Le populisme est une idéologie et un mouvement politique qui promeut l’idée du « peuple », habituellement en l’opposant à une élite établie. Il est souvent considéré comme une idéologie de droite, mais il existe aussi des populismes de gauche. Le populisme a une longue histoire au Canada, et continue à occuper une place importante dans la culture politique et la vie publique canadiennes. Le Canada a connu des partis populistes de droite (comme le Crédit social, le Parti créditiste et le Parti réformiste) et de gauche (comme les Fermiers unis de l’Alberta et la Co-operative Commonwealth Federation). Le populisme est parfois difficile à définir, mais tous les populismes prétendent parler au nom des « gens ordinaires » qui ont été abandonnés, d’une manière ou d’une autre, par l’establishment.
Le peuple contre les élites
Tous les populismes expliquent les rapports de pouvoir et le fonctionnement des institutions sociales par un antagonisme fondamental entre « le peuple » et « les élites dominantes ». Pour les populismes de gauche, comme dans le socialisme, l’élite dominante est constituée par les grandes entreprises capitalistes et les grands partis politiques, et « le peuple » par une coalition naturelle de travailleurs salariés, de cultivateurs et de gens des classes pauvre et moyenne.
Comme la plupart des idéologies conservatrices, les populismes de droite préconisent une réglementation minimale de l’économie de marché. Selon eux, l’élite dominante est composée de bureaucrates d’État, de politiciens interventionnistes, de groupes d’intérêts qui proposent plus d’interventions de l’État dans la vie sociale et l’économie et occasionnellement d’intérêts financiers. Pour les populismes de droite, le « peuple » est constitué par l’ensemble des citoyens qui ne sont pas représentés par ces groupes d’intérêts.
Populisme de gauche au Canada
Au Canada, le populisme de gauche émerge d’abord dans les mouvements agraires de l’Ontario et des trois provinces des Prairies, durant la première moitié du 20e siècle (par exemple, les Fermiers unis du Canada, section de la Saskatchewan, la Non-Partisan League et les Fermiers unis de l’Alberta). Dans ces mouvements, beaucoup de militants expérimentent la démocratie directe et fondent des coopératives pour combattre la grande entreprise. Entre 1880 et 1930, les militants ouvriers sont aussi clairement des populistes de gauche, car ils essaient de mettre en place des coalitions transcendant les classes contre la grande entreprise et les partis libéral et conservateur.
L’expression classique du populisme social-démocrate au Canada est la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), formée en 1932. La CCF réunit des militants des mouvements agraire et ouvrier des Prairies et d’autres régions. Elle critique le capitalisme et propose la propriété et la planification étatiques, de même qu’un État providence généreux. La CCF forme le premier gouvernement social-démocrate d’Amérique du Nord en 1944, en Saskatchewan, sous la direction de Tommy Douglas, et y conserve le pouvoir pendant 20 ans. Au Canada, quand la social-démocratie a connu le succès, elle comportait toujours des appels populistes à transcender les classes sociales.
Au Québec, le Parti québécois combine le populisme de gauche et le nationalisme québécois sous le leadership de René Lévesque durant les années 1970 et le début des années 1980. Dans les années 1990, les chefs du Nouveau Parti démocratique, Glen Clark en Colombie-Britannique et Roy Romanow en Saskatchewan, utilisent des stratégies populistes de gauche et remportent des seconds mandats pour leurs gouvernements respectifs. Dans leurs campagnes, ils présentent les autres partis comme des instruments de la grande entreprise qui couperont les programmes sociaux. Traditionnellement, le NPD fédéral promeut un message populiste de gauche, avec un succès variable.
Populisme de droite au Canada
Historiquement, la meilleure représentation du populisme de droite est la Social Credit League of Alberta, qui a formé des gouvernements sous la direction de William Aberhart (1935-1943) et Ernest Manning (1943-1968). À l’origine, le crédit social combine une théorie économique non orthodoxe, un antagonisme à l’égard des banques centrales canadiennes, un christianisme fondamentaliste et un leadership autoritaire. Il évolue graduellement vers un parti défendant le conservatisme social, une opposition aux programmes sociaux nationaux et une administration calquée sur celle des affaires. Au Québec, des années 1940 jusqu’aux années 1960, on retrouve des partis populistes autoritaires de droite comme l’Union Nationale de Maurice Duplessis au provincial et le Parti créditiste dirigé par Réal Caouette au fédéral.
