notre société dans la défense, la Commission Massey demande : « Qu'est-ce donc que nous voulons défendre? Nous voulons défendre la civilisation, la part qui nous en revient, l'apport que nous avons pu lui faire. Or notre enquête porte justement sur tout ce qui donne à cette civilisation son caractère et sa valeur. Ce serait un paradoxe que de nous apprêter à défendre une richesse que nous ne voudrions ni accroître ni faire fructifier, et que nous laisserions, au contraire, se désintégrer. » Ce discours s'applique encore aujourd'hui.