Dans les années 1990, le Parti réformiste du Canada, dirigé par Preston Manning, se fait la voix du populisme de droite au Canada. Le parti veut un Sénat élu, des réductions d’impôts et des coupures de budget drastiques, préconise le remplacement des programmes sociaux existants par des organismes caritatifs privés, défend les valeurs familiales traditionnelles et s’oppose au statut constitutionnel de « société distincte » pour le Québec. Il propose de recourir à des référendums sur des enjeux comme les langues officielles, la peine capitale, l’action positive et le financement du déficit gouvernemental. Selon le Parti réformiste, ceci permettrait de neutraliser l’influence politique des groupes d’intérêts et des « vieux partis ». Dans l’élection fédérale de 1997, le Parti réformiste acquiert le statut d’opposition officielle. Mais puisque ses 60 députés se trouvent dans l’Ouest, et qu’il n’a aucune chance sérieuse d’obtenir des sièges au Québec, il n’a pas la crédibilité nécessaire pour offrir une solution de remplacement aux partis politiques nationaux existants. En 2000, il forme l’éphémère Alliance canadienne dans une tentative d’« unir la droite ».
Les politiciens conservateurs provinciaux utilisent aussi le discours populiste dans les années 1990. Le premier ministre d’Alberta, Ralph Klein, et celui de l’Ontario, Mike Harris, promettent de « combattre l’establishment » ou les « groupes d’intérêts », et lancent une « révolution du bon sens » au nom des « citoyens ordinaires ».
Au 21e siècle, on a de plus en plus recours au populisme pour expliquer les développements politiques dans le monde. Par exemple, aux États-Unis, le populisme de droite est lié à l’élection du président Donald Trump. Au Canada, le populisme de droite contribue à l’élection du maire de TorontoRob Ford en 2010, du premier ministre de l’Ontario Doug Ford en 2018 et du premier ministre de l’Alberta Jason Kenney en 2019. En politique fédérale, Maxime Bernier fonde le Parti populaire du Canada, qu’il présente comme un « populisme intelligent ».
Si certains politiciens conservateurs ont utilisé le discours populiste pour accéder au pouvoir, leurs politiques ont plutôt consisté à accroître la centralisation du pouvoir auprès de leurs gouvernements ou à le remettre entre les mains de l’élite du monde des affaires. Les baisses d’impôts, les coupures de services sociaux, et le durcissement en matière d’ordre public sont présentés comme des manières de remettre le pouvoir entre les mains des gens, mais ceux-ci sont conçus davantage en tant que consommateurs qu’en tant que citoyens. L’État providence est dépeint comme un fléau incontrôlable pour les contribuables qui travaillent fort, c’est-à-dire « le peuple ». Dans ce scénario, les bénéficiaires de l’assistance sociale, les pauvres et les travailleurs syndiqués jouissant de la sécurité d’emploi sont vus comme des ennemis du peuple, et son seul espoir est un gouvernement revenant aux valeurs de base. Les populismes de droite contemporains s’efforcent d’exploiter les sentiments d’insécurité de la classe moyenne concernant la sécurité d’emploi, le statut, la sécurité et le bien-être futur.
Maxime Bernier en 2017. Précédemment membre du Parti conservateur, Maxime Bernier a fondé le Parti populaire du Canada en 2018.
Signification
Le populisme connaît une résurgence dans la culture politique et les débats idéologiques au Canada. Comme dans d’autres sociétés occidentales, beaucoup de Canadiens font de moins en moins confiance aux politiciens, aux partis politiques et aux gouvernements, et ressentent une grande insécurité face à l’avenir. Les sentiments populistes étant en hausse au Canada et ailleurs dans le monde, plus de politiciens adoptent le style et le langage populiste. Toutefois, l’objectif principal des politiques populistes traditionnelles, à savoir le contrôle populaire des citoyens sur les grandes institutions qui régissent leurs vies, est beaucoup plus difficile à réaliser dans notre économie politique complexe et mondialisée.